Chaque jour, les militants de la commission logistique installent les tentes, les tables et la sono de Nuit Debout. Vers 16 heures, ils débarquent Place de la République avec un camion plein de matos.
République, 16 heures – Le camtar de location débarque sur la place encore clairsemée. Simon se gare près du kiosque rouge, descend et ouvre les deux portes arrière. Une petite dizaine d’habitués s’attroupent pour lui prêter main-forte et décharger tout le matos. Ils sortent sono, barnums et malles en acier en un temps record. Depuis le début de Nuit Debout la commission logistique arrive en premier pour préparer l’occupation quotidienne de la place.
Ce vendredi, il pleut sur Paris. Le groupe électrogène et la sono utilisée pour diffuser l’AG du soir sont mis à l’abri sous une bâche. Les membres de la commission logistique s’activent pour monter leur stand. Malgré la météo les gestes sont assurés et plutôt délicats. Ils tendent les cordes entre les arbres pour y accrocher les bâches kaki, de 8 mètres par 6, qui serviront de toit.
Tout le monde se sert
Simon, béret gris calé sous une capuche, est présent depuis le début du mouvement. Un trentenaire à queue de cheval lui lance : « Prévenez-nous si vous avez besoin de sacs-poubelle, on peut vous en fournir facile. » Le garçon de 26 ans répond par l’affirmative. Tout est bon à prendre.
Plus fort que Quechua / Crédits : Quentin Le Palud
« Vous n’avez des bouts de cordes en rab’ ? », interroge un membre d’une autre commission. 30 secondes plus tard, un autre deboutiste vient poser la même question. Chacun vient prendre « juste un truc » et le matériel se disperse aux 4 coins de la place. Une fois le camion totalement déchargé et les premières bâches tendues, les membres de la commission logistique font l’inventaire du matos. Le compte n’y est pas. Comme tous les jours, ils vont devoir improviser.
Une installation bien rodée
Après plus de 3 semaines, le rituel de l’installation est rodé. Une fois le stand de la commission logistique installé, c’est au tour des commissions dites structurelles : Accueil, Cantine, Médias (Radio et TV), Infirmerie et Logistique. Avec plus de 80 entités crées depuis le départ, ces 5 là sont un point de repère (quasi) indispensable. Jour après jour, l’organisation s’ajuste comme le précise Yul, 19 ans :
« La commission écologie nous a dit de mettre du carton afin de ne pas lacérer les arbres. »
Pour les constructions en dur c’est pareil :
« On bricolait des belles tables en soignant le côté esthétique, mais c’était plus long et le soir elles étaient cassées lors de l’évacuation. »
Priorité à la simplicité et l’efficacité. Des volontaires font le tour du quartier pour choper des encombrants quand des matériaux manquent. Ce vendredi, ils récupèrent des planches en bois parmi un tas d’encombrants. Deux barbus d’une trentaine d’années les posent sur des tréteaux. Les palettes ont presque été abandonnées, car trop volumineuses pour être remballées le soir.
Du matos prêté
Si le gros du matos est le fruit de récup. La commission logistique a quand même quelques frais. Pour les couvrir, il faut récolter un peu de maille. Chaque soir, quelques membres se postent derrière une table de camping en plastique sur laquelle trône une boîte de conserve qui fait office de tirelire. L’argent sert avant tout à louer un camion. Quotidiennement, un membre de la commission fait des allers retours entre la place et le local d’une asso où le matos est entreposé. Simon souhaiterait que les dons collectés servent à l’achat d’un véhicule même s’ils sont pour l’instant insuffisants. Il développe :
« Ce serait le must d’avoir un camion à notre nom. Même s’il n’est jamais rien arrivé c’est compliqué pour quelqu’un de le laisser à disposition de la communauté tous les jours. »
Où est Charlie ? / Crédits : Quentin Le Palud
Les dons servent aussi à l’achat de piles pour les mégaphones, des petits matériaux complémentaires – scotch, cordes – ou l’essence pour le groupe électrogène qui alimente la sono de l’AG. La cagnotte a aussi servi à acheter 5 ou 6 barnums. Les autres tentes, les bâches et les tréteaux ont été donnés ou prêtés.
23 heures, on remballe
19h. Simon et un pote sapé avec des bottes en caoutchouc peuvent enfin relâcher leurs efforts. Carla, la copine de Yul, étudiante en fac de Théâtre en profite pour assister à l’AG :
« On fait l’appel aux dons au début et ensuite chacun fait ce qu’il veut. »
Vers 21h le noyau dur d’une quinzaine de membres se réunit pour faire le point sur l’achat de matos à faire le lendemain. Mais c’est à 23 heures que les troupes se remettent en marche. Il faut remballer. Carla précise :
« On a l’autorisation jusqu’à minuit, mais on s’y met avant. Les rapports avec la Police se sont améliorés. Ils voient qu’on fait l’effort de nettoyer derrière en changeant les sacs-poubelle. »
Une dizaine de membres fait le tour des différents stands pour organiser le repli. La prochaine étape : responsabiliser les autres commissions dans la gestion du matériel. Chacune est chargée de rendre les bâches pliées et d’y glisser les cordes. Les pertes sont minimes, mais récurrentes. Yul confie :
« On va peut-être commencer à étiqueter les pièces et gérer les malles de chacun. »
Ce lundi 2 mai, la préfecture de police de Paris a publié un arrêté imposant à Nuit Debout d’interrompre ses activités à partir de 22 heures.
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