Christian est le quatrième habitant du Raincy à porter plainte pour violences volontaires contre le policier Laurent D. Une enquête préliminaire est en cours à l'IGPN.
Après la publication de notre enquête, Christian nous a contactés pour raconter son histoire : coup de pied, de tête et de taser, Christian a passé un sale quart d’heure. Deux certificats médicaux consultés par StreetPress attestent de ces blessures. Le 25 février, il reçoit 2 jours d’ITT à la suite de ce passage à tabac. Trois jours plus tard, les médecins de l’hôpital Jean Verdier de Bondy lui accordent 3 jours supplémentaires pour les conséquences psychologiques de son altercation avec la police.
Le 28 février 2017, il a porté plainte contre Laurent D. et l’un de ses collègues pour « violences volontaires en réunion par agents dépositaires de l’autorité publique ». Il est le 4ème habitant de ce quartier à porter plainte contre ce même policier. Le parquet de Bobigny nous indique qu’une enquête préliminaire est en cours à l’IGPN, la police des polices.
De leur côté, les deux policiers ont porté plainte contre lui pour outrage et rébellion. Jugé en avril 2017, Christian a été condamné à 2 mois de prison avec sursis par le tribunal correctionnel de Bobigny pour « s’être débattu » et « avoir donné un coup de pied » à l’un des policiers lors de son interpellation.
« Je lui fais pire qu’à Théo »
Pour Christian, tout commence le 20 février 2017. Avec des potes, il tape la gonfle dans une salle de futsal de Villemomble, une ville frontalière du Raincy. Il est 22h quand la petite troupe sort du gymnase. « On était une quinzaine. On parlait, on rigolait entre nous », se souvient le jeune homme qui arbore, le jour de notre rendez-vous, veste en cuir et pantalon ajusté. Une voiture de police ralentit. Trois policiers en sortent, dont Laurent D. « Rentre chez toi », aurait lancé le policier à Christian, de but en blanc :
« – À qui tu parles, lui répond le jeune homme
– À toi connard ! »
Christian et ses potes décident de battre en retraite, de l’autre côté de la cité. Là encore, ils tombent sur le policier. « Rentrez chez vous, vous n’êtes pas chez vous ici », persiste Laurent D. Là encore, Christian s’interpose. « Non, on est chez nous, on habite ici », oppose le jeune homme.
Le ton monte. « Toi, t’es un bonhomme, viens on se tape », aurait lâché Skoll à l’adresse de Christian. « Comme d’habitude, Laurent D. a voulu faire son cinéma »,complète Simon, un ami de Christian présent ce soir-là. Refus du jeune homme. Suivi de quolibets de la part du policier. Et de menaces :
« Celui qui ose jeter une pierre [sur leur voiture stationnée juste là], je lui fais pire qu’à Théo. »
Les cailloux fusent, regrette Christian. « Mais moi, je n’en ai pas jetés », assure-t-il. Tout le monde se disperse. « Les policiers ont même tiré au flashball mais personne n’a été touché », soutient Yacine, un de ses amis également présent ce soir-là. Le jeune homme livre sensiblement le même version des faits. Pour l’étudiant, ce type d’altercation est fréquente. « Dès que Laurent D. fait un contrôle, il veut s’affirmer. Il veut montrer qu’il est au-dessus de nous », explique t-il :
« Quand il nous voit, il nous insulte. Il nous traite de merdes. »
Coup de taser et coup de boule
Le 25 février, c’est au pied de son immeuble que se joue le match retour entre Christian et Laurent D. Des amis sont en train de se faire contrôler quand le jeune homme aperçoit l’imposant policier. Ce dernier l’interpelle. « Alors ça va caillasser ou pas ? » – « Je ne sais pas », répond Christian. C’est alors que les hostilités commencent. « Il m’attrape et me met un coup de tête », assure-t-il tout en sirotant son Coca-Cola. Le jeune homme serait alors tombé sur le bitume :
« Au sol, il a commencé à me frapper alors que j’étais face contre terre. Il a posé un genou sur mon dos. »
Simon était témoin de la scène :
« Deux policiers le tenaient. Un autre lui faisait une clé de bras. Sa mère était là. Elle criait : “Laissez mon fils !”, et les policiers l’ont repoussé. »
Tant bien que mal, Christian se relève avant de recevoir un coup de taser qui le met K.O. Il est alors transporté au commissariat du Raincy. À l’abri des caméras, Laurent D. aurait tenté d’en découdre encore une fois, affirme Christian :
« Il voulait qu’on se batte. Il a fini par me mettre une gauche et une droite dans la tête avant que ses collègues nous séparent. »
Après 20 heures passées au commissariat, Christian retrouve la liberté. « Quand il est sorti de garde à vue, il est venu directement chez moi », se rappelle Simon :
« Christian était couvert d’hématomes. Il avait du sang dans l’œil. Et du mal à marcher. »
Contacté par StreetPress, l’avocat de Laurent D. n’a pas donné suite à nos demandes d’interview.
*Le prénom a été modifié.