Mardi 31 mai, l’antigang déboule dans un appartement de la cité du 140 pour une perquisition. Un retraité de 76 ans, en pyjama, est réveillé par le bruit. A peine a-t-il poussé la porte du vestibule qu’une balle lui transperce le bras gauche.
Cité du 140, Paris 20e – Le mur de l’appartement de la famille G. porte la marque du coup de feu. Entre une horloge électronique et une photo d’un ancêtre en pèlerinage à La Mecque, un impact de balle. Le projectile a transpercé le bras gauche de B., 76 ans, éclatant en plusieurs morceaux son os de l’humérus. Le vieil homme a été conduit dans la foulée aux urgences de la Salpêtrière où il a subi une intervention chirurgicale. « A 10 centimètres près, la balle aurait perforé son cœur », enrage une des filles de la victime.
L'impact de balle sur le mur du salon. / Crédits : Robin D'Angelo
L’antigang tire sur un papy malien
Mardi 31 mai, il est 6 heures 25 quand la police défonce la porte du domicile des G. , au 27 rue Hélène Jakubowicz. Réveillé par le bruit, le patriarche quitte son lit et se dirige vers l’entrée de l’appartement pour voir ce qu’il se passe. A peine a-t-il ouvert la porte qui sépare le salon du vestibule, il reçoit une balle juste en-dessous de l’épaule, sans raison apparente. Les policiers qui viennent de tirer sur ce papy en pyjama sont de la BRI, une unité d’élite surnommée «l’antigang».
Ce matin-là, la brigade intervient dans le cadre d’une perquisition pour un trafic de stupéfiants. «Ils étaient en mode commando, avec des cagoules et des lampes torches pour éclairer dans la nuit», raconte une des filles de la victime, la première à avoir découvert son père gisant au sol, les vêtements ensanglantés. Après le coup de feu, son épouse de 66 ans se précipite dans la pièce en hurlant en soninké, une langue parlée au Mali :
« Ils ont tué mon mari, ils ont tué mon mari ! »
«Les policiers prétendaient que mon père n’avait qu’une égratignure alors que lui disait qu’il avait très mal», continue la jeune femme, assise sur l’une des 4 banquettes du living-room à la décoration modeste. «Moi, j’étais effrayée et je ne comprenais pas ce qu’il se passait.»
Une couette recouverte de sang. / Crédits : Robin D'Angelo
La victime placée en garde à vue
Dans l’appartement, la police lâche son chien renifleur. Puis ils fouillent plusieurs meubles dans la cadre de leur perquisition. Ils font chou blanc. Mais la famille G. n’est pas au bout de ses surprises. Sitôt le blessé par balle évacué à l’hôpital, les forces de l’ordre lui notifient… sa garde-à-vue ! Le motif : «violences sur personne dépositaire de l’autorité publique», comme le montre un document que StreetPress a pu consulter. Difficile pourtant d’imaginer le vieil homme s’attaquer à la police. Malade de la thyroïde, le septuagénaire multiplie les visites à l’hôpital à la suite de complications cardiaques et rénales. Depuis presque 2 ans, cet éboueur retraité de la ville de Paris passe ses journées sur son canapé.
Les flics ont-ils tenté de se couvrir ? «Immédiatement, on a vu qu’ils étaient mal à l’aise», décrit la fille de la victime. Pendant de long instants, l’unité d’élite remue ciel et terre pour tenter de retrouver la douille du projectile perdue dans le salon. Puis ils se montrent menaçants: «Ne jouez pas aux cons, donnez-nous la tout de suite», rapportent les témoins de la scène. Les policiers emportent avec eux le T-shirt du blessé, maculé de sang. Un des 6 habitants de l’appartement essaie de les empêcher de partir avec ce vêtement, qu’il estime être une pièce à conviction. Ils l’étranglent puis l’immobilisent avec une clef de bras.
Plainte au procureur de la République
Joint par StreetPress, maître Pierre Lumbroso a annoncé qu’il allait porter plainte auprès du procureur de la République de Paris pour «tentative d’homicide volontaire» et «violences aggravées», avec copie à l’IGPN. «Je ne m’adresse pas directement à la police des polices car je veux être sur qu’ils ne camouflent rien», indique cet avocat qui a défendu par le passé des membres de la famille G. pour des affaires de stupéfiants.
Les filles de la victime sont persuadées que le fonctionnaire qui a blessé leur père sera condamné. «Ici, ce n’est pas Ferguson. C’est la France et il y a une justice», veut croire l’une d’entre elles, une jeune maman qui travaille comme vendeuse dans une épicerie de luxe. Dans le salon, l’épouse de la victime, une femme de ménage retraitée qui parle difficilement le français, étale devant nous un drap, un pantalon et une couette. Les 3 morceaux de tissus sont recouverts du sang de son mari.
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