31/01/2017

J'ai été licenciée pour m'être trompée de destinataire dans un mail

Par Cécile ,
Par Aladine Zaïane

Les employés sont-ils jetables ? L'histoire de Cécile en est un exemple. Employée modèle, elle a été virée à la faveur d'un changement de direction pour un mail mal aiguillé. Elle raconte combien elle aimait son métier et comment elle y trouvait du sens.

Je m’appelle Cécile, jusqu’au mois de décembre dernier j’étais employée comme assistante d’exploitation dans une entreprise en charge de la maintenance des chauffages, principalement pour des résidences HLM. Je vous parle au passé car j’ai perdu mon travail. Oui, après 7 ans de bons et loyaux services, j’ai été licenciée pour un mail envoyé par erreur.

Je gérais les doléances des locataires

Mon travail est difficile. Je reçois les doléances des locataires de logements HLM et je suis chargée de les faire remonter auprès de la direction. Mon quotidien n’est pas de tout repos, les locataires peuvent être agressifs. Il est vrai qu’ils logent dans des appartements parfois insalubres.

C’est parce que j’aime mon métier et qu’il a du sens que j’ai accepté de travailler dans des conditions difficiles ces derniers mois. Le chef d’agence a démissionné en février 2016 et une collègue est partie dans la foulée en avril 2016.

C’est seulement en octobre dernier qu’un nouveau chef d’agence débarque, avec un nouveau responsable régional. Par contre, ma collègue n’a pas été remplacée. J’ai donc récupéré tous ses dossiers, ce que je n’avais pas à faire. Mais je l’ai fait car je suis investie à 100 % dans mon boulot.

Accepter de reprendre les dossiers de ma collègue, ça a été mon erreur.

Parmi ces dossiers, il y en avait un qui traînait. L’adjointe au service contrat d’un bailleur social voulait un avoir sur une facture. Je me suis rendu compte qu’elle s’était trompée. Il y avait bien un avoir à faire, mais pas sur cette facture. Je lui ai ressorti tout le dossier pour lui démontrer par A+B qu’elle avait tort. Rien n’y fait, elle veut son avoir.

Un mail qui me vaudra d’être licenciée

Je contacte mon nouveau chef d’agence par mail pour lui dire : « Je ne sais plus quoi faire pour qu’elle comprenne. En plus, c’est une menteuse ». La montagne de travail qui m’attendait, la pression mise par les nouveaux responsables qui voulaient imposer leur marque et se faire bien voir. Tout ça m’a conduit à laisser échapper cette dernière phrase. Un premier écart en 7 ans de poste qui me vaudra les foudres de ma direction. Mais ça, je ne le sais pas encore à ce moment.

Si ce mail avait été envoyé uniquement à mon chef d’agence, il n’y aurait eu aucune suite. Seulement, je l’ai envoyé par erreur à cette adjointe du bailleur social. Confuse, je suis partie voir mon supérieur qui m’a calmement dit qu’il allait gérer ça en espérant que ça ne remonte pas plus haut.

J’ai rappelé la dame en lui présentant mes excuses. Elle me dit qu’elle les prenait en compte. Je pensais que ça allait en rester là ou que j’aurai au pire un simple avertissement.

En fait non, la conseillère en question fait remonter l’information jusque très haut dans la hiérarchie. Mon chef d’agence me convoque donc et me fait comprendre que la situation se complique pour moi.


« Après 7 ans de bons et loyaux services j’ai été licenciée pour un mail envoyé par erreur »

Cécile, qui vient d’être licenciée @StreetVox

Une semaine avant Noël je reçois une lettre de convocation à un entretien pour licenciement pour faute simple. C’était la première fois que je voyais ce terme de « faute simple ». Je n’y ai pas cru.

Le motif de ce licenciement était ce fameux mail envoyé par erreur. L’adjointe en question a aussi appelé pour dire qu’une locataire s’était plainte de moi. Pensant que j’avais raccroché le téléphone, j’aurais dit « J’en ai marre de me faire engueuler par les locataires ». Je n’ai pas mémoire de ce genre de propos.

Licenciée entre Noël et le Nouvel an

Mon licenciement est officialisé en pleines fêtes de fin d’année. Un courrier de licenciement arrive dans ma boîte aux lettres le 29 décembre. J’ai trois mois de préavis normalement, mais ils m’en ont dispensé et du coup je ne travaille plus là-bas depuis cette date.

C’est un poste qui me tenait à cœur. Vraiment. Je méritais un avertissement, mais pas un licenciement à cause d’un client mécontent et qui, en plus, était en tort. Avec tous les autres, ça se passait très bien. Il n’y a aucun droit à l’erreur et j’ai servi d’exemple.

Aujourd’hui, je reçois des appels de mes anciens collègues techniciens qui me tiennent au courant de ce qui se passe. Il y a une ambiance pesante et une énorme pression sur tout le monde. Ils ont peur de faire une erreur. Tout le monde doit filer droit.

Je vais saisir les prud’hommes

De mon côté, je vais saisir le conseil des prud’hommes pour licenciement abusif. D’autant que la PDG a écrit à l’ensemble du personnel de l’entreprise (plus de 3 000 personnes) pour dire que j’avais insulté à plusieurs reprises le client… Or, cela est faux, la direction veut me faire passer pour une personne ignoble et incompétente. Je suis blessée et je me sens trahie.

Le quotidien de notre travail de chauffagiste prestataire d’offices HLM, ce sont des locataires qui ont froid et qui veulent des interventions dans l’immédiat. Les techniciens débordés n’ont pas le temps, donc ça leur arrive de ne pas rappeler les locataires. Derrière, on se fait incendier. Après, c’est compréhensible : les personnes n’ont pas de chauffage, et il fait -2°.

Mais à mon niveau, je n’ai pas toutes les solutions. Ce problème de communication et ces délais dans les maintenances, cela fait des années qu’on le vit. Ajoutez à ça des postes laissés vacants, on se retrouve dépassés.

Un jeu de ping-pong en défaveur du locataire

On a beaucoup de logements insalubres. Il y a des chaudières très vieilles. On demande le remplacement au bailleur (l’office HLM) mais ce dernier ne veut pas. Alors que ça résoudrait tous les problèmes. Les pièces n’existent presque plus, donc le technicien va bidouiller mais il ne peut pas faire de miracle. Donc le locataire, encore une fois, va se retourner vers nous.

Parfois c’est notre faute car les bailleurs nous sollicitent et c’est moi qu’ils ont au bout du fil, quand le responsable d’agence met du temps à répondre. Le problème, c’est que je ne suis pas compétente pour tout. Donc le bailleur n’est pas content et le locataire non plus.

Au milieu de toute cette misère sociale, il y a des êtres humains comme moi et mes collègues qui essayons de gérer les besoins vitaux des locataires.

Et la moindre erreur est interdite. Mon expérience le prouve.