03/03/2014

Boulogne Boys, Authentiks... Pierre Barthélemy défend les pestiférés du Parc

L'avocat des Ultras du PSG

Par Matthieu Bidan

2010, le PSG décide de se débarrasser des Ultras, ces supporters à la réputation de hooligans avinés. Depuis un an, Pierre, jeune avocat aussi habitué des travées du Parc que des prétoires enfile la robe pour les défendre bénévolement.

« Ces messieurs ne rentrent pas, vous savez très bien pourquoi ». La scène se déroule le 11 octobre dernier, l’équipe de France reçoit l’Australie au Parc des Princes. Ambiance habituelle pour un match des Bleus : maillots clairsemés et cornes de brume isolés. Pourtant, quelques supporters se voient refuser l’entrée. Des Ultras. Des supporters du PSG qui, pour certains, n’avaient pas foulé les travées du Parc depuis le « Plan Leproux » en 2010. Pierre Barthélemy est parmi eux. 28 ans, dont 14 passés au Parc, « en G », la tribune placée à côté du virage Auteuil. Depuis un an, il est devenu avocat. Quinze heures par semaine, Pierre délaisse la défense des entreprises privées ou publiques pour conseiller des supporters, « en solidarité au mouvement ». Toujours bénévolement.

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« Ce soir-là, on était arrivé avec un huissier et un journaliste. On a voulu montrer que l’on respectait les règles, dans le calme », raconte l’avocat poupin. Pourtant, l’accès est refusé à certains supporters munis de billets, sans justification. « Vous défendez des hommes dangereux », lui aurait même lancé Jean-Philippe d’Hallivillée, le directeur de la sécurité du club. À Monaco il y a quelques jours, comme à tant d’autres matches, le même refus. « Le plan de l’ancien dirigeant du PSG, qui devait être temporaire, s’est transformé en véritable épuration commerciale », estime l’avocat en pull Lacoste.

Le Plan Leproux ? En 2010, suite à la mort d’un supporter, le PSG pré-Qataris décide de faire le ménage dans les virages Boulogne et d’Auteuil. D’un côté, une tribune « blanche » où gravitaient quelques nationalistes adeptes de la violence. De l’autre, un virage cosmopolite où certains antiracistes prenaient place chaque week-end. « Il fallait un plan Leproux, c’était devenu incontrôlable. Mais la responsabilité n’était pas à chercher que du côté des supporters. Les pouvoirs publics et le club ont laissé faire pendant 15 ans », juge Pierre. En guise de contestation, les « historiques » boycottent le Parc, s’estimant la cible de la répression pour quelques amateurs du coup de poing.

Pression, répression

Aujourd’hui, certains continuent à se battre. D’autres ont abandonné. La faute à la pression des autorités selon l’avocat formé à Assas. « C’était un truc de malade ! Les mecs étaient harcelés, ils recevaient des menaces », et des flics « débarquaient chez eux avant 6h du matin, ce qui est complètement illégal ». Le collectif à la pointe de la contestation, « Liberté pour les Ultras », s’est auto-dissous en 2012. « Le gars qui avait créé l’association avait fait une grande école. Il était motivé et sérieux. Mais la répression acharnée, aux limites de la légalité l’a poussé à se retirer. »

Le deuxième objectif du plan Leproux : la dépolitisation des tribunes du PSG. Mais là aussi Pierre est sceptique :

« Ils se sont attaqués aux Boulogne Boys et aux Authentiks, deux associations qui n’avaient rien de politique. »

L’avocat dénonce aussi une forme d’incohérence. « Pour pouvoir s’organiser aujourd’hui, il faut montrer patte blanche à des associations politisées », insiste Pierre. Un discours qui fait référence au collectif « Sportitude », une association missionnée dans les stades de L1 pour lutter contre le racisme et dont les animateurs sont l’Union des Étudiants juifs de France et SOS Racisme.

Ici c’est paris ! / Crédits : Flickr CC.

Justice

Pour l’avocat, qui exerce rue du Faubourg-Saint-Honoré, le « combat » ne se limite pas à la direction du PSG, il est aussi judiciaire et médiatique. « J’essaie de montrer que les Ultras ne sont pas des abrutis avinés », explique-t-il. Mais dans les tribunaux ou à la télévision, l’incompréhension est flagrante. « Va faire comprendre à une magistrate de 70 ans l’esprit du mouvement ultra », ironise-t-il, un peu dépité.

Pierre Barthélemy attend en ce moment le verdict d’une nouvelle affaire. A la fin d’un récent PSG-Marseille au Parc des Princes, un supporter qui portait une écharpe des Authentiks, avait été arrêté par les stadiers, sur ordre de la police. L’écharpe est confisquée et l’homme est interdit de stade. Le motif ? Ce supporter – qui n’a jamais fait partie d’une association – militerait pour la reconstitution des groupes…

Fichage

Prochain dossier pour Pierre Barthélemy, la décision de la CNIL sur la légalité de la « liste noire » du PSG. Le club a mis en place un fichier regroupant les noms de supporters qu’il ne voulait pas voir dans ses travées, sans l’accord de la Commission Informatique et Libertés. Le fichier mélange les interdits de stades et des informations recueillies à partir de contrôles de police et de renseignements des pouvoirs publics, selon les informations de 20 Minutes. La Ligue des Droits de l’Homme s’était même indignée en novembre dernier de l’existence d’une telle liste « d’indésirables ». Pour autant, l’avocat n’est pas dupe quant à ses chances : « On sent déjà l’entourloupe venir ».