Jeudi 29 avril, 14h30: un vent de folie souffle sur le 69 bis rue Armand Carrel, siège de la rédaction de StreetPress. Deux journalistes téméraires s’apprêtent à être envoyés dans une heure au plus près de la Jet-Set mondiale: La chaîne musicale M6 Music Club nous a invités à passer une soirée en compagnie du DJ superstar Bob Sinclar (diner + accès au backstage) pour son mix à la Fabrik , célèbre boîte de nuit de Lille.
Les paris sont pris: « Moi je suis sûr que Robin, il va se faire recaler avec ses baskets pourries ! », lance une stagiaire qui prend la confiance. Benjamin appréhende, « Je ne tiens pas l’alcool ! Deux bières et j’ai la migraine» et Jacques Torrance, le chef d’édition offline se fait envieux: « Il va y avoir trop de meufs mignonnes !» Une seule question émerge pourtant clairement de l’esprit incorruptible des « journalistes » de StreetPress: Bob Sinclar est-il un artiste, ou seulement un panneau publicitaire?
L’opération Bob Sinclar dans ton club avec M6 Music
Homme-sandwich, c’est bien une des fonctions du DJ à la dégaine de surfeur brésilien depuis son association avec la Star Ac et TF1 en 2005. La prestation de ce soir ne déroge pas à la règle: il s’agit de la dernière étape de l‘«opé Bob Sinclar dans ton Club avec M6 Music Club» un jeu-concours organisé par M6 sur Facebook pour faire venir le mélomane des platines dans ta boîte préférée.
Le club gagnant c’est La Fabrik de Lille qui a réuni 18.700 fans – en concurrence avec La Fabrik de Bordeaux et La Fabrik d’Aix. «L’opération dans ton club, ça a fait comme une vrai trainée de poudre! 2,2 millions de personnes ont reçu les invitations, 1.500 Events Facebook se sont constitués, et 500.000 utilisateurs ont répondu positivement» se félicite Yann Geneste, le directeur du bouquet des chaînes musicales de M6, à l’origine de l’opération de « marketing viral ».
Objectif de M6 : la synergie de la chaine avec la culture clubbing
Après avoir bossé au service de com’ des Girondins de Bordeaux – toujours dans la grande famille M6 – Yann est un peu le Golden Boy de M6 Music: Il a réussi à faire gagner 114% d’audience en remplaçant M6 Music Rock, par M6 Music Club en 2009. Alors que notre bus s’engage sur la A1, en direction de Lille, il détaille très posément les ambitions de la chaine: « cette opération doit véhiculer partout la marque M6 Music et nous associer avec la Star Bob Sinclar. On construit un réseau pour ‘brander’. C’est la première étape pour exister au-delà du média TV ».
J’ai créé un personnage qui fait partie des artistes bankable. Je trouve ça fabuleux
« Brander » ça veut dire sponsoriser une activité, hors de son secteur traditionnel, pour développer une marque. Aujourd’hui, l’objectif de la chaine, c’est la synergie de M6 à la musique de Bob Sinclar, histoire d’être incontournable sur le marché du clubbing.
Sinclar-Solveig-Guetta: Les DJ qui sont des marques
Diapo L’album photo du road-trip
Pour ce faire, M6 monte une Dream Team de « l’esprit club », version électro du Real Madrid de Florentino Perez. « On a créé un cercle vertueux avec des gens qui symbolisent les valeurs de M6 Music Club. Et le triptyque, on le connait: Guetta – parrain de M6 Music – Solveig et Sinclar, déjà animateur sur la chaîne », analyse Yann dans sa chemise bleu décontractée. Il ajoute: « ce sont des DJ qui sont des marques.»
Démonstration par l’exemple: en direct au même moment dans le bus sur Contact FM, la radio jeune de la région lilloise, Sinclar fait le job quand le très gai animateur lui rappelle qu’il mixe ce soir à la Fabrik: « D’ailleurs il y aura des gens de M6 Music tout à l’heure. C’est aussi pour ça que je suis là: La soirée de M6 Music Bob Sinclar dans ton club ». L’équipe de M6 qui squatte le fond du car applaudit: « Bravo Bob! Il est trop fort! »
Un personnage sur lequel on peut faire du marketing
Quand Bob rejoint le M6 Squad au restaurant L’Atelier de Lille, ses premiers mots sont pour le directeur de M6 Music: « On a fait un belle opé t’as vu? ». Yann est tout sourire: « Oui! M6… M6 Music… Club!» rigole t-il en serrant la pince de Bobby.
Ah il les enchaîne ! Comment il peut faire ça ! Même le résident il fait mieux !
