Ce jeudi 16 juin, l'asso féministe Lallab organisait un repas de Ramadan sur l'esplanade de la bibliothèque nationale. Le mot d'ordre ? Bonne humeur, petits plats et ouverture !
Bibliothèque François Mitterrand, Paris 13e – « On n’avait pas tout compris, on l’a joué un peu solo », rigole gênée Meryem, 24 ans. La jeune femme au long cheveux noirs montre piteusement ses deux petits wraps de supermarché et ses deux canettes de soda. « Avec ma copine, on avait compris que c’était en mode pique-nique. On aurait aussi cuisiner un petit truc sinon… » Devant elle, c’est une montagne de plats familiaux et d’énormes assiettes de pâtisseries qui s’entassent par terre, sur une nappe en papier blanc. Ce soir, posée sur l’esplanade de la bibliothèque nationale, l’étudiante en master 1 d’ingénierie est venue partager un ftour avec près de 200 personnes. Une initiative de l’asso Lallab – dont le but est de faire entendre les voix des femmes musulmanes – co-fondée par Sarah Zoak, qui porte un énorme sourire aux lèvres :
« Un ftour, c’est un repas de Ramadan. C’est quand, au coucher du soleil, vers 22h, on peut commencer à manger. Durant cette période de jeûne, on partage souvent ces repas en famille et entre amis. C’est un grand moment de partage. »
21h. Les gens arrivent doucement. /
« Tu peux avaler ta salive pendant le Ramadan ? »
« Habituellement, on organise des projections ou des ateliers de sensibilisation. C’est le premier événement un peu informel », explique Sarah, grandes lunettes noires sur le nez et cheveux ébènes coupés au carré. Il y a eu l’anniversaire des un an de Lallab quelques mois plus tôt – qui avait réuni plus de 500 personnes – mais rien de comparable à ce jeudi soir. Les organisatrices semblent agréablement surprises par le nombres et la diversité des participants. Face aux quais de Seine, sous un soleil déclinant, des femmes et des hommes discutent, de confession musulmane ou non. Sarah poursuit :
« L’idée est de se retrouver, de partager et d’informer aussi sur ce qu’est le Ramadan. Je pensais qu’en 2017, en France, tout le monde savait ce que c’était. Mais on me demande encore si je peux avaler ma salive… »
Attika, bénévole, embraye :
« Une collègue m’a récemment demandé comment j’allais faire pour ne pas me nourrir pendant un mois. Elle m’a dit : “Tu vas mourir, non ?”. J’ai dû lui expliquer qu’on pouvait manger et boire le soir. »
Attika ! /
« On se veut hyper inclusives »
22h. Une participante hurle « c’est bon, on peut manger ! ». Les hostilités sont lancées ! Au loin, un nouveau groupe arrive. Une partie de l’asso Coexister – qui milite pour le vivre ensemble et pour des causes anti-racistes – débarque au ftour. « On organisait un truc juste à côté, sur les quais. Ç’aurait été idiot de ne pas se rassembler », explique Amine, 27 ans, et responsable de l’association dans le sud de Paris. « Convergence des luttes », rigole Attika en levant le poing, avant de reprendre plus sérieusement : « On se veut hyper inclusives. Notre porte est ouverte à tous. »
Ftour time ! /
Les plats passent de mains en mains pour traverser l’immense tablée improvisée. « Qui a vu le crumble aux framboises ? Tout le monde me dit qu’il est incroyable ! Il est parti à droite ou à gauche ?? » Quand vient l’heure du dessert, on parle toujours féminisme. « Chez moi,“féministe” a été une insulte pendant longtemps. Ça représentait les anti-voiles en 2004 », discute Soraya, foulard noir et blanc en turban sur la tête. L’enseignante avait vaguement entendu parler de Lallab, avant de commencer à lire assidûment leur site d’infos. Le ftour et les rencontres de la soirée semblent avoir fini de la convaincre : « J’aime beaucoup leurs idées et le fait qu’ils soient aussi ouverts ». La jeune femme de conclure, juste avant de partir vers 23h30 :
« Ça me donne de l’espoir ce qu’il se passe ce soir, je te jure. Regarde ! Des musulmans avec des athées, des femmes, des hommes, des Français, des non-Français, pour partager un bout de Ramadan ?! C’est beau, c’est tout. »
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