Mabrouck Rachedi et Habiba Mahany co-signent La Petite Malika. Le frère et la sœur refusent le statut de porte-voix des banlieues, mais répondent en mode vénère à Hortefeux: «Dans la France d'aujourd'hui, le silence est le courage des lâ
Comme Malika, faut-il être surdoué pour s’en sortir en banlieue ?
Pas forcément. C’était une idée littéraire super intéressante à développer, un angle de romancier. Je ne crois pas être surdoué. Ma sœur, elle, l’est peut-être ! Mais ce n’est surtout pas ce qu’on essaie de transmettre. Quand on fait des interventions scolaires, on a autour de nous des exemples de réussite partout ! Il ne sont peut-être pas spectaculaires, mais ils sont là. Le petit Malik par exemple, était loin d’être surdoué, mais il se posait les bonnes questions dans le livre.
Est-ce qu’on peut dire que vous êtes la voix des banlieues ?
Non, car il n’y a pas qu’une seule voix en banlieue. Nous sommes pluriels, avec des multitudes de parcours. C’est très dur de lutter contre cette idée reçue qu’on est forcément voué à une forme de réussite minorée, voire vouée à l’échec ici. On a tellement construit d’images négatives que les jeunes finissent par se persuader qu’ils n’y arriveront pas. Cela crée des barrières réelles, dans les têtes. Nous justement, on essaie de mettre un coup de pied dans la fourmilière avec des livres.
La petite Malika, l’histoire
« La petite Malika », personnage éponyme dont la mère est persuadée que « précoce » est synonyme de « grossesse», fait suite au « Petit Malik », petit Nicolas des banlieues. Un destin dans lequel certains pourront se reconnaître.
« – Allez ma petite Malika, tout ce qui ne te tue pas te rend plus forte.
- C’est beau ce que vous dites là.
- C’est de Nietzsche, un philosophe allemand
- Trop fort ce Will Smith. »
La petite Malika , de Mabrouck Rachedi et Habiba Mahany, Editions Jean-Claude Lattès, septembre 2010.
Est-ce un livre pour s’échapper de la banlieue… ?
La littérature transcende les frontières et les livres permettent de donner de la profondeur aux événements. Contrairement aux journalistes qui n’ont pas la distance de 230 pages pour développer une idée, les romanciers peuvent rentrer dans la peau des personnages et offrir un regard plus humain. Mais on essaie d’être universaliste, de toucher à l’âme humaine, plutôt qu’à un milieu localisé. On ne fait pas de la littérature de banlieue, parce qu’on ne veut pas être relégués à la périphérie de la littérature.
Vous avez récemment dit : « Le silence est le courage des lâches », pourquoi ?
C’est juste. J’évoquais le climat politique actuel et toute cette situation de stigmatisation. Je pense en particulier aux Roms. L’intolérable a été franchi, avec notamment le discours de Grenoble. On a déjà connu ça en France et ailleurs, quand la majorité silencieuse s’est écrasée devant une majorité agissante. Ne commettons surtout pas la même erreur ! Je veux croire à la version optimiste qui dit qu’on se lèvera tous contre les horreurs qui se passent ici ou ailleurs. La France, malgré tout ce qui passe au niveau politique, reste le pays des droits de l’Homme.
Les auteurs
Mabrouck Rachedi
- Naissance en 1976
- Diplômé d’un DEA en économie, change de carrière
- 2006 : publie Le poids d’une âme
- 2007 : publie Éloge du miséreux
- 2008 : publie Le Petit Malik
- Éditorialiste du journal Métro Le blog de la Nouvelle Racaille Française
Habiba Mahany
- Naissance en 1977 en banlieue parisienne
- Assistante de gestion
- 2008 : publie Kiffer sa race
Vous-même, vous sentez-vous en sursis avec ces nouvelles lois?
Bien sûr ! Surtout quand l’on crée des lois d’exception pour les gens d’origine étrangère, sans préciser ce qu’origine étrangère signifie. C’est une boîte de pandore qu’on ouvre. Alors oui, forcément, on se sent «français en sursis ». Même si on n’a pas l’intention de tirer sur un policier, dans les textes, il y a une voix qui différencie les Français dit «de souche » – je hais cette expression – et nous, même si on se sent complètement intégrés au socle républicain français. Arrêtons cela !
Un message à passer à Eric Besson ou Brice Hortefeux ?
Ce ne sont pas mes meilleurs amis! A Éric Besson, je dirais : « M. Besson, vous étiez au parti socialiste. Vous êtes né et avez grandi au Maroc, et là, je vous félicite, vous êtes marié à une tunisienne. Vous ne pouvez pas renier votre passé, comme ça, sur un claquement de doigts ! J’espère un sursaut républicain de votre part ». Pour ce qui est de Brice Hortefeux, je suis désolé, mais je n’espère plus rien! Je voudrais cependant lui dire que je me sens beaucoup plus auvergnat depuis qu’il a prononcé cette fameuse phrase!
« Brice Hortefeux […], je voudrais lui dire que je me sens beaucoup plus auvergnat depuis qu’il a prononcé cette fameuse phrase! »
Source: Géraldine Clermont et Bertrand Renaut | StreetPress
Crédits photos: Géraldine Clermont | StreetPress
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