17/02/2016

Naissance d’une sous-culture

Le Voodoo, la nouvelle danse techno qui envahit Paris

Par Inès Belgacem ,
Par Michela Cuccagna

Depuis l’été 2015, une sous-culture émerge à Paris : le Voodoo, du nom de cette nouvelle danse techno. Casquette, K-way et T-shirt loose, la petite communauté d’adeptes investit la Concrete, le Rex Club ou le Showcase.

Big Bang Festival, novembre 2015 – L’énorme hall du Palais des Congrès de Montreuil est bondé. En retrait, Serena balance ses longues nattes de droite à gauche dans une danse qui attire la curiosité de ses voisins aux yeux vitreux. Le jeune femme, grande et élancée, laisse ses bras accompagner la musique, tandis que ses jambes jumpent au rythme rapide de l’électro. « C’est du shuffle ? », demande l’un à son voisin. « Nan du Voodoo. »

C'est du Voodoo mec! / Crédits : Michela Cuccagna

Le Voodoo, c’est la danse en vogue dans les soirées techno de la capitale. La jeune dessinatrice Estelle atteste du développement du mouvement :

« Ça fait 3 ou 4 mois qu’on voit monter le truc. Aujourd’hui ils sont clairement partout. »

Sous le pseudonyme Paillette, la bloggeuse observe et dessine la nuit parisienne. Sa dernière illustration consacrée aux danseurs de Voodoo à déclenché près d’un millier de commentaires. « Ils intriguent, c’est sûr. Cette danse fait parler d’elle. » Rançon de la gloire : une page Facebook anti-Voodoo a même émergée ses derniers jours : « BAP : Brigade Anti-Pistolets ».

« Ils font un signe de pistolet quand ils dansent, d’où le surnom : les pistos »

Le mythe Voodoo

Lucas, 23 ans, est un des adeptes du Voodoo. Quand le grand brun parle de sa discipline, il évoque avec passion l’histoire de la techno, content de porter la bonne parole. Il revient sur les premières soirées rave en pleine campagne française, ainsi que sur les valeurs du mouvement initié à Detroit, aux États-Unis, dans les eighties :

« Pour la petite histoire, ces pas existaient déjà dans les années 1990. On n’a rien inventé. On s’est butés avec des vidéos d’époque. A la base, c’est un mouvement qui prône la liberté, l’égalité, la réunion autour de la musique. »

A l’été 2015, il fait partie des premiers danseurs de Voodoo de la capitale. L’histoire a tout du mythe :

« En juin 2015, 5 ou 6 clubbers ont commencé à danser le voodoo. Nous on regardait ça avec curiosité. On les connaît tous de vue, sans jamais leur avoir vraiment parlé. Le leader, c’est un renoi avec une crête blonde »

« En juin 2015, 5 ou 6 clubbers ont commencé à danser le voodoo. » / Crédits : Michela Cuccagna

Au fil de l’été, Lucas et ses copains continuent à voir la petite équipe sautiller toute la nuit. Dans une soirée, il finit par les imiter. « A partir d’une certaine heure, tu pars en couilles ! » Ils sont plusieurs dizaines à suivre le mouvement.

Une nouvelle communauté

Plus qu’une simple danse, le Voodoo à tout de la sous-culture qui fédère une petite communauté solide. Ses adeptes se retrouvent par exemple dans les mêmes clubs, comme l’explique Karine :

« Il y a la Concrète, le Rex Club, le Showcase. Le Zig Zag de temps en temps aussi. Après c’est des soirées comme les Drøm [devenues Off, ndlr] ou des festivals. Les rendez-vous techno en gros ! »

/ Crédits : Michela Cuccagna

Karine et Lucas font partie de la même équipe de danseurs. « On s’est créé un groupe de copains de club. On est une dizaine, on s’est tous rencontrés en soirée et on se voit quand on sort », explicite Karine. Ils ont entre 20 et 30 ans, viennent de toute la banlieue parisienne et se retrouvent du jeudi au dimanche pour clubber ensemble. « On reconnaît les danseurs de Voodoo à ça aussi : il traînent en groupe », contextualise Estelle. Plus que la sortie du week-end, le Voodoo est une véritable culture pour la petite bande :

« J’ai mon groupe de potes normal, du lycée ou de l’université. Et j’ai le groupe Voodoo ! »

Du style

Le look des danseurs rappelle les années 1990. Fille ou garçon, la tenue est plutôt similaire : casquette ou bonnet, T-shirt large et manche courte, k-way, slim, baskets. Les danseuses troquent souvent le T-shirt loose pour un top au-dessus du nombril. Sans oublier les deux accessoires indispensables, le sac à dos pour la bouteille d’eau et, surtout, les lunettes de soleil :

« C’est pour éviter de montrer nos yeux écarquillés quand on est sous ecsta ou LSD », lâche dans un claquement de dent une danseuse de la soirée Big Bang.

J'ai 10 styles, toujours à l'ancienne. / Crédits : Michela Cuccagna

C’est dans les friperies que les danseurs trouvent leurs fringues le plus souvent. « Pendant l’été, on avait l’habitude d’aller faire la tournée des frip’ ensemble avec l’équipe. Mais depuis que les cours ont repris j’ai du freiner le truc perso », regrette Lucas. Les afters jusque midi, il les modère aussi pendant l’année scolaire.

« Enfin… Je sors plus que je ne le devrais. Difficile de résister à l’appel du club. »

Les prénoms ont été modifiés