Nous sommes en 2013 et la recette du film X qui met en scène des infirmières paye toujours. « H », le magazine des jeunes médecins, s'est demandé pourquoi ce fantasme kitsch faisait de la résistance.
A regarder de près la filmographie du réalisateur X Hervé Bodilis, le fantasme de l’infirmière fait toujours recette dans l’univers de la pornographie. « Infirmières par derrière », « Infirmières et salopes », « Petites infirmières en chaleur » ou encore « L’étudiante infirmière »: Depuis 2002, c’est plus d’une douzaine de films mettant en scène du personnel médical qu’Hervé Bodilis – signé chez Marc Dorcel – a dirigé dans ses longs métrages.
Le réalisateur souffre-t-il d’un cruel manque d’imagination pour radoter les mêmes scénars ? Ou peut-être qu’il a la maladie d’Alzheimer ? « Et les films de zombies, ce n’est pas cliché, ça aussi ? », tance Hervé Bodilis de sa voix haut-perchée, quand « H » lui passe un petit coup de fil. Avant d’ajouter : « Le cinéma, d’une façon générale, retraite les choses au goût de l’époque. On a même ressorti un King Kong il n’y a pas longtemps. »
Eternel – Car malgré le kitsch notamment des uniformes années 1950, le fantasme de l’infirmière est une valeur sure pour les amateurs de porno et les producteurs. Chez Marc Dorcel, sur les 24 films que la boite de production sort par an, un est dédié aux infirmières, explique Bodilis. Même les fans les plus pointus de pornographie ne se lassent pas de ce fantasme pourtant vu et revu. « Il n’y a pas de fantasmes ringards. Les fantasmes c’est éternel ! », s’enthousiasme Stephen Des Aulnois, qui tient le webzine consacré à la culture porn Le Tag Parfait. « Une prof ce sera toujours excitant, même dans 200 ans. Et c’est pareil pour une infirmière. »
Les ressorts qui rendent le fantasme de l’infirmière « éternel » ? « Quand t’es en caleçon devant ton médecin, tout pourrait déraper. Mais ça n’arrive jamais, et le fait que ça n’arrive jamais, ça créé un fantasme », analyse Stephen Des Aulnois. Hervé Bodilis a lui des souvenirs émus de l’infirmière scolaire de ses années collèges : « C’est la première femme qui vous touche, et qui n’est pas votre mère. A l’adolescence, elle regarde si tout est bien tombé. On est dans un endroit clos où pour la première fois on se déshabille devant une femme. »
Un fantasme auquel – en plus de l’uniforme – on peut ajouter le rapport de soumission entre le patient et l’infirmière. « Moi quand une infirmière me fait un toucher rectal, j’ai plutôt l’impression d’être dominé », s’amuse Hervé Bodilis. Le vétéran du porno croit aussi savoir que « les infirmières baisent beaucoup avec les médecins », ce dont il se sert pour les scénarios de ces films : « Comme le médecin est plus expérimenté par son savoir et son âge, ça permet de mettre en scène un rapport hiérarchique vis-à-vis de la mademoiselle. »
« H » le magazine des jeunes médecins, réalisé avec le concours de StreetPress, s’intéresse dans ce numéro d’été au sexe, un sujet récurrent dans les conversations des internes… A lire également dans le magazine : un grand entretien avec le professeur et député Bernard Debré, toute l’actu médicale, la sélection culture, les jeux de l’été… A retrouver dans la salle d’attente de ton service d’oncologie ou par abonnement à abonnement@magazineH.fr. Et sinon l’e-mag est consultable par ici.
Questions pratiques – Mais si le porno se saisit autant du fantasme de l’infirmière, c’est aussi pour des questions pratiques. D’un point de vue scénaristique d’abord, le stéréotype de l’infirmière permet de « planter le décor » en un coup d’œil : « Un uniforme d’infirmière, un malade et c’est fini ! Ce sont des codes qui sont simples de compréhension. Par exemple sur du porno Gonzo, il faut savoir où on est en 2 secondes », explique Stephen Des Aulnois.
Réaliser des films d’infirmière, c’est aussi avoir des décors sympas pour trois francs six sous. Rien de plus facile que de transformer un lit mainstream en lit d’hôpital : « il suffit de ne pas voir les pieds et d’avoir les bons draps », dixit Bodilis qui rappelle que les films d’infirmière « ne sont pas des supers productions ». Les producteurs ont aussi dans le répertoire de leur iPhone des amis médecins souvent prêts à leur faire une faveur. Jointe par H, l’actrice X Anna Polina se souvient d’avoir tourné le film « La Dentiste » dans un vrai cabinet dentaire. Bodilis s’est lui fait prêter le bloc opératoire d’un hôpital de chirurgie esthétique par « un docteur qui s’occupait des nibards des actrices » : « Forcément dans un bloc opératoire, les personnages sont plus crédibles et en termes de réalisation, tu t’éclates plus ! »
Un uniforme d’infirmière, un malade et c’est fini ! Ce sont des codes qui sont simples de compréhension.
Bondage – Que ce soit de l’aveu de d’Hervé Bodilis ou du pornophage Stephen Des Aulnois, avec l’arrivée « des tubes » les scénarios ont de plus en plus tendance à disparaître des productions pornographiques. « On travaille beaucoup plus à la scène, avec un mode de production très différent », explique le réalisateur. Le résultat : beaucoup moins de films avec des « thématiques de fantasme ». Si Dorcel produit un film d’infirmière par an aujourd’hui, ce n’était pas le cas dans les années 2000 où il y a en avait « au moins 5 ou 6 ». Bodilis : « Il y a plus une envie d’être dans le réel que dans ce qui fait faux. »
« Les tubes » ont à l’inverse facilité l’accès à d’autres thèmes qui surfent sur les fantasmes médicaux et qui étaient jusque-là underground. Sur YouPorn ou PornHub, on ne compte plus les vidéos qui mettent en scène des actrices lors de faux examens gynécologiques. Au menu : coloscopies, speculum et exploration vaginale. « Il y a aussi beaucoup de films où il utilisent des écarteurs de bouches de dentistes », ajoute Stephen Des Aulnois. « Mais tout ça, c’est un fétichisme BDSM. »
bqhidden. Dans les années 2000 Dorcel produisait 5 ou 6 films d’infirmière par an.
- Contre enquête /
- Cinéma /
- Critique ciné /
- sexe /
- H magazine /
- infirmières /
- Marc Dorcel /
- Anna Polina /
- Hervé Bodilis /
- fantasme /
- Le Tag Parfait /
- Culture /
- A la une /