Etonnant spot pour une session graff : des bombes de peinture, des embouts, quelques marqueurs…et un berceau. L’art de rue vient taper l’incruste dans la minuscule chambre de Charlie qui vient de fêter ses deux mois. Le parquet ancien qui donne tout son cachet à la pièce est couvert de papier journal à côté de draps qui viennent protéger le mobilier des éclaboussures. Marko sélectionne sa poignée de bombes de peinture qui serviront à graffer le nom du bébé. En s’inspirant de jouets et de petits meubles, il trouve différentes nuances de roses et de jaunes qui serviront à recouvrir harmonieusement le mur blanc. Des couleurs « douces et sucrées » qui seront projetées à la manière d’un graff de rue. A la différence qu’ici, on se trouve à deux pas de la gare de l’Est dans l’appartement cosy d’Antoine et Zoé, à décorer la chambre où leur fille fait ses courtes nuits.
Délire Marko 93 est un street-artist qui jouit d’une jolie notoriété. Ses photos prises d’après la technique du « light painting » l’ont emmené sur les 5 continents et sont régulièrement exposées en galerie. C’est aussi lui qui a retapé l’ancien immeuble de douane à Pantin, une des dernières grosses friches encore (presque) dans Paris. Son dernier projet en date, le quadra au look de cainri, l’a intitulé « J’irai graffer chez toi » d’après le nom de l’émission d’Antoine de Maximy. Lors d’un vernissage, Marko s’était mis à taquiner le plus gros squatteur du Paf : « Je l’ai senti égaré après lui avoir dit que j’irai graffer chez lui ! » Mais derrière la vanne, le concept était né. Un soir, sur un coup de tête, Marko craque et fait partager son délire à ses amis Facebook :
« Je vous fais des décos gratuites pendant un mois… Mais SVP ne me demandez pas des Spiderman, des PSG, des OM, des bisounours, des Barça, des Superman ou tous vos super héros… juste mon style… »
Il recevra plus d’une centaine de demandes.
Je vous fais des décos gratuites pendant un mois… Mais SVP ne me demandez pas des Spiderman, des PSG… Juste mon style…
Friend request « J’étais en train de donner le biberon à Charlie quand je vois sur Facebook le fameux statut de Marko. J’ai répondu direct pour graffer la chambre de mon bébé qui venait de naître », se remémore Antoine. Dans ce couple de trentenaires, le papa travaille dans l’événementiel et la maman est commerciale dans une société de service informatique. Antoine a bossé avec Marko il y a quatre ans sur un projet de light painting pour une grande marque de moto. Depuis, il suit les travaux de l’artiste sur Internet.
Mais Marko assure qu’il n’y a eu aucun favoritisme : il a sélectionné les plus rapides à répondre et surtout ceux qui lui donnaient carte blanche. En 1 mois, 5 chanceux ont eu le droit d’avoir une œuvre de l’artiste sur leurs murs. Il s’arrêtera au dixième avant peut-être de recommencer pour une prochaine session.
J’étais en train de donner le biberon à Charlie quand je vois sur Facebook le fameux statut de Marko.
Projet Qu’est-ce qui amène une référence du street art à décorer bénévolement l’appartement de ses amis Facebook ? « C’est peut-être un prétexte pour rencontrer les gens et tatouer leur intimité », s’auto-psychanalyse l’intéressé, qui impose une seule consigne aux heureux élus : lui faire confiance. Mais il y a aussi une part de défi dans ce « délire ». Marko doit improviser et s’adapter à des surfaces pas toujours évidentes.
Après 2h30 de couleurs crachées au mur, de pauses pour se réoxygéner et de quelques sushis généreusement offerts par la famille, le graffiti est enfin terminé dans l’appartement. Le prénom « Charlie » prend toute la largeur du mur devant lequel le bébé pourra s’endormir sous le signe du 93. Le graff est vaporeux avec un effet de voile agrémenté de nuages. Antoine qui rentre le premier du boulot ne lésine pas sur les compliments : « Les couleurs sont douces, agréables, le lettrage ressort en blanc : c’est à la fois percutant, lisible sans être agressif. Bref, c’est une grosse tuerie ! »
Et si devant le succès de son délire, Marko lançait une opération plus organisée, avec sponsors et tout le toutim ? Le graffeur reconnaît vouloir faire évoluer son projet : « Vu la résonance et les nombreuses réponses de toute la France que j’ai reçues, je suis convaincu que cela pourrait aller plus loin. »
« Les couleurs sont douces, agréables : c’est à la fois percutant, lisible sans être agressif. Bref, c’est une grosse tuerie ! »
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