Mardi, Paris 8e – Absent lors de la présentation des résultats annuels de Free la semaine dernière, Xavier Niel est cette fois-ci bien là. Mieux, il a prévenu tout le monde du « lancement d’une initiative personnelle » et invité les journalistes, sans en dire plus sur la teneur de son projet. Résultat : Deux dizaines de journalistes ne savent pas pourquoi ils sont là… mais ils sont là !
A 10h45, le boss de Free entre dans la salle de cinéma du siège de l’entreprise, à deux pas de la Madeleine. Applaudissements nourris pour la star, des fans semblent (aussi) avoir fait le déplacement. Les projecteurs tournoient au-dessus des têtes du public, assis dans de confortables sièges en cuir rouge. Une musique de film d’action accompagne la descente des marches de Xavier Niel. Trois anciens responsables d’Epitech (une école d’informatique parisienne) débauchés par Xavier Niel lui emboitent le pas : Nicolas Sadirac, Kwame Yamgnane et Florian Bucher prennent la pose aux côtés du patron de Free qui se laisse mitrailler par les photographes. Ils se tiennent par les épaules, grand smile. Xavier Niel prend le micro. A peine cinq minutes sont passées qu’il évoque déjà le modèle Steve Jobs.
« Dans les entreprises, on a besoin d’informaticiens : on ne les trouve pas. La plus grande difficulté, c’est d’avoir des talents », assure le fondateur de Free. Pour lui l’écosystème actuel ne permet pas de faire émerger des « petits génies de l’informatique » made in France. Voilà pourquoi il lance « 42 », en référence à l’auteur de science-fiction Douglas Adam, une formation complètement gratuite. « On ne peut pas laisser la France dans cet état. Il faut des initiatives privées », poursuit-il.
Nicolas Sadirac, jusqu’à il y a peu directeur d’Epitech, prend le micro : « Le système tel qu’il est structuré ne peut conduire qu’à créer des gens standardisés ». Pour le barbu aux allures de Peter Jackson, « la connaissance n’est plus importante. On peut aujourd’hui tout trouver sur Google. Il faut être capable d’inventer !»
On ne peut pas laisser la France dans cet état. Il faut des initiatives privées.
« Révolutionnaire » Dans une présentation interactive, entrecoupée de témoignages diffusés sur l’écran de cinéma de vedettes de l’informatique, comme Bill Gates, Xavier Niel joue au jeu des questions/réponses avec ses associés. L’occasion pour Florian Bucher d’apporter des précisions : « L’école sera ouverte 24h sur 24, 7 jours sur 7. Les élèves auront à disposition la meilleure infrastructure possible aujourd’hui. »
La formation doit se tenir dans un immeuble de plus de 4 000 m², dans le 17e arrondissement de Paris. Elle devrait durer entre trois et cinq ans. 1 000 jeunes, âgés de 18 à 30 ans, en bénéficieraient chaque année. Au cas où son auditoire n’aurait pas encore bien compris, Xavier Niel enfonce le clou :
« Il faut une approche complètement différente et que nous qualifions de révolutionnaire. On va faire quelque chose qui soit tout sauf une école. On va passer d’un apprentissage individuel à un apprentissage collectif. L’objet est de fabriquer une école 2.0, peer to peer. »
Il faut une approche complètement différente et que nous qualifions de révolutionnaire. On va faire quelque chose qui soit tout sauf une école.
Groupies « Je voudrais vous féliciter d’avoir des initiatives comme celle-là, parce que sinon tout est bloqué », s’exclame la journaliste du site Petit Web, en parfaite groupie. Les journalistes de l’AFP ou de La Tribune se montrent eux plus terre à terre et demandent comment cette formation totalement gratuite sera financée. C’était pourtant simple : « Par moi-même », répond Xavier Niel. La structure devrait coûter 20 millions d’euros au démarrage puis 50 millions sont prévus pour les dix ans à venir, explique le patron de Free.
Face aux interrogations, Xavier Niel précise aussi que cette nouvelle formation ne concurrencera en rien l’EEMI, une école formant des métiers du web dont il est l’un des fondateurs : « Les formations sont plus proches du métier de webmaster à l’EEMI. Ce sont vraiment deux formations différentes ».
La structure devrait coûter 20 millions d’euros au démarrage puis 50 millions sont prévus pour les dix ans à venir
Pas de diplôme Pour l’heure, aucun partenariat n’est encore prévu pour « 42 ». Selon Nicolas Sadirac, « la formation n’a pas pour objectif de desservir un diplôme ». Il ne faudra donc pas compter sur « 42 » pour avoir une équivalence de diplôme reconnue par l’Etat.
Pas contents Ionis Education Group, un groupe d’enseignement privé qui compte une vingtaine d’écoles en France dont Epita et Epitech (d’où Niel a débauché le directeur, le directeur adjoint et le directeur technique), s’est empressé d’envoyer un communiqué de presse pour « saluer le projet de Xavier Niel »… et rappeler que « les principes fondamentaux de cette formation ont été créés et mis en place au sein de l’Epita et d’Epitech depuis très longtemps et [qu’] ils sont repris dans ce projet ». Sauf que pour 5 ans de scolarité dans une école privée comme Epitech, c’est plus de 30.000 euros.
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