Depuis plus de 10 ans, Farid Ghehiouèche participe régulièrement à la Commission des stupéfiants de l'Onu. Sur StreetPress, il témoigne de l'évolution des mentalités dans l'instance onusienne.
Depuis 2003, j’ai assisté à cinq reprises à la Commission des Stupéfiants de l’ONU. Cela me donne une certaine vue d’ensemble, et avec le recul, je suis en mesure d’exprimer aujourd’hui un avis sur l’évolution de la politique en matière de drogues au niveau international.
Du 13 au 21 mars à Vienne se tenait la 57e session de cette commission, principal organe de décision des Nations Unies pour le contrôle de certaines drogues. C’est elle notamment qui peut décider de retirer une substance du tableau des stupéfiants établi par les conventions internationales.
Dix ans après ma première visite, je rentre avec de l’espoir.
Agit-prop En 2003 à Vienne, j’ai organisé avec l’ONG « Encod » la première manifestation internationale devant le siège de la Commission des Stupéfiants (CND). A l’époque, il s’agissait de réviser à mi-parcours la stratégie adoptée en 1998 à New York et dont l’objectif se résumait à son titre-slogan « un monde sans drogue nous pouvons y arriver ». Un frisson m’avait parcouru l’échine en regardant nos ballons chargés de graines de cannabis et de pavot s’élever dans le ciel, au-dessus du Danube. Une belle image qui restera gravé dans ma mémoire, comme celle de la Free Party organisée sur les trottoirs jouxtant les bâtiments de l’ONU, sous l’œil goguenard de la police autrichienne gardant les lieux.
Je l’ai appris plus tard, mais cette année-là, le comité d’experts de l’OMS avait déjà recommandé le changement de classification du cannabis au tableau des stupéfiants. Ce que malheureusement la Commission des Stupéfiants a toujours choisi d’ignorer.
Voix des ONG En 2004, j’obtenais le laissez-passer dans l’enceinte des Nations Unies. Pour la première fois, assez timidement, je tentais d’approcher quelques délégués officiels et de mieux comprendre le fonctionnement de cette Commission des Stupéfiants de l’ONU. Surtout son Office de Contrôle International des Stupéfiants. C’est aussi en découvrant la pauvreté de l’argumentation des « mamies » en charge de l’animation du comité des ONG que j’ai entrepris, avec quelques personnes, de l’investir pour le rajeunir. Nos objectifs : le rendre plus opérationnel en tant que plateforme de dialogue entre les ONG, mais aussi donner à cette coalition une vocation plus militante à l’égard des institutions.
A cette époque, dans ces couloirs onusiens, je me rappelle ma rencontre avec le chef de la délégation française Michel Bouchet. Pour répondre à mes inquiétudes sur l’évolution de la situation de la jeunesse et notamment celle des quartiers dits « sensibles » comme la Goutte d’Or où j’habitais, le représentant de la France osa me rétorquer qu’il y avait « un narcomarketing à la télé poussant à la banalisation de la consommation ». C’était la première fois que j’entendais ce mot, et comme à son habitude la police innovait dans la linguistique pour masquer ses échecs.
ENCOD est une organisation citoyenne basée en Belgique, rassemblant plus de 150 organisations, individus, entreprises fonctionnant en réseau dans l’ensemble des pays membres de l’Union européenne.