Alexis Dauxais est prof dans l’ouest de la Guyane. À Streetvox, il raconte les établissements vétustes, le seul toilette pour 1200 élèves et les repas qu'il partage avec eux. C’est aussi pour ça que les Guyanais sont en grève générale.
Quand je suis arrivé l’été dernier, j’ai eu l’impression d’atterrir ici en colon : un prof parachuté dans une colonie française avec son programme républicain sous le bras, mais qui ne connaît rien des réalités locales. Au-delà du climat, du mélange culturel incroyable entre l’Afrique, les Caraïbes et l’Amérique du sud, on réalise surtout qu’il y a un manque important d’infrastructures et de moyens investis par la métropole.
Le retard est structurel. Le milliard que propose François Hollande, c’était déjà dans les cartons depuis bien longtemps. C’était prévu. C’est ce que dénoncent les Guyanais, qui n’ont toujours pas vu la couleur de cet argent.
Il manque énormément d’établissements scolaires. De nombreuses zones et villes ne sont pas du tout desservies, notamment dans le Sud où la forêt est très dense. Il n’y a pas de réseau de bus, pas de transports en commun et souvent même pas de route.
La route nationale 1 relie Saint-Laurent-du-Maroni à Cayenne en trois heures de route. / Crédits : © Sémhur / Wikimedia Commons / CC-BY-SA-3.0
La nationale 1, seule véritable route de Guyane
À Cayenne, t’es encore dans une ville française de type colonial, avec des quatre-voies, des supermarchés, un plan urbain bien quadrillé, comme dans toutes les grandes villes d’Amérique du Sud. Mais dès que l’on s’en éloigne, ne serait-ce que dans la deuxième ville de Guyane, Saint-Laurent-du-Maroni où j’enseigne, on change complètement de décor.
Il faut emprunter la nationale 1, la seule véritable route du territoire qui relie Cayenne à Saint-Laurent (puis continue vers le Sud-Est jusqu’au Brésil). Sinon, on roule sur des pistes ou bien on navigue en pirogue sur les rivières, les « criques », comme on dit ici.
On est dans l’Ouest à Saint-Laurent ; on dit « sur le Maroni », du nom du fleuve. C’est une autre Guyane, plus isolée. La forêt est partout autour. De nombreux habitants vivent dans un habitat informel, sans électricité, ni eau courante.
Il y a 250.000 habitants en Guyane, l’équivalent d’une ville comme Montpellier, mais son territoire est très vaste. La deuxième région de France en superficie mesure 83.500 km², soit la taille du Portugal ou de l’Autriche.
Le chef-lieu, Cayenne, compte près de 56.000 habitants. Saint-Laurent-du-Maroni : 44.000 recensés, mais bien plus en réalité. C’est la future première ville de Guyane selon les estimations. La croissance démographique explose, notamment avec l’arrivée de nombreux émigrés venus du Suriname, du Brésil et de Haïti.