Avec sa statue à l’effigie de R2D2, le célèbre droïde de Star Wars, postée à l’entrée, à deux pas de la fontaine de la place du Châtelet, le « Dernier bar avant la fin du monde » ne passe pas inaperçu. Histoire de vous certifier que vous ne vous êtes pas trompé d’endroit, le troquet de la rue Victoria vous accueille avec une alcôve grillagée où s’entassent une épée, une baguette magique et un sabre laser. Et une inscription, « Laissez vos armes ».
Voilà pour le décor du « Dernier bar avant la fin du monde ». Un bar de geeks, même si les patrons préfèrent parler des « cultures de l’imaginaire ». Avec un plan com’ bien huilé et en surfant sur la mode, il a réussi à s’imposer en quelque mois dans la communauté des fans d’heroic fantasy, de manga et de SF. Même s’il ressemble beaucoup à un de parc d’attractions pour grands enfants.
Ambiance « - Bonjour, il vous reste une table pour six ? – Là, tout de suite, non. ». 19h30 un mardi soir, un groupe d’amis vient de se faire refouler et doit attendre sur le trottoir qu’une table se libère. Ouvert il y a moins d’un an, « Le dernier bar avant la fin du monde » fait un petit carton. Avec plus de 3.500 clients par semaine, les 450 m² sur trois niveaux du lieu ne suffisent plus pour accueillir les hordes de fanas d’heroic fantasy et de mordus de SF.
Ici les clients viennent autant pour l’ambiance du bar que pour observer les gens qui le fréquentent. Il n’est pas rare de voir des fans de Star Wars déguisés en Sith ou le champion de France de cartes Magic’s taper le carton avec ses potes. « Il y a plein de gens extravertis, on vient un peu pour le spectacle en fait », s’amuse Carine, quadragénaire venue avec son mari pour accompagner leur fils de 12 ans.
Mathieu, la vingtaine tout en lunettes, se revendique, lui, « gamer ». Il loue l’ambiance du spot : « Ils ont réussi à créer une identité avec des trucs tout cons, comme le nom des cocktails. Ça attire les curieux et les mordus. » Quelques tables plus loin, Alexie, attablée avec son amie Margaux, a commandé un Fulguro Poing, « une manœuvre dans Goldorak. » À peine majeures, elles font partie du cœur de cible du bar. « J’ai découvert cet endroit lors de la Japan Expo [un salon consacré à la culture manga, ndlr]. Ils distribuaient des prospectus intitulés “Rejoignez la force”, j’ai tout de suite accroché. »
Roi de la nuit Le succès du bar repose sur un concept : « Nous sommes plus qu’un bar, nous sommes un espace culturel », avance Thomas Rochefort, un des serveurs qui traîne sa silhouette déguingandée et son t-shirt délavé derrière le comptoir. Avant de claironner : « Nous sommes une ambassade de la culture geek. » Le lieu organise régulièrement des expos, des démonstrations de nouveaux jeux et une boutique pour acheter des figurines.
Mais s’il cartonne autant – les proprios prévoient plus d’un million de chiffre d’affaires à la fin de l’année – c’est surtout parce que c’est une très grosse machine. Derrière « Le dernier bar avant la fin du monde », il y a Addy Bakhtiar, un des « rois de la nuit parisienne ». Le spot est une des dernières acquisitions du businessman qui possède déjà le Showcase, Chez Moune ou encore le Regine’s. Avec son argent, il a rénové cette ancienne galerie d’art, sous les arcades du Théâtre du Châtelet en plein centre de Paris. Thomas, le serveur de se féliciter : « Quand tu mets les moyens dans un projet, c’est normal que ça marche »
Ils ont réussi à créer une identité avec des trucs tout cons, comme le nom des cocktails
Nous sommes plus qu’un bar, nous sommes un espace culturel
Crédibilité Mais que vient faire un businessman chez les geeks ? Sollicité par StreetPress, Addy Bakhtiar n’a pas donné suite à nos demandes d’interview. David Peyron, docteur en sciences de l’information et de la communication, et auteur du livre Culture Geek, met, lui, en avant que les fans de SF sont « une niche » qui génère des revenus « depuis qu’elle s’est démocratisée. » Et d’illustrer ses propos par l’exemple « des sites de rencontres pour les geeks. » Au « Dernier bar avant la fin du monde », le prix des consos est d’ailleurs assez élevé : comptez en moyenne 10 euros pour un cocktail sans alcool.
« Certains, parmi le public visé, nous disent : “On en a marre que vous nous preniez pour des vaches à lait.” Mais ils arrêtent quand ils découvrent le bar et se rendent compte que nous ne sommes pas dans une logique d’exploitation. On n’incite personne à boire », se défend Cedric Littardi, associé sur le projet d’Addy Bakhtiar. Ami d’enfance de l’homme d’affaire, il est à la tête de Ynnis Interactive, studio d’animation qui produit notamment la nouvelle saison des « Mystérieuses cités d’or ». Il a aussi cofondé le magazine pionnier de la culture manga, AnimeLand en 1991. De quoi asseoir sa street-credibility auprès de tous les fans de Cowboy Bebop de France.
Disneyland Car malgré un aspect Disneyland assumé par l’équipe, « Le dernier bar avant la fin monde » s’est fait adopter par une partie de la communauté geek. David Peyron, qui fréquente le bar de temps à autre, n’a rien à reprocher à la team :
« Les gens qui viennent dans ce bar ne sont pas dupes. Ils voient bien l’aspect marketing. Mais l’équipe possède une crédibilité et le bar n’est pas juste un décor. »
Crédibilité toujours, Thibaud Villanova, le responsable des partenariats, s’est tatoué sur l’avant-bras un symbole de la triforce issu… du jeu vidéo Zelda. Pendant que retentissent dans le bar les premières notes de la BO de Star Wars, Thomas le serveur se prend à rêver « d’ouvrir d’autre bars, à Paris ou ailleurs ». « Pourquoi pas New York ? », renchérit Thibaud. Plus qu’un spot au Japon et la comparaison avec Disneyland sera vraiment fascinante.
On en a marre que vous nous preniez pour des vaches à lait
bqhidden. Pourquoi pas New York ?
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