Histoire de casser la « vision sexiste du corps féminin », elles ont monté un club de lecture seins nus. Sur StreetPress, la fondatrice du mouvement nous explique pourquoi.
4 Septembre, Parc de Union Square à New York – 13h30
Seconde étape, faire comme tout le monde et tomber le haut.
J’aperçois une femme torse nu en pleine conversation avec un mec tout aussi peu vêtu. A côté d’eux, étalés sur l’herbe, des Cupcakes, cookies, muffins et pas mal de livres. C’est le rendez-vous du « Outdoor Co-ed Topless Pulp Fiction Appreciation Society ». Un club de lecture féministe qui a décidé de profiter de son droit à se poser torse nu à New York. Car depuis 1992, l’état de New York autorise les femmes à se balader topless.
Je suis en avance au rendez-vous, mais une demi-heure plus tard nous serons une bonne dizaine à bouquiner poitrine au vent. Première étape, présentations. Seconde étape, faire comme tout le monde et tomber le haut. Au bout d’une vingtaine de minutes, alors que toute la bande discute littérature et sexe je m’aperçois qu’autour de nous il n’y a que des hommes.
Il y a ceux qui se mettent près mais pas trop, histoire de prendre des photos en « secret ». Il y a ceux qui ont un journal et font semblant de lire, ou encore ceux qui se rincent l’œil ouvertement. Un certain Joey vient même s’asseoir juste derrière moi et lâche un compliment sur ma poitrine. Je respire un grand coup et décide de la jouer zen : je le remercie et continue ma lecture, en espérant qu’il ne s’attarde pas trop.
Quand je demande à Carole, membre du club, ce que lui inspirent ces réactions, la réponse fuse. Plutôt cash :
« Si un groupe de mecs faisait ça, personne ne dirait rien. Fuck gender ! »
Deux jours plus tard je passe un coup de fil à Alethea Andrews, une des fondatrices de ce club histoire de bien comprendre la story.
Comment le club est né ?
A l’été 2011, je discutais avec une amie sur le fait que les femmes à New York avaient le droit, juridiquement parlant, d’aller topless dans tous les endroits où les hommes le pouvaient. Mais tu ne vois jamais de femmes le faire par ignorance de la loi ou par peur. Alors j’ai eu l’idée de créer un groupe. On en a fait un club littéraire parce qu’on aime les livres.
Les gens trouvent ces livres scandaleux mais ça les intrigue
Pourquoi lire des livres avec des femmes nues sur la couverture ?
Il y a quelque chose d’amusant dans les pulp-fictions. Les gens trouvent ces livres scandaleux mais ça les intrigue. Tout comme les gens trouvent parfois ce que nous faisons scandaleux, mais nous regardent quand même. C’est marginalisé, on le censure, mais ce genre survit toujours. Et c’est amusant si tu dois lire topless de lire un livre avec, en couverture, une femme encore moins habillée que toi.
Vous n’avez pas eu trop de mésaventures ?
La plupart des gens nous laissent tranquilles. On a du simple sourire aux pouces approbateurs. Des gens viennent nous dire : « J’adore ce que vous faites. » Parfois, des hommes un peu trop enthousiastes viennent nous faire chier mais ça n’est pas comme s’ils ne nous embêtaient jamais quand on est entièrement habillées. De temps en temps, quelques femmes, toujours des femmes, nous regardent de travers.
Pourquoi les femmes ?
Peut-être qu’il y a le sentiment que nous trahissons toutes les femmes en exposant nos corps comme nous le faisons. Que nous devrions être plus « au courant » et que donc nous devrions avoir honte de révéler aux yeux des hommes le « mystère féminin ».
Pourquoi avoir choisi comme slogan « Burn bras, not books » ?
C’est une référence au début du féminisme quand des manifestantes brûlaient leur soutien-gorge en public. C’est aussi une référence au fait que les fascistes brûlaient les livres dans les années 1930.
Vous vous considérez comme féministes ?
Oui complètement. On veut avoir les mêmes droits que les hommes, et si on nous donne certains de ces droits, on veut en profiter. On n’autorise personne à nous imposer quoi que ce soit.
Vous faites de la provoc‘ ?
Ça n’est pas notre but. On profite juste de notre droit légal et du temps qui s’offre à nous. Si on provoque, c’est uniquement parce que des gens dans notre société ont des façons de penser d’une autre époque et des notions sexistes du corps féminin.
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