Trois mois qu'un «Coolectif» squatte l'hôtel Balladin dans le 14e. On y cause gender, révolution féministe et… végétale, avec la bénédiction de la mairie. Enfin un squat où les mecs ne sont pas «au bricolage et les femmes à la cuisine».
Paris 14ème, rue Maurice Ripoche – Sur la façade grise au crépi défraîchi de l’hôtel Balladin quelques affiches accrochent l’attention du passant. Sur une feuille A4, inscrit au marqueur « Squat Artistique-Féministe-Ecolo ». Postés sur le trottoir, Fatima, Christina et Jean-Charles se dorent au soleil. Chaque week-end les occupants du Safe proposent au public un « tour du propriétaire » afin d’expliquer leur démarche. Mais en ce dimanche de vacances scolaires, il n’y a pas vraiment foule.
Sous les pieds des militants, sur le trottoir, les traces d’un tag presque disparu : « Femen paye ton loyer ! », laissé par les militants du Renouveau Français. Si le groupuscule d’extrême droite, pétainiste et homophobe, est venu fanfaronner rue Maurice Ripoche, c’est parce que le squat a accueilli un briefing de soutien aux Femen. Leur faisant penser, à tort, que les « sextrémistes » avaient posé leurs valises au Balladin.
Kesako ? Les 5 filles et 4 garçons du « Coolectif » ont pris leurs marques. Dans les chambres à l’étage, des posters et slogans – « la domination masculine m’a tuée » – trônent sur les murs au papier peint fatigué. « Un squat féministe, c’est un squat où les garçons doivent faire attention à ce qu’ils disent ! » plaisante Léa Vasa, 23 ans, fraîchement élue sur une liste écolo dans le 10e arrondissement.
Léa et ses petites coupures de presse
Mais le Safe veut avant tout devenir un foyer pour les initiatives féministes, en « s’incrustant dans les luttes », explique Fatima-Ezzahra Benomar, militante de l’association « Les Effronté-e-s », à l’origine du projet. « Même si pour l’instant notre influence n’est pas grande », concède cette dernière. Le spot de la rue Maurice Ripoche sert régulièrement de lieu de réunion et une permanence d’écoute pour les femmes victimes de violences est en projet. Il héberge aussi le bureau des « Effronté-e-s » qui y organisent débats et ateliers de réflexion.
Sur son site internet, l’association se définit comme « féministe » – on s’en doutait – « progressiste et laïque », « antiraciste », « révolutionnaire », « mixte » et « abolitionniste du système prostituteur ». Une dernière position à l’origine de pas mal de clash, notamment avec le Strass, syndicat du travail sexuel.
The story L’idée du squat féministe trotte depuis un bout de temps dans la tête de Fatima, passée par le squat de la rue de Valenciennes (Paris 10e), tenu par Jeudi Noir. Car en matière d’égalité, le milieu ne s’avérerait pas aussi progressiste qu’on pourrait l’imaginer :
« Les taches y sont très genrées : les mecs au bricolage et les femmes à la cuisine. Les mecs monopolisent souvent la parole dans les réunions.»
Elle envisage d’abord de créer un centre d’accueil pour les femmes maltraitées.
« Mais ce n’est pas facile de garantir la sécurité de ce genre de structures. Entre les macs et les mecs violents qui peuvent débarquer à tout moment pour terroriser leur proie ! »
Jusqu’en 2011, tout va pour le mieux : diplômée d’une école de cinéma, elle décroche le statut d’intermittente du spectacle. Elle milite alors au PS, co-fonde « Osez le féminisme », expose ses peintures.
Quand un beau jour, patatras ! La préfecture lui réclame un contrat de travail et ne veut pas entendre parler d’intermittence. La jeune femme reçoit une injonction de quitter le territoire.
S’en suivront de longs mois de bataille administrative… et de galère. Sans autorisation de travail, Fatima grille ses dernières ressources et connaîtra même quelques nuits dans le métro.
De quoi renforcer ses convictions politiques. Elle rejoint Jean-Luc Mélenchon avant la campagne présidentielle de 2012, pour travailler sur les questions d’égalité. En 2013 Fatima a publié Féminisme, la révolution inachevée.