Sur StreetPress Antonin, jeune avocat de 26 ans, livre sa recette pour « avoir de l'allure » au Prix de Diane : « Un gentleman est toujours sportif. » Plus qu'une course hippique, le raout est surtout l'occasion de jouer au petit bourgeo
Sur les pelouses de l’hippodrome de Chantilly, la fête bat son plein à grand renfort de champagne, de pique-niques et de gens bien apprêtés. Près de 30 000 spectateurs sont venus assister à l’une des plus célèbres courses du monde hippique français : le prix Diane-Longines, parrainé par la célèbre marque de montre de luxe et ses égéries avec, en toile de fond, le château de Chantilly et ses dépendances.
10h37 – Embarquement dans l’un des rares trains – grève SNCF oblige – qui nous emmènent à Chantilly. Ambiance étrange sur le quai de la gare du Nord, les centaines de spectateurs du prix de Diane s’amassent sur le quai dans une avalanche de couleurs chatoyantes, tandis que les usagers habituels les observent d’un regard circonspect. Des groupes s’assemblent et se retrouvent. Ca glousse, ça bavarde. Un passager hasarde une question à une groupe de jeunes filles, très élégantes, celles-ci lui répondent en cœur : « On va au prix de Diane, c’est pour ça qu’on met des chapeaux ! »
11h10 – A Garges-lès-Gonesse tout le monde commence à coiffer son chapeau et les jeunes femmes sortent le maquillage. Il ne reste que les spectateurs du Prix dans le train. On discute avec quelques passagers, dont André, la soixantaine et le visage fatigué, qui nous raconte le monde des courses. Cela fait cinquante ans qu’il vient voir le prix Diane et parier. « La première fois je suis venu avec mon père, j’avais dix ans. Depuis je reviens tous les deux ans. » Une veste beige et la barbe fournie, ses yeux brillent lorsqu’il évoque l’ambiance qui s’empare du prix. « Aujourd’hui c’est exceptionnel, c’est spécial, c’est la fête des chapeaux, des femmes, l’élégance… le charme des dames. »
11h30 – Nous arrivons à l’hippodrome par les bois, en suivant la longue file de robes et de chapeaux. Pas vraiment de contrôle à l’entrée, on a l’impression de pouvoir rentrer sans problème. Les gens s’installent sur la pelouse au milieu de l’hippodrome. Venus en famille ou avec des amis, ils se préparent pour les courses.
Alors que l’on se dirige vers les tribunes, des stewards en costume noir et cravate rose nous arrêtent. Surpris, on leur montre notre bracelet bleu. L’un d’eux nous renseigne : « Pour passer par là, il vous faut un bracelet de couleur blanche ». Et de désigner, derrière lui, un tableau sur lequel sont affichés des bracelets de différentes couleurs. Il y a donc une partie réservée à certains ? Les stewards pointent du doigt un beau bâtiment à côté des tribunes, dont le jardin donne sur la piste de course. C’est le jardin des propriétaires : pour y accéder il faut soit posséder un cheval qui court aujourd’hui, soit être invité par l’un des dits-propriétaires, soit payer 120 euros.
Aux abords de ces dernières, on y croise costume, queue-de-pie gris et cravate, Olivier de Panafieu, un des propriétaires de l’Écurie la Boétie. Pour lui le prix Diane est un « prix extraordinairement festif et élégant où Il n’y a pas de laisser-aller, aussi bien chez les chevaux que chez les spectateurs. » Un peu plus loin, le village de la Garden Party offre le même tableau ; convives sur leur trente et un, tables, nappes blanches, parasols et hôtesses bien apprêtées. On y rentre que sur invitation des partenaires du prix. Avec l’avantage, quand on y est, de disposer d’un magnifique point de vue sur la ligne d’arrivée.
On va au prix de Diane, c’est pour ça qu’on met des chapeaux !
13h30 – Juste en dessous des tribunes, on trouve Antonin, 26 ans, jeune avocat parisien spécialisé en droit des affaires, il est venu avec ses amis. Costume cravate et chapeau de paille, verre de champagne et jumelles autour du cou, pour lui l’ambiance est « smart et chic ». Tout en confessant qu’il ne connait pas grand-chose au monde des courses, il apprécie « l’ambiance un peu mariage, le côté chic et français ».
« Le prix de Diane c’est avant tout l’élégance, où l’allure prédomine. »
Il ajoute : « un gentlemen est toujours sportif ».
On l’aura compris, l’élégance et la beauté sont les maîtres-mots de cet événement.
