L’appel de Farhad, jeune réfugié afghan – lundi 13 mars à 11h15 du matin, il sera embarqué de force par la police française. Ce jeune traducteur pour l’Onu, notamment dans la mise en place des élections en Afghanistan, est menacé de mort par les talibans.
Lundi matin, la police française va me forcer à monter l’avion. Depuis le 12 jours, je suis enfermé dans un centre de rétention à quelques centaines de mètres de l’aéroport de Roissy. Chaque minute ici, un avion décolle ou atterrit.
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Je m’appelle Farhad, j’ai 24 ans. En Afghanistan, je suis menacé de mort par les talibans du fait de mon engagement politique. J’y ai été traducteur pour l’Onu, pour la mise en place des élections libres. Voici mon histoire.
Ma famille vivait à Ghorband, à 50 kilomètres de Kaboul. Mon oncle et mon père ont d’abord été persécutés par les talibans, qui les rackettaient. Ils avaient un commerce, et un peu d’argent. Un groupe de talibans est venu leur en réclamer. Mon père a refusé de les aider. Ils nous ont menacés.
J’ai décidé de m’opposer publiquement aux talibans. Cette année-là, ils ont tué plus de 50 personnes là où je vivais. J’ai manifesté pour la paix. Les talibans m’ont reconnu avec la publication de photos dans la presse. J’ai dû quitter ma ville pour rejoindre Kaboul.
J’avais des traces de lames de couteau, des cicatrices sur le corps, c’était le dernier avertissement des talibans
Là, j’ai travaillé en tant que traducteur pour une mission de l’Onu qui encadrait la tenue d’élections libres et indépendantes. C’était en 2014, pour les présidentielles.
Quand les talibans ont su que je travaillais sur l’organisation de ces élections, que j’étais proche de certains responsables politiques, ils ont appelé mon père et l’ont menacé à nouveau. Ils lui ont dit que s’ils me trouvaient ils me tueraient. Ce que j’avais fait était « impardonnable » pour eux.
Les talibans m’ont retrouvé et m’ont kidnappé. Quand ils m’ont relâché, j’avais des traces de lames de couteau sur tout le corps, des cicatrices partout. C’était leur dernier avertissement. Ma famille était terrifiée.
Décollages et atterrissages entrecoupent notre discussion. Farhad est enfermé au centre de rétention administrative (CRA) du Mesnil-Amelot, juste à côté de l’aéroport de Roissy.
StreetVox l’a contacté après avoir été alerté par la Cimade. Depuis sa cellule, il a accepté de nous raconter son histoire par téléphone.
L’expulsion de Farhad, à qui la Norvège a refusé le droit d’asile, est rendue possible par l’accord entre l’UE et l’Afghanistan, qui simplifie radicalement les procédures d’expulsion vers ce pays. Pour en savoir plus sur l’accord UE-Afghanistan et les recours déposés par Farhad contre son expulsion, lisez la tribune de Marion Beaufils, juriste à la Cimade.