Dans Fièvres, Hicham Ayouch dresse le portrait d’une famille franco-maghrébine installée dans une cité du 93. Issu de la bourgeoisie marocaine, il a choisi de filmer la banlieue parisienne.
« La banlieue, je n’y vis pas mais je m’y sens plus à l’aise qu’à Paris. Là-bas, on peut voir l’horizon », s’emballe Hicham Ayouch, réalisateur du film Fièvres qui sort en salle mercredi 29 octobre. StreetPress le retrouve dans son petit appartement du quartier bohème et populaire de Ménilmontant, très loin des tours de Seine-Saint-Denis qui ont servi de décors à son film.
T-shirt négligé, roulax’ au bec et faux-air de Lou Reed avec ses cheveux frisés, Ayouch, 38 ans, tranche avec l’image qu’on pourrait se faire de lui : Son père, grosse fortune du Maroc, est un proche du roi Mohammed VI. Mais lui vit dans un studio au confort spartiate, mange du riz à même le Tupperware et sort un film qui se passe dans une cité. « J’aime la banlieue, explique-t-il. C’est un réservoir à histoires, avec de la noirceur et beaucoup de violence dans les sentiments. »
Un conte sur la filiation
(img) L’affiche du film, en salle le 29 octobre
Dans Fièvres, Hicham Ayouch raconte l’histoire d’une famille franco-maghrébine de Noisy-Le-Sec. Karim, un quadra cassé par la vie, vit encore au crochet de ses parents, des sexagénaires obnubilés par leur retour au bled. Tous les trois traversent la vie comme des fantômes dans leur HLM quasi-désert. Jusqu’au jour au Benjamin, 13 ans et fils illégitime de Karim, fait irruption dans leur vie. La famille doit accueillir cet enfant turbulent mais la cohabitation se passe très mal : Karim préfère fuir devant ses responsabilités de père.
Sur l’affiche, le jeune héros pose capuche sur la tête avec une cité en arrière-plan. Mais attention, Hicham Ayouch tient à se démarquer de l’image de film de tess’ qui colle à son long-métrage. « Il faut plus le voir comme un conte », lâche-t-il. Fièvres est rythmé par plusieurs saynètes oniriques autour des personnages d’un poète vagabond et d’un alcoolo qui aime se travestir.
De Paris à Bordeaux, en passant par le Maroc
Quand on lui demande s’il connaît la banlieue, Hicham Ayouch est très clair : « pas du tout ». Pour trouver ses décors, il l’a sillonnée pendant 6 mois à la recherche de la cité parfaite. Il découvre Noisy-Le-Sec.
Vidéo – La bande-annonce de Fièvres
Ayouch a passé son adolescence avec sa mère dans le centre de Paris, avant de rejoindre Bordeaux où il étudie le journalisme. Il travaille comme rédacteur télé pour TF1, Canal + ou encore France Télévision. Son père, le Marocain Nourredine Ayouche, a fondé en 1972 Shem’s, la première agence de pub du pays. Il exerce également plusieurs mandats dans des institutions du royaume et a l’oreille de Mohammed VI. Son grand frère est également réalisateur, primé à Cannes.
Sur la situation au pays, Hicham se fait discret. Pendant le mouvement du 20 février, il passe 6 mois caméra au poing à documenter les événements. Mais aujourd’hui, il en garde de l’amertume :
« Quand je vois ce que sont devenus les printemps arabes … Au Maroc, il y a eu l’impulsion mais pas de vrai changement. »
Scènes chocs et stéréotypes
Ayouch insiste pour que son film Fièvres soit présenté comme français et non marocain, bien qu’il a été projeté en ouverture du festival « Le Maroc contemporain » à l’Institut du monde arabe. D’abord parce que l’équipe du film est française. Mais surtout pour ne pas identifier les Français d’origine maghrébine dont il parle comme des étrangers.
Avec son film, il veut aussi casser les stéréotypes que la communauté maghrébine porte sur elle-même. Le cinéaste explicite :
« On veut parfois se voir d’une façon qui n’est pas la réalité. A dire : “Nous, on n’est pas comme ça”. Mais dans la communauté, il y a de tout : des analphabètes, des voleurs, des homos, des islamistes, des athées ! »
Dans plusieurs scènes chocs, il cherche à briser des tabous. Comme quand il filme son héros de 13 ans menaçant de brûler un Coran ou son couple de retraités marocains en pleine séance de préliminaires. « Ce n’était pas évident à tourner. J’étais avec une actrice algérienne de 70 ans qui n’avait pas joué dans un film depuis longtemps », se souvient Ayouche. Avant de renchérir :
« Elle a eu des couilles de faire ça. »
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