En 15 ans, Arash Derambarsh est passé des soirées avec David Guetta aux distributions de nourriture pour les précaires. L’ex-organisateur de soirées « jet set » a un nouvel objectif pour briller : devenir maire de Courbevoie.
« On se retrouve devant le Fouquet’s. Tu connais le Fouquet’s quand même ? » s’inquiète Arash Derambarsh, l’organisateur d’une distribution d’invendus alimentaires pour les SDF du 9-2. StreetPress le retrouve dans une brasserie huppée, à deux pas des Champs-Elysées. Montre qui brille, costume noir impec’ et lunettes de marque : Arash Derambarsh, 35 ans, entretient un look d’organisateur de soirées pour nouveaux riches. Mais aujourd’hui, le jeune élu Divers droite de Courbevoie a pris rendez-vous pour parler précarité et gaspillage alimentaire :
« Les supermarchés gâchent 20 à 30 kilos de nourriture par jour. Dans ce pays on ne respecte plus la solidarité ! »
Coup médiatique
Depuis janvier, Arash Derambarsh fait le buzz : il distribue aux précaires de Courbevoie les rebuts alimentaires d’un Carrefour City. Tout au long du mois, 3 soirs par semaine, une dizaine de bénévoles se sont mobilisés à son initiative pour trier des produits alimentaires arrivés à date de péremption. Plus tard dans la soirée, ils entament des maraudes pour distribuer leur collecte du soir à la Défense, où les SDF se réunissent pour la nuit.
Vidéo Arash Derambarsh au Grand Journal
Si l’intention est louable, elle est éphémère puisque limitée de la mi-décembre à la fin janvier. Elle ne fait pas non plus l’unanimité chez les assos’ anti-gaspi. Mais l’opération est un joli coup médiatique. Le Parisien, BFM TV, Soir 3, Libération, Le Figaro, France Inter, Ouest-France : Arash Derambarsh et ses belles lunettes font le tour du PAF. Il se paie même le luxe d’être invité sur Canal + pour Le Grand Journal, le même soir que Giorgio Moroder et Lassana Bathily, le héros de l’Hypercasher.
Dans la foulée, une pétition est déposée sur le site Change.org. Elle demande une loi pour obliger les supermarchés à distribuer leurs invendus. Bingo ! A ce jour, ils sont 130.056 à l’avoir signée.
Connecting people
Mais quel est le secret d’Arash Derambarsh ? « Regarde ! Lætitia Halliday, Omar Sy, Nikos Alliagas … Ils ont tous retweeté ! Il n’y a que du lourd ! » se vante l’intéressé, en faisant défiler les tweets sur son smartphone. Plus tard, il nous fera lire le texto d’un député qui le félicite. Et même écouter sur son répondeur le message d’une élue d’une petite ville qui souhaite discuter avec lui.
Pour sa pétition, Arash Derambarsh s’est attaché les services d’un ambassadeur de luxe : Mathieu Kassovitz. C’est d’ailleurs avec lui qu’il était invité sur le plateau du Grand Journal. Le réalisateur de La Haine l’aurait contacté via Twitter, avant de proposer de jouer le rôle de porte-parole. Arash fanfaronne :
« Avec Mathieu, on se connait depuis longtemps. »
Le beau parleur réseaute et sait se mettre des personnalités dans la poche. Elu Divers droite à Courbevoie, il a engrangé par le passé les soutiens de Doc Gynéco ou de l’humoriste Gérald Dahan. Et sur son compte Flickr, il répertorie ses photos avec des personnes connues, de Youri Djorkaeff aux frères Bogdanoff en passant par l’astronaute Buzz Aldrin.
