Fin septembre, le disquaire Balades Sonores réunissait les quelques collectionneurs de K7 parisiens pour une journée à thème. Mais derrière un microcosme de punks fauchés et de branchés à moustaches se cache une petite économie.
1 avenue Trudaine – Paris 9e. A l’intérieur du disquaire Balades Sonores , les bacs à vinyles ont été repoussés contre les murs. Au centre de la pièce, une table trône, sur laquelle ont été étalées une soixantaine de cassettes.
Samedi 27 septembre, le shop Balades Sonores accueillait la deuxième édition du « Cassette Store Day ». Initié par des labels indépendants British, l’événement réunit une trentaine de disquaires à travers le monde, dont un à Paris, qui veulent réhabiliter la cassette. Et à voir avec quelles précautions la dizaine de clients présents les manipulent, on comprend qu’on a atterrit chez de vrais fétichistes.
Même pas mort
« Le cassette store quoi ? » questionne, surpris que la cassette existe encore, un quadra le nez dans un bac à vinyles. La cassette a bien traversé les âges de l’industrie musicale : un microcosme peuplé de punks fauchés ou de branchés à moustaches achètent, échangent et distribuent encore cet héritage d’un autre temps. Et comme le vintage c’est chic, ce jour-là il y avait même une équipe de tournage de M6.
Fin des années 80, le CD envahit les bacs. C’est la mort de la cassette, peu fiable et de mauvaise qualité. Mais tout un monde arty, militant ou fauché exploite encore le support. En marge de l’industrie musicale qui ne jure plus que par le CD et le MP3, survit une communauté d’amoureux de la cassette, support attachant et pas cher.
Toma, un des gérants de Balades Sonores, explique entre deux clopes :
« Le support n’a jamais complètement disparu, comme le vinyle. Il a continué à se diffuser sur des niches musicales ; celles des petits groupes, artistes, labels qui ont toujours trouvé un support pas cher et rigolo pour diffuser physiquement leurs productions à de petits tirages. »
Objet d’art
(img) Ça ferait un super papier peint non ?
Certains artistes ont toujours trouvé en ce petit rectangle de plastique un terrain de jeux et d’expérimentations musicales. Exemple avec Rémi, fondateur d’un petit label rock indé, Ateliers Ciseaux . A la fin des années 2000, il bosse pour le label Atthletic Duddes, qui sur cette période se spécialise dans « les cassettes recyclées ». Leur concept : faire enregistrer un groupe de la scène rock actuelle sur la face A d’une cassette d’occasion. Par contre, ils laissent en état la face B.
Rémi se poile :
« Le résultat a donné des splits improbables entre des groupes de noise et des stars du TOP 50. »
De support de masse, la cassette est devenue terrain de jeux pour artistes indés. Rémi insiste sur « les artworks », façon série limitée, que permet ce support über-économique :
« Il arrive que les 30 cassettes du tirage aient été peintes à la main. »
Les quelques acheteurs de cassettes sont en partie fétichistes de l’objet. Ce que confirme Anne, du label Monster K7, un des plus gros catalogue cassette français :
« La K7 finit dans la bibliothèque, comme une sculpture. Je suis certaine que près de la moitié des gens qui nous achètent des K7 ne les écoutent jamais. Déjà parce qu’en plus de la K7, on leur propose un téléchargement de l’album. »
K7 vs Vinyle
Si des disquaires créent un événement autour de la cassette, c’est qu’elle est économiquement attractive à côté d’autres supports. L’essor du vinyle au cours des dernières années – entre 2006 et 2013, les ventes ont été multipliées par 8 – a notamment eu pour effet de rendre cet objet trop cher. En moyenne entre 15 et 30 euros le prix de vente. Pour les labels indépendants, le risque est gros de s’attaquer à ce marché coûteux, comme l’explique Anne de Monster K7 :
« Les coûts de fabrication du vinyle sont importants, ce qui est un risque important. Une mauvaise sortie et la boîte coule. Avec la cassette, on a le droit à l’erreur. »
Pour distribuer leurs productions, bon nombre de labels proposent leurs cassettes à la vente sur les stands à la sortie des concerts ou des festivals, comme à Rock En Seine ou d’autres festivals plus indés tels la Villette Sonique.
Le stand de cassettes au centre de la boutique de Balades Sonores / Crédits : Thibaud Delavigne
Eldorado ?
Pour autant, la cassette ne représente pas grand-chose sur le marché : entre 2 et 5 ventes par mois chez Balades Sonores, pourtant identifié comme un des disquaires les mieux fournis de Paris. Il n’y a donc pas de « phénomène cassette ».
Certains y croient. Nassim et son cousin Ramzi, veulent lancer une boutique en ligne spécialisée dans la vente de cassette. L’un est un ingé-son de Versailles à l’allure bonhomme, l’autre fort d’une expérience pour une boîte de conseil en vente :
« C’est évident que les gens vont avoir envie de retourner vers des supports physiques abordables. On veut proposer un site qui centraliserait les catalogues des labels et proposer leurs productions cassettes à la vente. »
Les deux entrepreneurs s’enthousiasment pour la sortie chez Sony d’une cassette de stockage de 180 tera octets. Un support pour des usages industriels. Nassim veut y croire :
« Pour l’instant, la musique suit toujours l’évolution de l’informatique. »
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