Almamy Kanouté était venu dénoncer « Exhibit B », la performance qui met en scène des noirs en cage. A l’intérieur du théâtre, la police lui aurait donné plusieurs coups de matraque, il a déposé plainte.
Jeudi 27 novembre, nous étions plus d’une centaine à manifester devant le théâtre Gérard Philippe de Saint-Denis pour dénoncer « Exhibit B ». Cette performance, qui revendique dénoncer l’esclavage, montre des noirs en cage. Même si l’idée de départ était louable, le résultat est raciste et insultant. Ce soir-là, nous souhaitions empêcher pacifiquement cette performance. Sauf que ça c’est terminé dans la violence… contre nous. Mon ami Farid et moi-même avons reçu de nombreux coups de matraques.
Vers 19 heures, suite à un mouvement de foule, nous étions une dizaine à nous retrouver à l’intérieur du théâtre. Presque immédiatement, les gens qui travaillent pour la salle de spectacle ont débarqué, suivis par quatre policiers. Ils craignaient qu’on abîme les installations. L’un des agents s’est adressé à nous, directement sur un ton agressif et nous a demandé de quitter les lieux. J’ai expliqué qu’on était venu pour protester contre cette « œuvre » qu’on jugeait négrophobe, mais qu’on allait sortir sans faire d’histoires et sans rien abîmer, donc pas la peine de nous parler sur ce ton-là. Deux journalistes radio et un journaliste télé ont pu enregistrer cette conversation, ils pourront donc prouver que je suis de bonne foi.
Coups de matraque et de tonfa
On s’est dirigé vers la sortie. Dans le couloir, j’aperçois mon pote Farid de l’Union Musulmane pour la Dignité en pleine conversation avec deux autres policiers. Je n’entends pas ce qu’ils se disent mais à un moment, l’un des deux le chope et lui fait une clef d’étranglement. Il tombe. Je les interpelle pour leur dire qu’on est en train de sortir, qu’ils n’ont pas besoin d’utiliser la violence et je me dirige vers Farid pour l’aider à se relever. Et là, sans sommation, je prends un violent coup de matraque sur l’épaule gauche qui me déséquilibre. Je me retourne et face à moi, deux flics, l’un muni d’un tonfa et l’autre d’une matraque télescopique. Je crie :
« On n’a rien fait, vous faites quoi ? »
« Ils m’ont frappé sans arrêt, tout en m’insultant. » / Crédits : NnoMan / Collectif Oeil
Un nouveau coup part en direction de mon visage, j’ai à peine le temps de lever un bras pour me protéger. Les coups de matraque commencent à pleuvoir. Pendant quelques secondes qui m’ont paru très longues, ils m’ont frappé sans arrêt, tout en m’insultant. Je ne me souviens pas exactement des propos qu’ils ont tenus contre nous, donc je ne les répéterai pas ici. J’ai fini par réussir à m’écarter vers la sortie. Quand on s’est retrouvés entourés de monde, le ton des policiers a tout de suite changé. Ils étaient redevenus polis et calmes.
J’ai porté plainte
L’un des médiateurs de la ville a appelé les pompiers. Ils nous ont emmenés aux urgences où j’ai été examiné. Mon bras gauche était en sale état : j’avais des gros hématomes, une déchirure musculaire, des contusions à l’épaule, au coude et à l’avant-bras. Le médecin m’a fourni une incapacité temporaire de travail de sept jours. Je suis reparti le bras en écharpe.
Une semaine plus tard, j’avais toujours mal, je suis donc allé voir mon médecin généraliste qui lui m’a arrêté pour trois semaines en tout et m’a envoyé chez le kiné. J’ai finalement décidé de déposer une plainte pour « violence volontaire aggravée ». Et dans le cadre de la procédure, le service d’urgences médico-judiciaire m’a lui aussi examiné, et m’a lui attribué un total de 9 jours d’ITT.