6 lesbiennes sur 10 seraient victimes de discriminations. C’est ce qui ressort de l’enquête menée par SOS homophobie. Conséquence, elles planquent leur orientation sexuelle. Dur, de ne pas pouvoir parler de ses vacances en couple autour de soi...
« On s’est fait caillasser dans la rue par plusieurs hommes. » – « Pendant que j’étais en train d’embrasser ma compagne, on nous a jeté dessus un gobelet plein de café. » Deux ans après la loi sur le mariage pour tous, les lesbiennes n’ont toujours pas la good life.
En 2013, SOS homophobie a recueilli les témoignages de 7126 d’entre elles, du jamais vu. A l’occasion de la journée pour les droits des femmes, le 8 mars, l’assoc’ a sorti cette grande enquête sur la visibilité des lesbiennes et la lesbophobie.
Tania Lejbowicz, l’une des deux coordinatrices de l’enquête, fait partie de celles qui ont compilé, trié et analysé ces montagnes de données. Elle nous aide à comprendre les chiffres.
Beaucoup de lesbiennes sont victimes de discrimination ?
6 personnes interrogées sur 10 déclarent avoir subi un acte lesbophobe sur les deux dernières années. On a recensé ces actes par contexte. Celui qui arrive en tête, c’est l’espace public (45 pour cent des témoignages, ndlr). En clair, c’est dans la rue, les transports, ou à la sortie de bars LGBT qu’elles se font le plus insulter, menacer, harceler voire agresser. Arrive ensuite la famille, des parents aux cousins éloignés. Mais résultat étonnant : dans près de la moitié des cas, c’est la mère ou la belle-mère qui est citée.
Et concrètement, ça se traduit comment ?
Surtout par du rejet et de l’incompréhension. Ca peut être très violent ! Certains parents les virent de la maison, d’autres leur répètent que « c’est une passade, tu trouveras bien un homme ».
Par peur de ces discriminations, elles se planquent ?
C’est ça. Seulement un quart parlent à tous les membres de leur famille de leur orientation sexuelle ou de leur copine. Seulement 18 pour cent en parlent à tous leurs collègues. Ca veut dire ça, entre autres, être invisible en tant que lesbienne. Ca implique par exemple que tu ne parles pas de tes projets de vacances en couple à ton entourage. Ou que quand tu te promènes dans la rue, tu ne tiens pas la main à ta copine. 63 pour cent des femmes qui réfrènent les manifestations d’affection à leur copine, le font par peur des réactions hostiles. Et ce n’est pas pour rien : l’enquête montre que les plus visibles sont aussi celles qui sont le plus victimes de lesbophobie.
Les lesbiennes sont tellement invisibles que vous avez du aller à la pêche aux témoignages…
C’est vrai ! La ligne d’écoute de SOS homophobie existe depuis 21 ans, et les lesbiennes y ont toujours très peu témoigné : cette année pour 300 témoignages de lesbophobie, on a plus du double de témoignages de gayphobie. Mais on se doutait bien que ce n’est pas parce qu’elles ne témoignaient pas que tout allait bien.
Comment lutter contre un mal invisible ?
Lutter contre la lesbophobie, c’est avant tout, pour nous, rendre visible les lesbiennes, parler d’elles et de leur vécu. C’est défendre leurs droits, comme l’accès à la PMA. C’est aussi se rendre compte que les lesbiennes dérangent parce qu’elles remettent en cause les stéréotypes de genre et de sexe. Pour sortir de ce cercle vicieux, il faut lutter pour une égalité entre les sexes, et entre les genres. Les assos ne changeront rien par elles-mêmes, elles doivent être soutenues et écoutées par les pouvoirs publics. En tout cas, nous on continuera coûte que coûte !