Aziz et Délice ne sont que des ados. Et pourtant, les 2 frères comparaissent devant la 14e chambre du tribunal correctionnel de Bobigny pour avoir frappé leur sœur à coup de poings, de ceintures et de câbles électriques.
Bobigny (93) – Dans le box des prévenus Aziz et Délice, 18 et 20 ans, se tiennent droits comme des piquets, la mine fatiguée. Ils sortent de plus de 30 heures de garde à vue.
Au deuxième rang, Merahba, leur petite sœur de 17 ans, est assise aux côtés de sa mère. Il y a 3 jours, la jeune fille aux cheveux hirsutes et au sweat lépoard a porté plainte contre ses frères pour coups et blessures. Dans sa déposition elle racontait les brimades, les gifles, les coups de ceintures et de câbles électriques que ses frères lui infligeaient depuis 3 ans. Mais devant le tribunal, elle livre une toute autre version. Elle a d’ailleurs refusé de se constituer partie civile :
« – Mes frères, ils m’ont toujours aimé
– On ne discute pas de ça. Mais vous ont-ils frappé ?
– Non ils ne m’ont pas frappé »
« Et les bleus de 25 cm dans le dos ? Qui a infligé ça à votre sœur ? », fulmine la présidente en s’adressant aux deux jeunes hommes qui baissent la tête. On ne voit presque plus la petite moustache qui trône au milieu du visage poupon d’Aziz, encore au lycée.
5 gamins sans parents
Depuis plusieurs mois, la famille S. est régentée par Aziz et Délice. « Votre sœur, vous l’avez esclavagisée », explose le procureur pendant son réquisitoire. « Vous vous êtes octroyés le rôle de maitre ! Pendant l’audience, je ne vous ai même pas entendu vous excuser » poursuit-t-il, rouge de colère.
Depuis que leur père a emménagé avec sa nouvelle femme et que leur mère s’est installée en Algérie, les 5 enfants S., Aziz, Délice, Merahba, Zahra, et Mustapha, habitent seuls dans un grand appartement de proche banlieue. Ils survivent avec le salaire de Délice, l’aîné, étudiant en première année de droit et caissier à Auchan. Et les tâches ménagères, c’est plutôt le rayon de Mehraba. « Elle s’occupe des repas, du linge, des enfants » alors que les garçons « jouent aux jeux vidéo toute la nuit » explique le père dans sa déposition. Pour l’avocate de la défense, cette situation a poussé les deux frères à l’acte :
« Ils n’avaient pas à faire ça. Mais on ne leur a pas donné le choix. Pour moi, cette histoire doit être réglée en douceur »
Pendant sa plaidoirie, elle raconte le passif de la famille. Les violences du père sur les deux plus grands et l’absence de suivi. Dans le box, Aziz ronchonne : « Je ne suis pas là pour raconter ma vie »
Menaces de mort depuis 3 ans
A l’origine de l’embrouille jugée aujourd’hui, une sortie tardive de Mehraba réprimée violemment par les deux frères : « Je reconnais avoir mis une gifle à ma sœur. Elle est sortie tard samedi et j’ai mal réagi… J’étais inquiet », raconte Délice avec assurance. « Le reste c’est un coup monté. Mon père a emmené ma sœur au commissariat et lui a monté la tête », complète Aziz.
La présidente interroge Délice :
« – Des voisins nous ont raconté que, depuis 3 ans, ils entendent des disputes, des cris de jeunes filles et des menaces de mort venant de votre appartement. Comment expliquez-vous cela ?
– Je n’ai pas d’explication »
Faire sa fête au petit ami
Avant d’être interpellés, les 2 frères ont quand même eu le temps de régler leur compte au flirt de Mehraba. Abdel, un mec avec qui elle échangeait sur Instagram depuis plusieurs mois sans jamais l’avoir rencontré. « On s’est fait passer pour elle et on lui a donné rendez-vous à Montreuil. Il voulait niquer ma soeur et lui piquer 400 euros », assure Aziz.
La rencontre dégénère. Les deux frères cognent le joli cœur à coups de tournevis dans les couloirs du métro. Résultat ? 4 jours d’ITT pour Abdel et le vol de sa sacoche Gucci par les 2 loustics. « Il était agressif, il a même collé une droite à mon frère », justifie Aziz.
« Madame, vous devez assumer votre rôle »
L’audience est suspendue pendant une demi-heure. Tout le monde retient son souffle. A son retour, le tribunal condamne Aziz et Délice à 12 mois de prison ferme sans mandat de dépôt et à 6 mois de sursis. La peine est assortie d’une série de mise à l’épreuve que la présidente détaille : obligation de soins, obligation de travail, de formation, interdiction de contacter la victime, de posséder une arme… La maman des 2 bourreaux sanglote bruyamment Hagarde, la petite troupe se retire.
Dans la confusion la Présidente conclut :
« Madame, ce sont vos enfants. Vous devez assumer votre rôle ! »
La Présidente annonce que le dossier de Merahba sera transmis au juge pour enfant.