En France, la PMA est réservée aux couples hétérosexuels. Pour les lesbiennes qui souhaitent avoir un enfant, il faut se rendre à l’étranger. Une décision lourde de conséquences.
La plupart des gens ne sont pas au courant de la réalité de la procréation médicalement assistée (PMA). Ce n’est ni une partie de plaisir, ni un jeu, ni une lubie. Et les femmes qui y ont recours le savent : c’est un parcours du combattant. Un parcours qui se complique encore pour certaines femmes. Car en France, la PMA n’est ouverte qu’aux couples hétérosexuels, qu’ils soient mariés ou pas. Les femmes célibataires et les lesbiennes - même si elles sont mariées ou pacsées – ne peuvent pas, légalement, accéder à la PMA et doivent s’exiler pour pouvoir enfanter. Une situation qui crée des discriminations insupportables.
En France, la PMA est devenue un sujet de bataille médiatique. Pour en débattre, sont invités des spécialistes auto-proclamés – plutôt des hommes d’ailleurs, ou des représentants religieux -, qui n’ont jamais été confrontés à l’infertilité ou au parcours médical lié à la PMA. J’ai réalisé le documentaire « Aria » pour redonner la parole à toutes ces femmes passées par la PMA, à l’étranger ou non.
La PMA n’est pas un jeu
La PMA est une course. Pendant un mois, on attend que le corps soit en période d’ovulation. Les femmes ont une fenêtre de fertilité de 48 heures. Une fenêtre qui n’est malheureusement pas programmée à heure fixe chaque cycle – sinon ce serait trop facile. Alors, pendant un mois, on enchaîne les examens tous les matins, avant d’aller travailler, entre 6 et 7h du matin. Il faut se rendre chez un gynéco capable de faire des échographies des ovaires, pour surveiller la taille des ovocytes. Arrivés à 17 millimètres, ils sont presque prêts à ovuler. Au même moment, le corps doit atteindre un pic hormonal pour permettre la fécondation. Il faut donc doubler ces échographies d’une prise de sang journalière, à réaliser dans un autre centre médical.
Toujours dans une même journée, à midi, il faut récupérer les résultats de ces examens en urgence. Ce qui signifie quitter le bureau précipitamment et sauter la pause déjeuner pour se rendre sur place, dans les différents centres médicaux. Car il faut être prête à courir faire l’insémination, partir en urgence le soir même ou le lendemain matin, si tous les facteurs sont réunis. Sinon, il est trop tard et il faut tout recommencer le mois suivant. Et ce programme se répète chaque jour, pendant une bonne partie du mois. Comme le dit Muriel dans le documentaire, une femme qui souhaite vraiment devenir maman serait prête à traverser des montages pour que son enfant voit le jour !
Des discriminations face aux soins
Autre exemple, dans le film, Marion, mariée avec sa compagne, explique qu’elle a commencé sa PMA en même temps qu’une de ses collègues, mariée elle aussi. Leur différence : elle est lesbienne et n’a pas accès à ces soins en France, quand sa copine hétéro le peut. Et les répercussions sont multiples.
Sa collègue a la possibilité de faire tous ses examens dans un même centre habilité, un CECOS, à côté de son travail. Et le jour de l’insémination, elle est prise en charge par une équipe qui connait très bien son dossier médical, dans ce même établissement aux alentours. Marion, elle, doit trouver un gynécologue indépendant qui accepterait de la prendre en consultation pour ses examens. La plupart refusent. Dans le documentaire, Soline, célibataire, explique qu’elle a du en rencontrer plus de huit avant d’un trouver un qui accepte de la suivre dans son désir de grossesse. Certains acceptent mais font payer leurs services très chers. Et pour celles qui le peuvent, la course continue. Le jour J, Soline, Muriel, Marion et sa compagne, et bien d’autres, doivent parcourir 400 km en urgence pour aller jusqu’en Belgique pour l’insémination, ou 1000 km si elle vont en Espagne, en Norvège, au Danemark..
Pour celles dont la fécondation est réussie, les difficultés continuent une fois que l’enfant voit le jour. Dans le couple, la maman qui n’a pas porté l’enfant doit attendre que l’enfant naisse pour pouvoir faire une demande d’adoption de son propre enfant. Il faut engager un notaire, la procédure est longue, cela peut durer plus d’un an. Et si le couple ne s’est pas marié avant, la demande d’adoption est refusée.
Des discriminations économiques
Il faut un an en moyenne pour qu’une femme de 30 ans tombe enceinte, en ayant de fréquents rapports sexuels. Si on passe par la PMA, c’est pareil, sauf que chaque tentative est payante. En Espagne, une insémination simple coûte autour de 2.000 euros, une FIV 5.000 euros. Quand on doit y retourner tous les mois, parfois pendant des années, c’est difficilement supportable. Surtout, ce sont les personnes les plus faibles économiquement, c’est à dire les femmes, qui sont touchées. Certaines femmes doivent s’endetter avant même que leur bébé ne naisse, les laissant dans la précarité pour pouvoir élever leurs enfants. C’est très injuste. Toutes les femmes françaises payent leurs cotisations à la sécu. Hors certaines cotisent pour les PMA des autres, auxquelles elles-mêmes n’ont pas droit. C’est absurde.
Certaines futures mamans sont donc prises en charge médicalement et économiquement, tandis que d’autres sont traitées comme des délinquantes dans leur propre pays, et doivent tout faire dans la clandestinité, comme ce que vivaient nos mères à l’époque ou l’avortement était interdit.
Ce que les gens ignorent, c’est que certains couple hétéros doivent eux aussi partir à l’étranger pour leur PMA, car en France il y a 2 ans d’attente à cause du manque de gamètes disponibles. Cette pénurie s’explique par le fait qu’il n’y a aucune campagne de sensibilisation au don de gamètes en France. La PMA, c’est un sujet tabou, c’est encore vu comme quelque chose de honteux. Or, on voit que dans certains autres pays, le don de gamètes est valorisé socialement, c’est considéré comme un très beau geste, un geste civique, un peu comme le don du sang ou le don d’organe.
L’autre soucis, c’est l’anonymat obligatoire des dons de gamètes.
L’Etat, via les anciennes lois dites de « bio-ethique », a imposé cet anonymat obligatoire, au tout début des techniques de PMA, pour permettre aux couples héteros de conserver le secret autour de la conception de leur enfant.
Mais aujourd’hui beaucoup de futurs parents, qu’ils soient hétéros ou homos, souhaitent au contraire que leurs enfants puissent avoir accès à leurs origines.
Et c’est tout a fait possible, comme le montre l’exemple de la Suède, qui est le premier pays d’Europe à avoir levé l’anonymat du don de gamètes, il y a déja plus de 25 ans.
La PMA est tout sauf un parcours facile, et les lois qui la régissent sont obsolètes. L’ignorance est grande, et on entend parfois dans les médias des discours très éloignés de la réalité : « Ces enfants vont devenir des terroristes » , « c’est la fin de l’humanité » disent les anti. Comme toutes les femmes qui sont passées par la PMA, en regardant nos enfants, nous savons que c’est tout le contraire.
Aria
Comment fonder une famille, devenir parent et élever ses enfant dans ce contexte homophobe ultra-violent ? Le film, tourné intégralement au smartphone, propose un voyage intime, des paroles sensibles, drôles ou émouvantes, tel un « album de famille » contemporain.
Diffusé à Grenoble (07 mars) et Lyon (11 mars ), à Lille le (23 mars).