Si l'objectif est de proposer une alternative «libre» et secure à l'oiseau bleu, pas sûr que Twister réussisse à dépasser la geekosphère. Ses utilisateurs le reconnaissent: il est un peu trop compliqué à installer et on s'y sent un peu seul...
« Pour l’instant sur Twister, on parle surtout de Twister », constate Pierre, un des primo-utilisateurs de ce nouveau réseau social, contacté par StreetPress. Il faut dire que ce logiciel libre de microblogging pair à pair, entièrement décentralisé, n’existe que depuis janvier 2014. Imaginé en juillet 2013 pour concurrencer Twitter, par Miguel Freitas, un ingénieur brésilien, il débarque en ligne avant même d’être totalement terminé. Twister n’en est donc qu’à ses balbutiements et tous les utilisateurs sont d’ailleurs invités à l’améliorer. Ils peuvent ainsi réparer les bugs eux-mêmes ou du moins les signaler, selon les principes du logiciel libre.
Quésaco ? Twister est un réseau social décentralisé. C’est-à-dire qu’à la différence de ses homologues (Facebook, Twitter…), les informations qui y sont postées ne sont pas enregistrées sur un serveur privé. Elles ne tombent donc pas dans les poches d’une méchante multinationale susceptible de les refiler aux plus offrants ou de les divulguer comme bon lui semble. Joint par StreetPress, le blogueur Stéphane Bortzmeyer détaille son fonctionnement :
« Les données échangées sont toujours en possession de l’utilisateur qui fait de son ordinateur son propre serveur, ou qui choisit de se faire héberger par un « serveur ami » en qui il a confiance. »
To do A quoi sert Twister ? Exactement à la même chose que Twitter, dont il est souvent présenté comme un clone, tant l’interface est ressemblante. Twister permet donc d’envoyer des messages de 140 caractères maximum, pouvant contenir des photos, des fichiers, des hyperliens… On retrouve même les fameux hashtags. Les tweets (twists ?!) sont publics et apparaissent sur une timeline.
Mais surtout, Twister permet d’échanger des messages véritablement privés – l’équivalent des Direct Message de Twitter – c’est à dire entièrement chiffrés (cryptés). Pour cela, il utilise le protocole Bitcoin, un autre logiciel libre. Il ne s’agit pas du tout de la monnaie électronique, Twister est en effet entièrement gratuit. Il reprend simplement le principe des clés privées utilisées par Bitcoin. Ainsi lorsqu’on envoie un message directement à un utilisateur, seule la personne ayant la bonne clé peut le lire.
Instable « C’est très difficile de dire combien de personnes utilisent déjà Twister, parce qu’il n’y a justement pas de serveur qui centralise ce genre d’informations », explique Stéphane Bortzmeyer. Mais selon notre utilisateur, Pierre, il y a une « bonne activité ». Il a déjà reçu « 27 messages en une heure » et « 60.000 ordinateurs se sont déjà connectés à [sa] machine », détaille-t-il, tout content de son nouveau joujou.
Twister reste cependant encore confidentiel. Et pour cause, il faut s’y connaître un minimum en informatique pour l’installer sur son ordinateur. Sur la page de téléchargement de Twister, il est même précisé que celui-ci « peut être instable ». Il peut également « se bloquer, entraînant une perte de données ». Miguel Freitas ajoute avec humour : « Vous aurez été prévenu. »
Un encourageant petit mot vous accueille sur la page d’installation…
Freedom Alors pourquoi utiliser Twister ? Guepi, un autre twister-addict, contacté par l’intermédiaire d’un forum dédié aux logiciels libres explique pourquoi il kiffe l’outil de microblogging :
« Le point principal qui m’a intéressé pour tester cet outil, c’est avant tout le côté un peu décalé, un peu technophile, geek diront certains. »
« Mais il y a aussi une motivation plus politique », assure Stéphane Bortzmeyer. Pour lui « Twister permet d’éviter la censure qui peut exister sur des réseaux sociaux centralisés où l’entreprise qui possède le serveur peut effacer ce qu’elle veut ». Protéger la liberté d’expression est l’une des raisons qui ont poussé Miguel Freitas à créer Twister, qui a ouvert deux mois avant qu’ Erdogan ne décide de bloquer Twitter en Turquie. Le fait que chaque message soit crypté d’un bout à l’autre du réseau, protège également contre l’espionnage. Et puis il y a le Twister-spirit : « Il s’agit aussi d’un logiciel libre qui participe du principe de partage des connaissances », ajoute Pierre.
Preums’ Si l’utilisation du protocole Bitcoin assure l’unicité de chaque pseudonyme (en remontant bloc par bloc la chaîne de partage, on peut s’assurer que le message posté correspond bien à un compte précis) cela devient vite la course au premier inscrit. Chaque nom n’est utilisable qu’une seule fois car il est associé à une clé privée unique.
« Si quelqu’un décide de créer le compte François Hollande, personne d’autre ne pourra le prendre, explique Stéphane Bortzmeyer. Et si le Président veut récupérer son nom personne ne peut forcer l’utilisateur à céder la clé ».
Et personne ne peut rien faire contre ce « name squatting » car il n’y a pas de serveur général qui pourrait effacer le faux compte. Jusqu’à présent, Pierre affirme ne pas avoir entendu parler de ce genre de problèmes sur Twister. « Il y a comme un accord tacite entre les utilisateurs et personne ne crée 50 comptes », assure-t-il.
Si quelqu’un décide de créer le compte François Hollande, personne d’autre ne pourra le prendre
Dead or alive ? Autre galère : si l’on perd sa clé privée, composée d’une série de chiffres et de lettres pouvant allez jusqu’à 26 caractères, il est impossible de la récupérer. Pas même Miguel Freitas qui explique, dans la FAQ de Twister, qu’il serait dans la même galère s’il perdait sa clef perso : en cas de perte de code, son compte – comme celui de n’importe quel utilisateur – serait « bloqué de l’intérieur ». Personne ne pourrait plus l’utiliser. Enfin, même s’il reconnaît l’importance d’un outil comme Twister et son sérieux, Stéphane Bortzmeyer note que le réseaux social décentralisé ne se démarque pas vraiment de Twitter :
« Si l’on veut populariser un réseau social en pair à pair, peut être faut-il inventer une nouvelle forme de communication, comme l’avait fait Twitter à l’époque »
Twister n’est pas la première tentative, menée par des internautes, de créer un réseau social décentralisé. Avant lui, Diaspora devait être le logiciel libre qui remplacerait Facebook. Il y a eu également Status.net ou Indenti.ca. Autant de projets qui n’ont pour l’instant pas décollé, soit parce qu’ils n’ont jamais vraiment été finalisés, soit parce qu’ils n’ont pas su séduire suffisamment d’utilisateurs. Finalement si on squatte les réseaux sociaux, ce n’est pas pour être tout seul !
bqhidden. Peut être faut-il inventer une nouvelle forme de communication
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