Jusqu’où s’étend l’influence des milices Al-Shabbaab, à l’origine des attaques depuis 10 jours, sur la Somalie ?
Les milices Al-Shabbaab contrôlent presque 50% de l’ancienne Somalie italienne: La partie centre et sud du pays [A distinguer de l’ancienne Somalie britannique , qui représente le nord du pays, ndlr].
Qui contrôle le reste du pays ?
La plupart de ce qui reste est contrôlé par le gouvernement indépendant du Puntland, plus au Nord de la Somalie Italienne.
Enfin, d’autres parcelles du territoire sont contrôlées par des groupes n’appartenant pas à Al-Shabbaab, comme par exemple, la zone indépendante du Galguduud, prise en main par les soufis. Et quelques zones sont contrôlées par Hizbul Islam, une organisation islamiste extrémiste qui était auparavant alliée à Al-Shabbaab et s’est aujourd’hui séparée.
Donc quel pourcentage du territoire est contrôlé par le Gouvernement fédéral de transition ?
C’est difficile de donner un pourcentage. Mais il est assurément très faible. C’est moins de la moitié de Mogadiscio [la capitale, ndlr]. Le Gouvernement fédéral de transition (TFG) contrôle également certains territoires à la frontière éthiopienne mais ce contrôle n’est tenable que grâce à l’aide de l’Ethiopie.
On parle de 5% de la Somalie sous la houlette du TFG…
C’est autour de 5%. Oui.
Deux semaines de violences à Mogadiscio
Mardi 24 août, 31 personnes dont 6 parlementaires étaient tuées par l’attaque des Shebabs à l’hôtel Mona, dans la zone de la capitale somalienne contrôlée par les forces gouvernementales. Depuis, les violences continuent – Al-Shabbaab une nouvelle guerre « massive » : Samedi dernier, 11 civils trouvaient la mort alors que les combattants d’Al-Shabbaab tentaient de prendre le contrôle d’une route de Mogadiscio. Et lundi, 6 civils étaient tués dans de nouveaux combats. Le président somalien lançait le même jour un appel à l’aide à la communauté internationale.
Vous avez travaillé dans la Corne de l’Afrique, notamment comme ambassadeur. Comment les Etats-Unis suivent-ils les événements en Somalie ?
La plupart des Américains ne prêtent pas attention à ce qui se passe en Somalie. C’est loin et ce n’est pas une question essentielle dans la politique étrangère américaine.
Le gouvernement américain, lui, s’intéresse à la question, parce que c’est lié aux préoccupations concernant les éléments terroristes qui viennent du Moyen Orient et d’ailleurs et qui pourraient s’emparer d’une partie de la Somalie, si ce n’est pas tout le pays.
Il y a aussi la question de l’instabilité du pays et de l’impact du conflit sur la situation humanitaire avec des civils qui ont besoin d’une aide alimentaire d’urgence et d’une assistance médicale. Enfin, ce qui préoccupe les Etats-Unis, c’est l’impact du conflit sur la région. Si Al-Shabbaab prenait le contrôle de toute la Somalie, cela aurait de fortes répercussions sur les pays frontaliers : le Kenya ou l’Ethiopie.
David Shinn
David Shinn a servi comme ambassadeur américain en Ethiopie sous l’administration Clinton et également au Burkina Faso. Il a servi au Département d’Etat comme coordinateur pour la Somalie lors de la première intervention internationale dans le pays au début des années 1990. Aujourd’hui, il enseigne les relations internationales à la George Washington University (Washington DC) et est aussi un UN Global Expert.
Concrètement, comment les Etats-Unis agissent-ils en Somalie ?
Les Etats Unis supportent financièrement le TFG mais l’aide la plus importante va à l’ Amisom- , [la mission de l’Union Africaine en Somalie, ndlr]. Sans l’Amisom et ses plus de 6.000 soldats, je pense, qu’il serait juste de dire, que le gouvernement transitoire serait tombé.
Et puis je suis sûr que les Etats-Unis suivent de très près la situation via le renseignement. Les Etats Unis n’organisent aucun entraînement pour les milices, ou les forces de sécurité du gouvernement TFG, mais les soutiennent les entraînements financièrement. Les formations de soldats ont lieu en Ouganda ou à Djibouti, principalement avec la logistique de l’Union Européenne.
Avec les attaques d’Al-Shabbaab la semaine passée en plein Mogadiscio, est-ce que les USA ne sont pas en train de perdre cette guerre contre les extrémistes islamistes ?
Vous pouvez le lire comme ça. Mais ce qui est important, c’est que ce n’est pas juste les Etats-Unis, mais également les Nations Unies, l’Union africaine, la Ligue arabe… Toutes ces organisations soutiennent d’une manière ou d’une autre le gouvernement transitoire. L’Union Européenne et les Etats unis sont ceux qui fournissent l’essentiel du soutien financier. Mais ils opèrent main dans la main, et avec la bénédiction de l’Union Africaine et des Nations Unies.
Donc l’UE, les USA, l’Onu, la Ligue Arabe et l’Union Africaine, sont donc – ensemble – en train de perdre la guerre contre Al-Shabbaab !
Dans l’état actuel des choses, c’est vrai. Al-Shabbaab est très bien organisé, avec toutes sortes de méthodes, comme les assassinats politiques et les attaques suicides, qui lui confèrent un avantage certain.
Comment la communauté internationale devrait-elle réagir ?
Les entraînements des soldats du TFG devraient être beaucoup plus efficaces que jusqu’à présent. Les 6.000 soldats qui ont été formés ne sont pas forcément loyaux au gouvernement de transition. Il y a eu des affaires de corruption. Il y a aussi eu des couacs dans le paiement de leurs soldes.
Au final, tout est une question de suivi : il faut un centre de centre de commandement intégré, des gens payés dans les temps, s’assurer que les soldats sont prêts à se battre et mourir pour le TFG. Si la communauté internationale espère battre Al-Shabbaab, il faut qu’elle accompagne les soldats à la suite de leur formation, quand ils retournent se battre en Somalie.
«Sans l’Amisom et ses plus de 6.000 soldats, je pense, qu’il serait juste de dire, que le gouvernement transitoire serait tombé»
Source: Leïla Yaker, Johan Weisz | StreetPress
Photo: Stephen Taylor
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