Tiens d’ailleurs puisqu’on parle de sport, voici Nelson Monfort qui s’avance près des tribunes. L’occasion est trop belle, on l’approche et on lui demande ce que représente, d’après lui, le Prix de Diane. Le commentateur vedette s’exclame : « Ça représente l’élégance française et la France, dans ce qu’elle a à offrir de mieux ! » Et d’ajouter aussitôt : « C’est un savant mélange entre les élégants et les moins élégants, mais toutes les personnes sont élégantes à l’intérieur et ça, ça c’est le plus beau. »
14h – Les courses commencent. La pelouse d’où nous y assistons est encore couverte de nappes et de petits sièges dépliables. Mais ici, pas de traces de champagne ou de foie gras. En tout cas, pas dans les mêmes proportions. C’est ici que se trouve le « village de Diane », un mélange de manèges et de spectacles destinés à ouvrir l’événement à monsieur et à madame tout le monde. Le plus détonant est sûrement celui des « prétendants », où les danseurs et les danseuses se déhanchent au son d’une musique country. En parlant de champagne et de foie gras, le prix Diane peut probablement s’enorgueillir de proposer le casse-croûte le plus cher du coin : 26 euros ! Le tout présenté dans une boîte à chapeaux, bien sûr, et composé par le chef étoilé Yannick Alleno.
16h – On a voulu jeter un œil au « Prix de l’Élégance – Mademoiselle Diane par Longines ». Celui-ci s’adresse aux femmes les plus élégamment habillées et coiffées des chapeaux les plus originaux. Sur le podium, dressé en plein milieu de la pelouse, une dizaine de jeunes filles, sélectionnées pour la phase finale, défilent sous les commentaires d’une animatrice, qui les questionne sur le pourquoi et le comment de leur tenue. Le tout sous le regard attentif du jury et de sa présidente : Sophie Thalmann, ex-Miss France et animatrice télé. La gêne est palpable lorsque l’une des candidates déclare qu’elle a trouvé son chapeau chez une marque bon marché de la capitale. Le public rit, les hôtesses pouffent de rire discrètement en passant leur main sur la bouche. L’animatrice ne sait visiblement pas quoi dire et enchaîne sur une autre candidate. Au royaume de l’élégance, il n’y a pas que l’apparence qui compte. Curieux, on a voulu savoir quelles étaient les « valeurs » recherchées par le jury. Pauline Boisgontier nous a répondu : « Les valeurs, c’est la distinction et l’harmonie » avant d’ajouter : « Des moments pour s’habiller et être en représentation on n’en a pas beaucoup, le prix de Diane en fait partie. »
Le prix de Diane c’est avant tout l’élégance, où l’allure prédomine
Là aussi, il faut apprendre ou imiter une certaine gestuelle que l’on n’a évidemment pas tous les jours
17h15 – C’est la remise du prix de Diane par le maire de la ville, Éric Woerth et la fin, pour beaucoup de spectateurs, de la journée. Juliette*, 24 ans, robe noire, est venue aux courses en compagnie de son ami. Elle nous confie que, participant pour la première fois à cet événement, elle est allée faire un tour sur internet pour voir comment les femmes s’habillaient : « Le dress code se résume assez facilement : une belle robe de couleur, assortie avec un chapeau original et des chaussures à talons. » Elle ajoute en souriant qu’il faut d’autant plus faire attention que l’on est censés pique-niquer par terre – bien croiser les jambes ! – et manger avec les doigts… « Là aussi, il faut apprendre ou imiter une certaine gestuelle que l’on n’a évidemment pas tous les jours – en tout cas, pas dans ma classe sociale ! Il faut se tenir bien droite, la tête haute, le regard un peu dédaigneux. Comme au théâtre ! » conclue-t-elle, en précisant qu’elle s’est bien amusée.
Marc*, quinquagénaire, est allé parier aux courses trois fois déjà à Chantilly, mais aussi à Auteuil. Jamais des grosses sommes : entre quinze et trente euros, perdant ou gagnant. La première fois qu’il est venu au prix Diane, c’est parce qu’on lui en avait parlé alors, curieux, il est allé voir avec une amie : « Il n’y a pas que la dimension équestre de l’événement, ça vaut le coup au niveau de l’ambiance. C’est grandiose, on y va pour voir les gens bien apprêtés. » En revanche, lorsqu’on lui demande si les courses se sont ouvertes au grand public, si elles se sont « démocratisées » en quelque sorte, il n’hésite pas longtemps : « tu sens la différence. Il y a une partie à laquelle tu ne peux pas accéder. Et puis il est préférable de suivre un dress code pour se montrer. Tu sens qu’il y a des gens qui sont juste venus pour voir et d’autres, qui sont là pour l’apparat. »
* : Les prénoms ont été modifiés
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