Ils sont informaticien ou étudiant et sculptent des statuettes en argile pour satisfaire leurs dieux. Bienvenue chez les Wicca, un mouvement spirituel dont les adeptes se retrouvent dans les forêts franciliennes.
« Aujourd’hui nous allons faire un atelier autour du Dieu Pan. » En cercle dans la forêt de Vincennes, Xavier, 56 ans, sort de l’argile pour que chacun puisse sculpter une statuette en l’honneur de ce Dieu. Il est l’un des organisateurs du cercle Sequana, un groupe de rencontre à propos de la Wicca, une religion païenne polythéiste. Ici chacun est libre de de composer un panthéon divin de son choix. Une seule règle : fais ce que tu veux tant que tu ne lèses personne. Après, c’est chacun sa sauce. L’homme aux longs cheveux blancs raconte en souriant :
« Comme beaucoup, je suis donc tombé par hasard sur cette religion, en surfant sur le net. Je me considérais comme athée mais je priais la Lune. Sur des forums, je me suis aperçu que je n’étais pas le seul. »
De la série Charmed à la pratique IRL
Pas de chapeau pointu à l’horizon mais la magie fait partie intégrante de cette spiritualité. Pour Nyusha, 21 ans en BTS tourisme, la déesse Isis lui a sauvé la mise :
« La veille de mon partiel de Russe, je n’avais pas fini le programme. J’ai prié longtemps puis j’ai placé une incantation écrite sur un bout de papier sous mon oreiller. Le lendemain le sujet d’examen était identique à ceux qu’on avait eus en cours et on pouvait même poser des questions à la prof ! »
Xavier prépare l'argile / Crédits : Saïd
Cette jeune blonde au style BCBG ne ressemble pas à l’idée qu’on pourrait se faire d’une wiccan. Tombée dans la Wicca par la série Charmed, elle tire aussi les cartes pour prédire l’avenir. L’ésotérisme et les expériences inexplicables arrivent souvent au cours d’une vie de wiccan. Comme ce fut le cas pour Xavier, le mentor de Nyusha :
« J’ai parlé à Cernunnos, une divinité gauloise, lors d’un rituel où je voulais me débarrasser d’un mal-être. Il m’a dit que je m’étais adressé à la bonne personne mais qu’il ne pourrait m’ôter ce problème qu’au moment de prochaine vie. Il m’a proposé de s’en occuper dès maintenant avec un ton très ironique. J’ai dit non évidemment. Mais depuis j’ai acquis la certitude de la réincarnation. »
Sortir du placard à balai
Il n’existe pas de communauté wiccane unifiée. Les mouvements sont variés et la majorité des wiccans pratiquent leur religion en solitaire. Des groupes d’une dizaine de personnes, appelés « coven », se forment et pratiquent ensemble. Il n’est possible d’y rentrer que par cooptation. Les cercles, comme celui de Sequana sont ouverts à toutes les obédiences et sont des moments de rencontre. Ils se réunissent dans différentes espaces verts parisiens, comme le bois de Boulogne ou le bois de Vincennes. Et bien qu’une partie des wiccans cherchent à s’ouvrir, un certain culte de la discrétion règne. Ce jour-là, leur petit groupe ne se remarque pas plus qu’une bande d’étudiants en pique-nique champêtre. Seulement deux personnes accepteront d’être photographiées. Xavier, informaticien de profession, explique cette réserve :
« On a peur de passer pour des hurluberlus. Nous craignons le jugement de la société. Certains ont peur pour leur emploi. Mais finalement les gens sont beaucoup plus tolérants qu’on ne l’imagine. Une fois, un collègue musulman m’a même demandé de réaliser un charme pour l’aider à trouver un logement. »
La Mivilude et moi
À l’autre bout du cercle, Joël, 37 ans, porte une casquette aux motifs cosmiques. Les mains dans l’argile, il sculpte avec difficulté. Le manuel ce n’est pas trop son truc :
« En ce moment, j’écris un grimoire. Les wiccans le font à la main bien calligraphié pour le mettre sur leur autel… Moi je le fais sur mon PC pour faire le bilan de ce en quoi je crois ou pas. Je me sens très proche de la déesse mère. C’est super bizarre, mais à chaque nouvelle Lune, je regarde une vidéo d’accouchement sur Youtube. Je trouve le fait de pouvoir enfanter très émouvant. »
Pan en argile / Crédits : Saïd
Un léger moment de gêne et un rire nerveux viennent ponctuer sa phrase. Révéler leur religion est un coming-out pour les wiccans. Souvent, ils redoutent d’être assimilés à des dérives sectaires et politiques. Sarac’h, son nom wiccan, démarre au quart de tour lorsqu’on évoque l’amalgame :
« La Wicca Luciférienne, à cause de ce nom, fait peur. Puis les gens confondent tout à cause de l’instrumentalisation par l’extrême droite. Ces gens cherchaient à mettre en valeur une religion d’ici et ils sont tombés sur la wicca qui tire ses origines en Europe. »
En France, la secte wiccan la plus connue porte le nom du cercle initiatique de la Licorne Wicca occidentale. Elle a marqué les mémoires lors du suicide de ses trois responsables en 1995. Sarac’h met les distances :
« Nous sommes des wiccans éclectiques et nous n’avons rien à voir avec eux ! »
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