Au dernier bar avant la fin du monde, les constructeurs de robots amateurs font s'affronter leur création sur un ring, dans des combats de sumo. « Ils sont complétement autonomes, sans radiocommande », fanfaronne l'un de leurs concepteurs.
21 heures au Dernier bar avant la fin du monde, le spot préféré des geeks parisiens. Une trentaine de personnes squatte le sous-sol où trône une statue de R2D2. Mais ce soir, ce sont d’autres robots qui attirent l’attention. Deux sumobots placés sur un plateau rond qui fait office de ring. Ils vont s’affronter à la manière d’un combat de sumo. L’arbitre siffle le coup d’envoi. Les petits droïdes se mettent à rouler dans tous les sens, sans jamais sortir des limites du terrain grâce à leur intelligence artificielle.
« Ils fonctionnent tout seul ?! » s’étonne un jeune homme vêtu d’un combo polaire et lunettes. « Oui, ils sont complétement autonomes, sans radiocommande », fanfaronne Jérémy, leur concepteur. Ici, pas d’intervention humaine. Lorsque les robots se rentrent dedans, c’est à celui qui aura le plus de puissance pour expulser l’autre du plateau. Sur le ring, un petit sumobot de deux étages, agrémenté d’un large pare-choc, défonce tout sur son passage. En attendant de participer à sa première compétition de l’année, le 27 février à l’Esiee, une école d’ingénieur.
Le roi des robots /
Crédits : Yann Castanier
Do it yourself et collaboratif
Les combats de sumobots c’est le rendez-vous incontournable des constructeurs de robots amateurs. Une petite communauté de geeks, adepte du DIY et du travail collaboratif. Monter un robot demande de mettre en commun un certain nombre de compétences : Programmation, électronique, design ou encore mécanique. Myriam, dessinatrice industrielle de formation, s’est associé avec un 4 copains bidouilleurs pour créer son sumobot. « On l’a appelée Scratina, comme dans l’ ge de glace. Parce qu’elle a de grands yeux et qu’elle est féminine », s’amuse la geekette de 46 ans.
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Leur droïde est fait maison presque à 100%. Seule la carte électronique qui pilote les roues a été achetée telle quelle. Pour le reste, il a fallu souder, programmer et imprimer des pièces en 3D. Sous le robot, des capteurs de luminosité lui permette de différencier les couleurs sombres des couleurs claires. Ainsi le sumobot ne peut pas sortir du ring délimité par une marque blanche. Sur ses flancs, des capteurs infrarouges lui font détecter ses adversaires afin de pouvoir mieux les charger. Ces informations sont traitées en temps réel par un processeur bidouillé par le programmeur de l’équipe. Le résultat de 60 heures de taf, les dimanche après-midi.
Margot la vice-pdt de l'asso qui organise la soirée /
Crédits : Yann Castanier
La révolution Arduino
En marge du combat de sumobot, un petit groupe se presse autour d’un gros droïde qui ressemble à une araignée. Il entame une petite danse puis se rétracte en forme de cube à la manière des Transformers. « Ce n’est pas une araignée mais un hexapode car il a huit pates et non six », nous arrête Thierry, l’heureux papa du robot et organisateur de la soirée. Agé de 44 ans, l’ingénieur à lunettes s’est initié à la robotique au milieu des années 1990 dans le cadre de ses études. Avant de complétement laisser tomber, la faute aux sommes exorbitantes que demandait à l’époque la création d’un robot. Mais en 2007, l’arrivée sur le marché d’un outil technologique open source et à prix cassé ravive sa flamme. La carte Arduino.
Pour 25 euros à peine, il est désormais possible pour quiconque s’y connait en bidouille de programmer des robots grâce ce micro-processeur. Une révolution est en marche, suscitant des vocations chez des millions d’amateurs de robotique à travers le monde. Fini l’époque du modélisme où des objets étaient contrôlés à distance par une télécommande. Place aux robots intégralement autonomes qui fonctionnent grâce à leur intelligence artificielle. « Aujourd’hui créer un sumobot coûte autour de 150 euros. Il y a 15 ans, il aurait fallu débourser plus de 1.500 euros », s’enthousiasme Thierry, par ailleurs président de Caliban, une association de fans de robotique, parmi les plus importante de France.
L'arène où ont lieu les combats /
Crédits : Yann Castanier
Petits génies de la robotique
Parmi ces Géo Trouvetou des temps modernes, certains sont à peine majeurs, comme Jérémy, 18 ans, étudiant en BTS. Ce soir, il est venu avec son dernier robot, inspiré par Wall-E, le personnage du film éponyme de Pixar. Son droïde est construit à partir de lego et bien-sûr, d’une carte Arduino. Il est doté de deux bras, capables de pivoter sur eux-mêmes et de saisir des objets. Jérémy a poussé le délire encore un peu plus loin : sur son smartphone une application lui permet de coder des commandes pour contrôler son robot à distance. Depuis ses 15 ans, il développe des droïdes. Au total, une dizaine.
Sa première création, une voiture qui avance toute seule en évitant les murs grâce à des capteurs ultra-sons. Mais celui dont il est le plus fier est un robot capable de réagir à ce qu’on lui dit. « S’il entend une phrase comme “t’es moche”, il va croiser les bras. A l’inverse, si on lui fait un compliment comme “gentil robot”, il va effectuer une petite danse », décrit le jeune homme. Pour ce faire, il a intégré un outil de reconnaissance vocale et a corrélé certains mots avec certains gestes. Jérémy n’est pas le plus jeune de la bande : Nicolas, vient à peine de fêter ses 14 ans. Sous son bras, un sumobot qu’il a surnommé « le terrible putois », avec lequel il a remporté un tournoi l’année dernière.
Nicolas, 14 ans et petit génie de l'informatique /
Crédits : Yann Castanier
Un hobby réservé aux ingénieurs
Pour s’initier à la création de robots do it yourself, des kits sont à dispositions des newbies. Leur prix : une centaine d’euros à peine. Pourtant, rares sont ceux qui n’ont pas suivi des études d’ingénieur à se lancer dans l’aventure. Autour du ring qui accueille le combat de sumobot, les hoodies à l’effigie des plus grandes écoles parisiennes sont omniprésents : Esiee, Esia et Ece en tête. Beaucoup d’entre elles ont en leur sein des associations étudiantes de robotique. Elles fournissent le gros du contingent des makers.
Programmer des robots demande d’acquérir quelques compétences. Myriam, la maman de Scratina, en a fait les frais. Pour sa première, son sumobot a refusé de s’allumer. Quant à Thierry, ingénieur chez Schneider Electric dans le civil, cela fait presque 10 ans qu’il travaille sur son hexapode. « Quand je le montre à ma femme, elle me dit : “Ok mais ça sert à quoi ?” Ici, je suis avec des gens avec qui je peux en parler des heures. »
Le daron, manette en main /
Crédits : Yann Castanier