Quelques mois après avoir claqué la porte du mastodonte de l'info nerd, JeuxVideo.com, 8 ex-salariés ont décidé de remettre le pied à l'étrier et de lancer leur site, ExtraLife.fr.
« Beaucoup de médias jeux vidéo se sont cassés la gueule ou ont changé de ligne édito in extremis. Sur cette table rase, on est plusieurs à vouloir tenter notre chance. » confie Alexis Gauthier, alias Miniblob. Le trentenaire fait partie de la petite équipe d’ExtraLife.fr , nouveau site d’info sur les jeux vidéo et jeux de société, qui ouvrira ses portes le 18 septembre. Ils sont 8 sur le coup, 5 rédacteurs, 2 techniciens et un monteur vidéo. Tous ex-salariés de la rédaction de JeuxVideo.com. Tous logés à la même enseigne, rappelle Alexis :
« En janvier dernier, on s’est tous retrouvés sur le carreau. »
Dans le milieu des médias geek, JeuxVidéo.com est une affaire qui roule. A l’été 2014, la rédaction numéro 1 en France et en Europe, basée à Aurillac, se fait racheter par le groupe Webedia (déjà propriétaire d’Allociné, Purepeople, Puremédias et du site culinaire 750g) pour 90 millions d’euros. C’est le début de la crise.
Le pitch en 3 étapes
Etape 1 : Des changements dans la ligne éditoriale qui font râler la communauté de fans. Sébastien Pissavy, co-fondateur de JeuxVideo.com en 1997 et directeur de la rédac’ jusqu’en 2014 raconte :
« Le site a commencé à être blindé de publicités de plus en plus intrusives et de moins en moins qualitatives. Faut voir la version mobile, ça devient une horreur ! Il y a eu de plus en plus de titres racoleurs, des news très courtes… Tout pour faire un peu de pognon. »
S’il ne fait pas partie d’ExtraLife, il voit l’aventure d’un bon œil.
Etape 2 : La fronde de certains chroniqueurs. Le site marche en partie sur les contributions de chroniqueurs. Certains se sont sentis « stressés » par le média et sous-exposés sur la page d’accueil. Petit aperçu sur un des forums de JeuxVideo.com. L’échange date de juillet 2015
Le chroniqueur Rougecorne :
« Vous demandez aux chroniqueurs de vous pondre une idée miracle avant mi-Août, sinon ils dégagent. (…) Vous êtes quoi ? Des nazis ? C’est pas possible d’être con à ce point la. Ont diraient simplement que vous aimez rendre malheureux vos chroniqueurs. »
Réponse de Fréderic Goyon, alias Rivaol, rédacteur en chef de JV.com :
« Si l’un [le site] ou l’autre [chroniqueur] est défaillant, un travail est entrepris pour rectifier le tir. »
Et d’enfoncer le clou :
« Si aux yeux des chroniqueurs, c’est le support et uniquement le support qui est défaillant et que leur offre éditoriale est irréprochable, alors ils n’auront aucun mal à atteindre les mêmes audiences sur un autre support. Du coup, ils peuvent être rassurés et décomplexés sur leur avenir. »
Ambiance…
Etape 3 : Le déménagement. Webedia décide de bouger les équipes du site d’Aurillac vers Paris, en partie pour rapprocher la rédaction des éditeurs de jeux vidéo et des acteurs du milieu. « Dans le Cantal, on était un peu les outsiders. Et niveau indépendance c’est pas mal… », explique Miniblob. La proposition du groupe est simple : suivre sur Paris avec une compensation de salaire ou refuser et se faire licencier. Ça sera l’option n°2 pour l’équipe d’ExtraLife.
« On était installé à Aurillac. Personnellement j’avais déménagé quelques années plus tôt pour ce job, ma femme aussi. Elle a trouvé un travail sur place. On a acheté une maison. Je me voyais mal recommencer une nouvelle fois… »
La bêta d'ExtraLife est déjà en ligne / Crédits : Extralife
Chopper une « extralife »
« On s’est dit quel gâchis. » Miniblob et sa bande décident alors de se retrousser les manches et de lancer leur propre site. Ça sera ExtraLife, qui signifie « vie supplémentaire » en langage nerd. Un pied de nez aussi :
« c’est également notre reboot personnel. Notre seconde vie dans la milieu ».
Le projet se met progressivement en place, sur Aurillac, avec les moyens du bord, soit leurs économies personnelles et le matériel de chacun. ExtraLife a le statut d’association. L’équipe a parié sur un site gratuit basé sur des donations. Pour le moment. Elle n’exclut pas la publicité, « tant qu’elle est ciblée et qu’elle n’occupe pas tout l’écran. »
« On n’imagine pas se faire de l’argent avec ce site. On a les pieds sur terre. Si on peut en tirer un ou deux salaires, ça serait déjà pas mal. »
L’offre éditoriale : des articles fouillés et des angles qui se veulent différents du reste de l’offre actuelle. Pas de courtes news, pas d’articles sur les nouveaux visuels inédits de tel ou tel jeu. « C’est sûr qu’on gagne en liberté. Il n’y aura personne au dessus de notre épaule pour nous dire “Eh Coco, c’est trop long, enlève moi 2000 signes” ».
Essayer de nouveaux formats, c’est aussi l’envie des 8 spécialistes jeux vidéo. Miniblob n’hésite pas à parler de critique ciné, littéraire ou artistique comme modèle. « Niveau conditionnement, on vient tellement de loin… » Une offre rafraîchissante selon bon nombre d’internautes, fatigués par le côté clics à tout prix de certains sites.
« On ne se place ni en concurrent de JV.com, ni en chevalier blanc des médias du jeu. On n’en a ni les moyens, ni l’envie. Mais c’est un milieu qu’on aime, qu’on ne veut pas quitter et, surtout, qui est en plein changement. On veut aussi mettre notre pierre à l’édifice. »
Contactés par StreetPress, les responsables de JV.com n’ont pas souhaité répondre à nos questions.
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