25 ans qu’Alex est tombé dans l’héroïne. Arrêté pour la 19e fois pour détention et revente de stupéfiants, ce papy martiniquais comparaissait devant la 23e chambre correctionnelle de Paris. Le tribunal hésite.
Avant de prendre la parole, Alex, toussotte. Les cheveux emmêlés, la gueule abîmée, le bonhomme chancelle tout en tripotant les franges d’une chemise en jean bleu ciel. On lui demande s’il veut être jugé tout de suite. Il acquiesce. Pour la 19e fois en 25 ans, ce sexagénaire originaire de Fort-De-France (Martinique) se retrouve devant le tribunal. A chaque fois pour une affaire liée à sa consommation d’héroïne :
« Je n’ai pas encore trouvé de solution. Je suis malade et trop souvent c’est comme ça que ça se passe. »
Son profil pose un cas de conscience. Jugé devant la 23e chambre correctionnelle pour détention, usage, acquisition et revente de drogue, il n’a pas le profil d’un dealer. « Cette affaire c’est un constat d’échec du système » sermonne le procureur :
« Le jugement ne va pas changer grand-chose mais aujourd’hui, la société ne peut se permettre de dépenser de l’argent pour Monsieur C. »
Pendant ce temps, Alex, patiente dans son box. Les yeux hagards, les bras ballant.
Routier de l’héro
L’histoire d’Alex, c’est celle d’un homme qui a 25 ans d’héroïne dans les pattes. Débarqué de Martinique en 1989, il se met à sniffer de temps à autre avant de passer à une consommation quotidienne. En un quart de siècle, il n’a jamais réussi à décrocher. « Je pense que le problème de Monsieur C., c’est l’absence de suivi psychologique. Il ne se sent pas soutenu », pose l’avocate de la défense.
Depuis 2012, le destin s’acharne. La même année, Alex découvre qu’il est atteint d’un cancer du poumon et est condamné à 3 mois ferme, sans mandat de dépôt, pour avoir vendu deux cachets de méthadone.
Flag en vidéo
Le week-end qui précède son procès, Alex a été interpellé dans le 19e. Sur lui un pochon d’héroïne planqué dans son caleçon. En regardant les vidéos de surveillance, les policiers constatent qu’Alex a aussi vendu une dose à un toxicomane, plus tôt dans l’après-midi. Chez lui, ils trouvent une balance, destinée à « estimer sa consommation » assure l’intéressé. 5 g par semaine, toujours acheté du côté de la Goutte d’Or (Paris 18e), toujours avec les 400e qu’il touche pour une allocation adulte handicapée.
La présidente l’interroge :
« Pourquoi vendez-vous de la drogue ? »
Alex bafouille :
« Mais je ne suis pas un dealer. C’est un ami, il était en galère. Si je ne lui en avais pas vendu, il m’aurait fait la gueule. C’est comme ça que ça se passe dans la rue. »
Pas l’attitude d’un dealer
Quand il s’adresse au tribunal, Alex est courbé. De haut de son mètre 60, il raconte péniblement ses galères. Son avocate complète : Les embrouilles, les 7 enfants qu’il n’a pu élever, la vie dans la rue, la picole. Au terme de sa plaidoirie, elle implore la clémence du juge :
« Monsieur C., il a ce côté baba cool. Il a cédé par bêtise ou par gentillesse, à la demande de son ami. Il n’a pas l’attitude d’un dealer. Ne vaut-il pas mieux une peine avec sursis pour soigner son cancer du poumon ? »
L’audience est levée. Alex s’assoit, las. 10 minutes plus tard, c’est presque en s’excusant que la présidente prononce la sentence : 4 mois de prison ferme avec mandat de dépôt. Ce mardi 9 septembre, Alex, toxicomane et cancéreux, a dormi à l’ombre.
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