Il est 2 heures du mat' à Oberkampf et vous avez croisé quelques yétis poilus dans la rue qui servent des cocktails ? Pas de doutes, vous venez de rencontrer le Bar Déambulant. Une bande de potes qui vend des boissons pour faire vivre une recyclerie.
Paris, Oberkampf – A côté du Café Charbon, il est 2 heures du mat’ et deux yétis poilus interpellent les passants :
« - Une petite poirette pour avoir la patate M’sieur Dame ? C’est 3 euros !
- C’est fort?
- C’est fort bon ! »
Le groupe de jeunes, déjà éméchés, se délaisse de quelques euros et repart avec un gobelet rempli d’un étrange breuvage.
ZE STORY
« La première fois que j’ai fait le yéti, c’était il y a un an et demi, sur un coup de tête, j’ai préparé 20 litres de cocktails et je me suis fait 185 euros. Quand je suis allé me coucher j’avais la tête pleine d’étoiles et de gens rencontrés » nous confie Étienne, grand gaillard dreadeux, entre deux bouchées de pâtes veggie.
Tout commence au squat de La Bobine, à Clichy. Une petite asso y monte une recyclerie mais tout ça a un prix. Qu’à cela ne tienne, Étienne Soubrié, ex-étudiant en cinéma arpentera désormais les rues affublé d’un costume de Yéti en vendant du vin chaud l’hiver et des cocktails l’été. « Le Bar déambulant était né ! »
BUSINESS
Dans les grosses soirées, Étienne et sa clique de poilus délurés rencontrent jusqu’à 500 personnes. Un business plutôt rentable, puisque chaque verre est vendu 3 euros.
« Mais au final on fait des prix si plusieurs personnes en prennent, on fait goûter et on offre pour les anniversaires ! »
Paré pour une longue soirée. / Crédits : Barbara Bourreau
En tout, ils auraient de quoi faire 100 verres chacun, nous expose Dem en enfilant sa combinaison à poils, « mais on les fait jamais, au mieux on doit vendre 80 verres chacun dans les bons soirs ». Pour un baril de 15 L qui leur revient à environ 100 euros, un bon yéti sachant tchatcher se fait généralement une marge de 110 euros. La moitié va au yéti-vendeur, l’autre à l’asso.
Dans leur backpack on trouve « de la poirette ou de la fraise romanov‘ », des cocktails de leur invention faits maison et avec « des produits sains » issus du marché ou de petits producteurs. « Bon pour l’instant, le cidre on l’achète à Leclerc, mais il faut que j’aille en Normandie pour récupérer le meilleur cidre que j’ai goûté de toute ma vie » nous explique Étienne en versant son jus de poire de Groslay (95) dans les barils qu’il portera plus tard.
DIY
Au squat, en attendant que le dessert cuise, on échange des idées autour de futurs produits comme des smoothies ou de nouveaux points de vente pour élargir le terrain entre deux blagues potaches. Du pont Alexandre III aux Solidays, les yétis n’ont pas leur ambition dans la poche sans pour autant vouloir devenir une grande chaîne :
« Ce qui nous plaît c’est l’humain, le contact avec les gens, bouger tout le temps, si tu perds ça, tu perds l’essence yéti »
Vendeurs à la sauvette de boissons chaudes dans les trains le jour, Yétis la nuit, la vente de boisson est leur principale source de revenus, alors autant vous dire qu’ils mettent le paquet. « On fait tout maison, des cocktails aux costumes, alors du coup on peut tout revendre et tout refaire à la demande ! » sourit Dem. Et de la demande il y en a, ce ne sont pas moins de 9 personnes qui les interpellent au cours de la soirée pour savoir où il était possible de se procurer les combi’ de Yéti.
C’EST PARTI MON YÉTI
Après une dernière clope, et les ultimes retouches aux costumes, les yétis se lancent à l’assaut de Paris. De Bastille à Pigalle, les poilus quadrillent Oberkampf, Châtelet et Mouffetard à pieds ou à vélo, équipés de leur 15 L de mélanges home-made épicés et d’une centaine de gobelets. « La première heure c’est un peu rude, mais plus ça se vide et plus c’est léger et mieux ça va », transpire Dem dans le métro. C’est en tout plus de 20 kilos que les créatures velues se trimballent sur le dos dans tout Paname. Étienne renchérit :
« Depuis que j’ai commencé, j’ai pas pris un gramme mais je suis devenu super balèze, la clé, c’est de ne pas rester statique. »
A chaque soir son quartier, en fonction de l’humeur de l’équipe, qui refuse de s’imposer un lieu à l’avance pour laisser place à l’aventure et au feeling.
> Pour une bonne fraise Romanov, prenez des fraises, faites en du jus, rajoutez-y une pointe de crème fraîche, de la vodka, du champagne et une larme de cointreau. Secouez, agitez, dégustez.