Nicolas Hénin, journaliste et auteur de Jihad Academy, lance un think tank pour réfléchir aux questions de terrorisme et de radicalisation. A ses côtés, l’ancien détenu de Guantanamo, Mourad Benchellali, ou l’historien militaire Cédric Mas.
« On part du constat qu’un certain nombre d’acteurs pas très satisfaisants se sont accaparés les questions de terrorisme et de radicalisation. » Nicolas Hénin – journaliste (au cours d’un reportage en Syrie, il a été pris en otage par al-Nosra) et auteur de Jihad Academy – s’emploie actuellement à développer son think tank « pour palier cet état de fait ». Avec lui, 5 autres professionnels du domaine : Cédric Mas, avocat et historien militaire ; Jean-Marc Lafont, spécialiste des conflits ; Bilad al-Fransa, ingénieur en sécurité informatique ; et Mourad Benchellali, ancien détenu de Guantanamo engagé dans la prévention de la radicalisation.
« Nous sommes multidisciplinaires. Tout le monde apporte un élément indispensable. Il faut connaître le Moyen-Orient, comme être capable d’ingérer des rapports et documents de sociologie, psychologie, islamologie, pour apporter au moins un début de réponse concrète à la radicalisation et au terrorisme. »
Le nom de leur structure : Action Résilience. Pour en savoir un peu plus, nous avons interviewé Nicolas Hénin :
Pourquoi avoir lancé Action Résilience ?
Nous sommes, dans un sens, l’expression d’une envie de la société civile de lutter, à notre niveau, contre le terrorisme. Un certain nombre d’acteurs ont pu proliférer et se sont accaparés ces questions. On voit bien aujourd’hui que peu de projets ont fonctionné. Et s’ils ont pu proliférer avec tellement d’aisance, c’est parce qu’il n’y a pas de figures scientifiques françaises suffisantesrendu. Il existe surtout un manque de coordination entre tous nos chercheurs, il faut un lieu de fusion des disciplines.
Pensez-vous que ce qui a été fait jusqu’à maintenant en matière de terrorisme était vain ?
Tout n’est pas à jeter. Mais il y a eu beaucoup de précipitation, puis d’hésitation et de tâtonnement. On s’est rendus compte que les référents sur la question n’étaient peut-être pas les bons. Mais sur le moment, il fallait agir… Nous sommes à l’opposé de cette démarche alarmiste. Nous ne nous plaçons pas non plus comme des Bisounours en niant les problèmes. Mais il faut avouer que ni la violence ni la politique ne sont des phénomènes nouveaux. Si on faisait un pas en arrière avec un peu de sérénité, on se rendrait compte qu’il n’y a rien d’insurmontable. Et que des réponses sur le long court sont possibles.
Vers qui se tourner alors ?
Les pouvoirs publics ont maintenant décidé de se tourner vers des acteurs traditionnels : des travailleurs sociaux, des psychologues de l’administration pénitentiaire, etc… C’est une bonne chose. Ce sont des gens qui connaissent leur métier et sont irremplaçables. Après, il faut aussi avoir la prise de conscience que le terrorisme et la radicalisation djihadiste sont des phénomènes avec de vraies spécificités. En gros, le travailleur social est compétent et a besoin d’une formation complémentaire pour pouvoir intégrer les spécificités de la radicalisation djihadiste. Nous pensons pouvoir lui apporter ces compétences supplémentaires.
Vous voudriez lancer des programmes de formation ?
Nous voulons d’abord fédérer des scientifiques et spécialistes adéquats pour penser ces formations. Il faut une approche multi-disciplinaire pour vraiment cerner le problème et y remédier de la meilleure des manières. Ensuite, oui, nous voudrions former les professionnels compétents. L’idée est d’avoir une démarche double : vers le haut et vers le bas. Créer et développer des connaissances fondamentales solides sur les questions de terrorisme et de radicalisation, et transmettre ensuite ce savoir. De la recherche au terrain.
Comment ?
Nous avons 2 structures parallèles : une société de conseil et de formation, et une association – centrée sur la recherche et le rassemblement des spécialistes – à but non lucratif. Je suis le patron de la société et Frédéric Mas est président de l’association. La séparation entre les deux est vraiment stricte, autant pour les gouvernances que pour les comptes. Nous voulons prouver qu’on n’y va pas pour taper les subventions. D’un côté, la société nous permet de vivre. De l’autre, l’asso permet de financer des actions de recherche. On est tous bien conscients des dérives éthiques qui existent dans le secteur et on sera particulièrement attentifs.
Et avec qui allez-vous travailler ?
Nous travaillons avec un carnet d’adresses d’experts que l’on sait sérieux et qu’on l’on peut solliciter sur un certain nombre de thèmes. Et pour l’asso et le colloque que nous organisons à l’automne, nous sommes en train de définir une politique d’adhésion.
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