Svinkels, Klub des loosers, TTC, La Caution… Le documentaire « Un jour peut-être » donne la parole aux artisans de l'âge d'or du rap alternatif made in France. « L'histoire est assez forte et n'avait jamais été racontée » pointent les réals.
Comment est né ce projet de documentaire sur le rap alternatif ?
Romain Quirot : Je suis réalisateur à la base mais je fais principalement de la pub et des clips. C’était un milieu qui m’intéressait à fond et j’avais envie depuis longtemps de faire un documentaire. Je sentais qu’il y avait un truc à faire avec le rap alternatif, j’avais déjà en tête les protagonistes, l’histoire était assez forte et elle n’avait jamais été racontée. Je me suis dit qu’il fallait que j’en parle autour de moi et donc j’ai été voir Antoine, qui est journaliste.
Antoine Jaunin : Je n’étais pas du tout fan de ce mouvement-là, je le connaissais vraiment pas du tout. J’avais juste été marqué à l’époque par les Svinkels que j’avais au Furia Festival en 2004 où ils s’étaient fait huer par un public qui ne s’attendait pas à voir du rap. Quand Romain m’a parlé du projet, je venais de monter à Paris et je n’avais jamais travaillé dans l’audiovisuel alors c’était une aventure.
Romain Quirot : Et ce n’est pas anodin pour moi d’avoir demandé à Antoine car je suis un grand fan de rap, que ce soit mainstream ou alternatif, et je voulais un regard très neutre sur le sujet.
Pourquoi avoir choisi le titre « Un jour peut-être » pour votre documentaire ?
Antoine Jaunin : « Un jour peut-être » est le titre d’une mixtape de Kerozen, un label crée par Mouloud Achour et La Caution. C’est un disque qui a un peu marqué le départ de ce rap différent. Ils allaient piocher dans des sonorités et des textes différents pour cette époque.
RQ : C’est une mixtape un peu bordélique, pas très cohérente, mais ils avaient besoin à ce moment-là de montrer que ce rap-là existait. Je trouve qu’aujourd’hui ce titre est encore valable et j’aimais cette forme de poésie un peu street. C’est aussi la question à laquelle on avait envie de trouver des réponses dans le documentaire.
Justement, quelle histoire vous vouliez raconter au travers du film ?
RQ : Au moment où on commence le documentaire, ce mouvement est un peu dans le creux. On n’en entend plus beaucoup parler et les groupes se sont séparés. J’avais en tête de raconter l’histoire d’une bande de mecs utopiques. Inconsciemment ils voulaient changer le rap et ils l’ont fait tous ensemble. Finalement malgré une grosse énergie, le truc n’a pas vraiment pris et ça reste un succès relatif. L’idée c’était un peu le Titanic : le bateau part, tout le monde est content mais ils finissent par couler cinq cent mètres plus loin.
AJ : On s’est dit dès le début qu’on ne voulait pas s’adresser à des connaisseurs mais plutôt à des gens qui ont des stéréotypes sur le rap. On ne voulait pas faire un travail de fan mais plutôt montrer qu’à une époque des personnes ont essayé de proposer quelque chose de différent. Aujourd’hui avec le manque de réussite commerciale, beaucoup ont de l’amertume mais l’étiquette de poètes maudits ne déplaît pas à tous je pense. Kerouac disait : « nos chansons gagnent en puissance à mesure que la route se fait plus noire et plus sauvage ».
RQ : On n’avait pas envie de quelque chose qui aurait commencé avec des tags partout, une esthétique hip-hop et des phrases chocs. On voulait poser un regard différent sur des mecs qui avaient fait quelque chose de différent. En France on a encore un rapport spécial avec le rap. Ça vend un max mais ça reste encore l’élève qu’on met au fond de la classe parce qu’on ne l’assume pas trop. C’est l’enfant bâtard.
«Un jour peut-être, une autre histoire du rap français» raconte plutôt l’histoire de… l’autre rap français (bien vu), celui dont les figures de proue s’appellent La Caution, les Svinkels, Triptik, ou Fuzati, bien que les liens entre chacun d’entre eux ne soient pas si évidents que ça.
Le docu de Romain Quirot, Antoine Jaunin et François Recordier sera projeté en avant-première à la Bellevilloise le jeudi 13 février, juste avant un live des artistes du film… et StreetPress vous y invite ! Il suffit de participer ici.
Bonne chance !