Samedi, deux personnes ont été interpellées à Moscou pour avoir brandi une pancarte « Je suis Charlie ». Le lendemain, le ministre des Affaires étrangères russe défilait à Paris aux côtés de François Hollande.
Moscou n’est pas très Charlie. Samedi, Vladimir Ionov, 75 ans, s’est fait interpeller par la police, sur la place du Manège, alors qu’il brandissait seul et en silence une pancarte sur laquelle était inscrit en français « Je suis Charlie ». « La loi Russe interdit les manifestations regroupant deux personnes ou plus », explique à StreetPress Cécile Vaissié, professeur en études russes et soviétiques à l’université Rennes 2. « Pour contourner cette loi, certains activistes organisent des piquets solitaires, qu’ils tiennent à tour de rôle. »
La police aurait utilisé « un provocateur »
Selon plusieurs médias russes reprenant cette information, la police aurait envoyé « un provocateur ». Ce dernier se serait placé à côté de l’activiste, justifiant l’intervention des autorités et leur arrestation pour participation à une manifestation publique en groupe « comprenant deux personnes », comme l’atteste le document rédigé par la police moscovite. Le comparse des fonctionnaires aurait quant à lui été relâché avant même l’arrivée au commissariat. Le militant des droits de l’homme Marc Galperine, qui relayait Vladimir Ionov à intervalles réguliers – tout en se tenant à une distance respectable le reste du temps – se serait également fait pincer par la police, un peu plus tard.
Un des PV de l'arrestation / Crédits : Marc Galperine
La veille déjà, plusieurs personnes s’étaient rendues devant l’ambassade de France à Moscou pour marquer leur solidarité à l’égard des victimes françaises des attentats. Pas de mise en cabane, mais selon les réseaux sociaux, les identités des participants auraient été contrôlées. « Une manière d’effrayer les manifestants qui peuvent craindre de se retrouver fichés », détaille Cécile Vaissié.
Au même moment, des manifs contre le blasphème
En Russie, les manifestants n’étaient pas tous très Charlie. Une poignée d’orthodoxes radicaux s’est rassemblée après l’attentat pour… dénoncer les caricatures « blasphématoires ». « Ceux qui manifestent pour dire que les journalistes l’avaient bien cherché n’ont pas été inquiétés par la police. Ça montre bien l’arbitraire du pouvoir », s’indigne Alexis Prokopiev, de l’ONG de défense des droits de l’homme Russie Libertés. Ironie de la politique russe : au lendemain des arrestations, le ministre des Affaires étrangères russe Sergueï Lavrov défilait à Paris au côté de François Hollande. Alexis a bien tenté de l’interpeller sur Twitter :
Mr. Lavrov mfa_russia</a> tomorrow in <a href="https://twitter.com/hashtag/Paris?src=hash">#Paris</a> you will march for "democracy, freedom and pluralism" but will you defend it in Russia?</p>— Alexis Prokopiev (
aprokopiev) 10 Janvier 2015
« M. Lavrov, demain à Paris vous allez marcher pour « la démocratie, la liberté et le pluralisme », mais comptez-vous défendre les mêmes valeurs en Russie ? »
Un tweet demeuré sans réponse.
Edit le 16/01/15 : Marc Galperine a été condamné à huit jours de détention.
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