Vous le reconnaissez ? / Crédits : A.Derambarsh
Joint par StreetPress, le rappeur Rost, présent aux distributions d’invendus, se souvient comment il s’est fait mettre le grappin dessus :
« On était invités à la même émission télé, et à la fin il m’a demandé ma carte de visite. Quelques mois après, il m’a appelé pour prendre un café, et il m’a parlé de son projet contre le gaspillage alimentaire. »
Le député UMP Frédéric Lefebvre, vante, lui, son « énergie » et sa « ténacité ». Pour le séduire, Arash, qui travaille à la maison d’édition Le Cherche Midi, est entré par la fenêtre :
« Il m’a sollicité à de nombreuses reprises pour me proposer d’écrire un livre. Une fois, il était même venu avec des journalistes qu’il me proposait comme nègres. Puis j’ai fini par dire “oui”. »
Arash l’embrouille
Sur son CV, le jeune politicard se présente volontiers comme un ancien du ministère de l’Intérieur, période Sarkozy. Frédéric Lefebvre se souvient plutôt « qu’il y effectuait un stage ». Il a aussi été assistant parlementaire du député UMP Michel Hinault vers 2005 mais joint par StreetPress, ce dernier refuse de revenir sur cet épisode. Puis deux ans plus tard, il se tape l’affiche en s’autoproclamant « président de Facebook » après avoir remporté un jeu-concours organisé par une page fan. Il affirme pouvoir envoyer des messages « à tous les utilisateurs de Facebook » et même avoir reçu les félicitations de la team Zuckerberg. Et ça marche ! Le Figaro ou l’Express prennent l’info au sérieux, avant de tacler la supercherie.
De là à dire qu’Arash s’arrange avec la réalité, il n’y a qu’un pas. Il revient sur un hypothétique parcours de badboy en affirmant avoir redoublé « 9 fois » et même avoir été arrêté par la police à 15 ans. Et quand on lui demande pourquoi il s’est engagé du jour au lendemain contre le gaspillage alimentaire, il répond :
« Quand j’étais étudiant j’ai souffert de la faim. Souvent, je ne pouvais manger qu’un seul repas par jour. »
(img) Le fly des soirées d’Arash avec les Guetta :
Son parcours plaide plutôt pour une enfance aisée. Son papa, l’Iranien Kioumars Derambarsh, est réalisateur de film. Sa maman est photographe. Il est aussi le neveu du caricaturiste Kambiz Derambarsh. Quant à lui, il a terminé sa scolarité dans un lycée catholique privé du 6e arrondissement. Il a aussi beaucoup fréquenté les clubs bling-bling de la capitale, jusqu’à y organiser des soirées :
« Je faisais mes fêtes dans les boites les plus huppées du triangle d’or : les Bains Douches, L’Etoile, le VIP Room. C’était des trucs jetset. C’est là que j’ai rencontré beaucoup de monde. »
Sur son blog, il a d’ailleurs publié un billet intitulé « Quand David Guetta me payait mes études de droit aux Bains Douches ».
Courbevoie 2020
Dans sa ville de Courbevoie, Arash Derambarsh s’est mis à dos une partie des acteurs déjà investis auprès des précaires de la ville. Au Centre communal d’action sociale, qui subventionne L’Epicerie Solidaire où les plus pauvres peuvent faire leurs courses contre une somme symbolique, on lui reproche de ne pas avoir cherché à contacter les associations existantes pour son opération. D’autant plus que la ville est déjà bien pourvue. Pour l’année 2014, Carrefour y a distribué l’équivalent de 100.000 repas à 5 autres associations, parmi lesquelles la Croix-Rouge ou le Secours Catholique. Au niveau national, ce sont les associations Disco Soupe, Gars’Pilleurs, Zéro Gâchis et Re-Bon, qui ont publié un communiqué pour dénoncer « une opération de communication » qui « reste à la surface ». Arash peut quand même compter sur le soutien des Gueules Cassées, « la première marque anti-gaspi ».
Ses adversaires politiques, eux, y voient une manœuvre politique et s’interrogent sur le timing de son opération, au même moment où l’Assemblée Nationale débat sur le gaspillage alimentaire. Le député UMP Frédéric Lefebvre, un de ses proches, a d’ailleurs déposé un amendement anti-gaspillage alimentaire, le 30 janvier. Dans son texte, il fait un joli coup de pub au jeune loup de Courbevoie en mentionnant son opération. Derambarsh est fier comme un coq :
« J’ai été auditionné à l’Assemblée le 17 janvier par le député PS en charge du rapport sur le gaspillage alimentaire. Ça, tu peux le noter dans ton papier ! »
En 2007, il se faisait exclure de l’UDF pour avoir monté une liste dissidente lors des élections législatives. Bis repetita pour les municipales de 2008, mais cette fois … avec l’UMP. A StreetPress, il assure qu’il ne se présentera pas aux cantonales de 2015. Mais accro aux panneaux électoraux, il se dit en lice pour être maire de Courbevoie en 2020.
Arash et les frères Bogdanoff / Crédits : A.Derambarsh
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