Avec Watch My Tattoo, le rappeur Sinik a entamé sa reconversion : « La musique, on est sur une fin de cycle. » Le salon qu’il a ouvert dans le 14e ne désemplit pas. Pour StreetPress, il fait le tour du propriétaire et nous raconte ses premiers tattoos.
Paris 14e– Dans l’entrée du salon de tatouage, trois trentenaires discutent. A gauche, Nico aka Bouerh – « comme quand tu vomis » – un client qui prend racine sur le siège noir. « Je veux qu’on finisse mon bras », lance-t-il à Mala, le tatoueur. Légèrement caché derrière le bureau de l’accueil, la mine creusée, l’as des aiguilles tempère. « Attends, réfléchissons, réfléchissons. » Le troisième larron, juste en face, joue le juge de paix. « T’es dans le speed là, on verra ça plus tard. » Ce conseiller exceptionnel, c’est Sinik.
Depuis février, le rappeur a ouvert Watch my Tattoo et raccroché les crampons du rap, ou presque.
« J’ai dépassé la trentaine. La musique, on est sur une fin de cycle. Le train est passé, je n’ai pas honte de le dire, je suis en reconversion. Ma carrière, je l’ai vécue, c’est cool, mais je ne vais pas me reposer là-dessus. »
« T’es dans le speed là, on verra ça plus tard. » / Crédits : Matthieu Bidan
Il admet penser à mettre en ligne quelques morceaux au coup par coup, mais promis, pas de nouvel album. À la place, Sinik a décidé d’ouvrir son propre salon, lui qui a déjà une vingtaine de tatouages sur le corps. Mais il tient à mettre les choses au clair :
« Les gens ne le savent pas forcément mais j’ai toujours été chef d’entreprise. Je gérais mon label Sixonine, il a fallu racheter le contrat de Kayna Samet (son ex-femme, ndlr.), j’ai aussi une boîte de clips. »
La story
L’ouverture d’un salon, il y pense depuis 2-3 ans, mais l’idée s’est concrétisée l’année dernière après son dernier album Immortel II. Il a d’abord cherché du côté de Palaiseau dans l’Essonne, son « secteur ». Finalement c’est dans le 14e que l’enseigne a ouvert. Et ce n’est pas un hasard. Thomas Idir, alias Sinik, est né à l’hôpital Saint Paul en 1980, à peine à un kilomètre du salon de la rue du Château.
Il s’est entouré du tatoueur Mala pour son projet. Celui que l’on surnomme « l’homme au chapeau » avoue ne pas être un fan du rappeur. « Je ne l’ai jamais autant écouté qu’aujourd’hui », se marre-t-il devant son boss. Ensemble, ils ont dégoté ce local et réfléchi à cette déco noir-rouge-blanc, les couleurs du logo de l’enseigne. Mais la recherche n’a pas été un long fleuve tranquille :
« Le rap et le tatouage, ça faisait peur aux propriétaires. Ils voyaient les clips et faisaient demi-tour direct. Ils ont cru qu’on allait ramener des bikers en permanence devant le salon. »
À l’intérieur, l’ambiance est loin des gangs de motards de la série Sons of Anarchy. Dans l’arrière-salle, Dond’Art, le deuxième tatoueur qui a rejoint le projet en cours de route, prépare un prochain dessin. « C’est pour une cliente. Elle veut Belle, de Belle et la Bête ».
Son premier tatouage
Pour Sinik, le premier tattoo remonte à 2004.
« C’était dans une cave des Ulis. Comme pas mal de premier tatouage, c’était une boulette. »
Depuis, il s’est habitué aux aiguilles. « Une vraie drogue », dit-il en jouant avec son briquet. Le rappeur est plutôt fan de tattoos réalistes. « Je ne suis pas du genre à me faire un ‘only god forgives’. » Il n’y a qu’à voir ses deux avant bras : sur le droit, le maillet d’un juge en référence à ses nombreux procès et sur le gauche la plume de l’écriture.
Cette boîte, il en parle comme de son « bébé ». Pour lancer son affaire, il a sorti des fonds propres. « On a dû investir 30.000 euros », détaille le rappeur entre deux gorgées de Volvic pamplemousse. Il est cogérant de la SARL, avec son pote Chico « un homme de l’ombre ». Et l’équipe de Watch My Tattoo l’assure en cœur, le salon ne désemplit pas depuis l’ouverture.
Mala sort une pile de dossiers : « Ça, c’est seulement depuis un mois ». Et Sinik d’enchaîner :
« Le lundi d’ouverture, j’ai reconnu des fans. Il y avait la queue avant même que l’on ouvre. Et on a fini à minuit et demi. »
Depuis, la clientèle est variée. Une bonne moitié ne connaît pas le boss des lieux, son clash avec Booba et son morceau avec James Blunt. Les deux tatoueurs du salon ont aussi des clients qui les suivent de salon en salon. Le mot d’ordre pour le boss : « artisanal ». Sinik développe :
« On n’est pas à l’usine, on fume des joints ensemble. J’ai fait de la musique pour ne pas avoir de patron qui me gueule dessus. Mais même si je suis cool, le projet avance quand même. »
Il avance tellement que l’enseigne du 14e n’est que la première étape. Un salon doit ouvrir bientôt dans le sud-ouest et d’autres devraient suivre en province.
L'équipe ! / Crédits : Matthieu Bidan