10/04/2014

Le projet crowdfunding à faire tourner

Pour quelques dollars de plus : une expo photo sur la vie amoureuse des handicapés

Par Mathieu Molard

Depuis 3 ans Jérôme Deya photographie des couples de personnes handicapées. Des corps « différents » mis à nu pour dire « regardez, on est comme tout le monde ». Pour organiser son expo, Jérôme a besoin de sous… à vos portefeuilles !

1 Que veulent-ils financer ?

Trente tirages et encadrements de photos sur « la vie affective et sexuelle des personnes handicapées ».

2 Combien ça coute ?

3210 euros. C’est le prix, si vous voulez que ça en jette.

3 A quoi ça sert ?

Déjà, c’est beau. Ensuite ça fait réfléchir : ces corps « différents » ressentent et dégagent de la sensualité… comme tout autre.

4 Notre contrepartie préférée

Pour 5€, on a le droit à « un immense merci », et c’est déjà pas mal.

5 Le papa, c’est :

Jérôme Deya , photographe. Il travaille pour la presse généraliste, sociale et plusieurs associations depuis une quinzaine d’années. Il est également co-auteur du livre de photo « 7 ailleurs, un tour du monde du handicap », un état des lieux du handicap dans sept pays du monde.

Alors comme ça, tu fais des photos pornos avec des personnes handicapées ?

Pas du tout, ça n’est pas mon propos et ça ne se retrouve pas dans mes images… Ce sont des photos humanistes. Bien-sûr, sur certaines images, les couples dévoilent leurs corps. Mais on vit dans une société où la sexualité est omniprésente, aussi bien dans la publicité que dans le cinéma. La nudité n’est donc plus vraiment un tabou. Je crois que finalement ce qui créé une gêne chez certains, c’est le handicap plus que la nudité.

Comment t’es venue cette idée ?

Ça fait plus de dix ans que je bosse sur le handicap, non pas parce que j’ai un proche handicapé comme on le suppose souvent, mais simplement parce que c’est une cause à défendre. Les personnes handicapées sont avant tout des personnes, et il se trouve que ces personnes ont un handicap. Toi ou moi, on peut se retrouver dans cette situation demain. Comme tout le monde, les personnes handicapées ont des désirs sexuels, mais souvent on refuse de regarder cette question en face. Il faut encore lutter contre certains préjugés : par exemple dans certains centres, on prend des mesures pour « éviter qu’il ne se passe des choses » entre résidents. J’ai envie de dire, « et alors ? » Ca ne viendrait à l’idée de personne de séparer les sexes dans un club de vacances. Pourquoi en irait-il autrement avec les personnes handicapées ?

Comment as-tu trouvé ces couples ?

C’est un véritable travail de journaliste. Dans un premier temps j’ai fait des recherches sur le web et je suis tombé sur un couple qui postait des photos un peu dénudées. Ensuite j’ai assisté à des conférences sur le sujet où j’ai pu rencontrer des gens venus pour témoigner. Et enfin j’ai contacté des acteurs du monde du handicap. Mais ça a vraiment été un travail de longue haleine. J’ai essuyé des dizaines de refus. Il m’a fallu trois ans pour trouver ces six couples.

A ton avis qu’est-ce qui a motivé les personnes qui ont accepté de poser pour toi ?

Il m’est difficile de parler pour eux. Mais je crois qu’il y a un ras-le-bol d’être mis à l’écart et de susciter des préjugés. C’est sans doute pour certains d’entre eux une manière de dire « regardez, on est comme tout le monde ». Il y a une diversité dans les couples… certains vivent ensemble, l’un se voit occasionnellement, et il y aussi une personne qui a fait appel à une assistante sexuelle.

Tu vas te faire des thunes avec tout ça ?

Pour l’instant, pas vraiment ! Mes photos devraient être exposées dans le cadre du festival « Ma sexualité n’est pas un handicap » (les 25 et 26 avril au Buc dans les Yvelines, ndlr). Je n’en tirerai aucune rémunération, d’autant qu’après le financement des tirages il faudra payer transport et stockage de l’expo. Ensuite j’espère qu’elle pourra tourner ailleurs. Donc pour l’instant ce sont uniquement des dépenses. Mais photographe, c’est mon job, donc je ne serais évidemment pas contre de gagner un peu d’argent dans le futur.

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