En fait la réponse à notre question n’était vraiment pas bien difficile à trouver: Bob est ravi de participer à la synergie de la chaîne avec la culture clubbing. « J’adore ce genre d’association d’image. C’est fantastique !» explique t-il à StreetPress, lorsque nous arrivons à lui mettre le grappin dessus en coulisse. Le tutoiement facile mais l’œil taciturne, il poursuit: « Des annonceurs pensent qu’ils peuvent tirer des bénéfices d’une association avec la marque Bob Sinclar. J’ai créé un personnage qui fait partie des artistes bankable, c’est-à-dire de ceux qui véhiculent une image positive sur lesquels on peut faire du marketing. Je trouve ça fabuleux ».
Un échange de promo M6 Music VS Made In Jamaica, le dernier CD de Bob
Bob qu’est-ce qu’il gagne dans tout ça? Yann Geneste de M6 Music assure que « le DJ n’est pas rémunéré pour ses prestations événementielles». En fait il s’agit d’un simple échange de bons procédés marketing: « Ils pensent qu’ils vont faire de l’audience avec mon nom. Pour moi c’est une fantastique opération marketing», répond de son côté Bob Sinclar.
Underground, je trouve ce mot détestable. Moi j’ai changé d’horizon et je fais de la musique pour les gens
Question promo, M6 assure avec le succès de l’opération Facebook, des vidéos clips et des reprises dans la presse. La boite de nuit s’est, elle, chargée de créer pour l’occasion des cannettes de Red Bull à l’effigie du DJ vedette. A point nommé pour la sortie de son dernier album Made In Jamaïca, un best-of de ses hits re-joués par des musiciens reggae.
De toute façon Bob insiste: « Underground, je trouve ce mot détestable. Moi j’ai changé d’horizon et je fais de la musique pour les gens ».
« Il est en train de me griller ! Mais qui l’a briefé putain?! »
Mais en backstage, la star s’énerve quand elle entend DJ Kaio, le DJ de M6 qui s’occupe de la première partie, balancer Love Generation: «Ah il les enchaîne ! Comment il peut faire ça ! Même le résident il fait mieux!». Son équipe tente de le calmer mais Sinclar est maintenant hors de lui: «Il est en train de me griller ! Mais qui l’a briefé putain ?!»
Dénudé de sa playlist, il craint pour sa prestation du soir. Nous on en vient, du coup, à douter de son talent. Surtout que derrière les platines, il enchaîne des bootlegs douteux à base de Eye of the Tiger, Queen ou même Don’t Want No Short Dick Man, le hit gay-friendly des 90’s de 20 Fingers.
« Ah il assure ! C’est tout un métier ! »
Bob Sinclar en 7 dates
- 10 Mai 1969: Naissance de Christophe Le Friant à Paris
- 1994: Création de son label Yellow Productions
- 1998: Création du personnage de Bob Sinclar, en hommage au film Le Magnifique avec Belmondo
- 1999: Sortie de son premier hit Gym Tonic. Il se brouille avec Thomas Bangalter la moitié de Daft Punk à l’origine du morceau et seulement crédité de remixer sur la jacquette
- 2001: Album Champs-Elysées et Production du premier volume de Africanism
- 2005: Sortie du single Love Generation hymne de la Star Académie et tube international
- 2006: Rock this party au sommet des charts dans toute l’Europe
Sur la piste, les ch’tis habillés en Kaporal 5 bougent leurs cheveux pleins de Pento et les filles trémoussent leur arrière-train, calé sur des faux Stilettos. Mais après 1h de set, la Fabrik commence déjà à s’ennuyer. Bob, qui nous a confiés « avoir élevé le niveau du DJ à des niveaux incroyables», peine à convaincre avec une playlist ultra-formatée. Derrière les platines cela pourrait être aussi bien le DJ résident du Stardust à Vesoul que la star de la profession.
Quand on lui demande comment il explique ses succès comme Love Generation, il répond que « ça a été un carton absolu parce que c’était différent ». Aujourd’hui « la différence » c’est bel et bien fini : « Les morceaux ne m’appartiennent plus (…) Je suis là plus pour véhiculer une image positive: simplicité, efficacité, sincérité », reconnait-il en backstage. Résultat: à 3h du matin, il n’y a plus que dans la salle principale que l’on trouve des clubbers, qui donnent tous l’impression de danser par politesse, le regard très vide. Vers 3h30 du matin, Bob prend le micro pour conclure: «Je remercie M6 MUSIC Club pour cette soirée». Yann, qui s’était assoupi dans la salle d’interview sort de son sommeil et le chambre gentiment: « Ah il assure ! C’est tout un métier ! »
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