Quand on retrouve Pardalian à un bistrot métro Porte Dorée, il fait déjà nuit. Le jeune homme bosse 9 heures par jour, alors pas facile de caler un créneau. « Le midi je saute même souvent la pause déjeuner ! »
Avec son CDI, sa carte d’identité et sa voiture, Pardalian a construit sa vie en France. Son parcours de warrior explique peut-être sa maturité, et aussi son physique de lutteur gréco-romain.
Car Pardalian a dû soulever des montagnes. Arrivé à Saint-Denis à 14 ans sans amis, ni famille, il a connu la grande précarité dans le camp du Hanul. Grâce à sa fiche de paie, il peut ambitionner aujourd’hui de quitter le village d’insertion où il vit avec sa famille qui l’a rejoint en France. Avec franchise et humour, il raconte sa success story à StreetPress. C’est le premier de notre série sur les jeunes Roms.
J’ai une passion pour les poids-lourds
Tu es arrivé en France à 14 ans, seul et sans famille, dans un camp. Aujourd’hui tu as un CDI et une carte d’identité. Tu nous racontes cette success story ? Je suis arrivé en 2004 à la Plaine Stade de France, dans le camp du Hanul où je suis resté quelques mois. J’avais payé des passeurs dans les 150 euros. Mais le camp, ça ne servait à rien d’y rester. Il n’y avait rien à faire. Rien. J’ai réussi à intégrer un foyer pour les mineurs isolés, parce qu’un jeune Roumain m’en avait parlé. Il m’y a même accompagné. Et c’est grâce au foyer que j’ai réussi à m’intégrer en France. J’allais à l’école, j’ai passé mon permis. Et j’ai eu une carte d’identité française. A l’époque, une loi donnait aux mineurs isolés vivant sur le territoire français depuis 3 ans une carte d’identité. Du coup j’ai pu avoir un travail. Et là, ça fait 3 ans et demi que je suis conducteur de poids-lourds pour une société spécialisée dans le déménagement d’entreprise. Avant j’ai été postier, intérimaire, j’ai travaillé dans les panneaux solaires. J’ai passé un CAP en peinture. Mais les camions, c’est mon rêve depuis très longtemps. J’ai une passion pour les poids-lourds. Alors je voulais vraiment faire ça.
On m’a aussi dit que tu sortais avec une Française. Comment vous vous êtes rencontrés ? En fait on s’est quitté il y a trois mois… Mais je peux t’en parler, ce n’est pas douloureux ! On s’est rencontré au lycée. Là-bas, il y avait deux sections : la générale et la professionnelle avec tout ce qui est les métiers de la conduite. On a été amené à se parler, à se rencontrer et ça a duré trois ans et demi à peu près. C’est d’ailleurs son père qui m’a aidé à trouver mon boulot. Il travaillait dans cette boîte et il m’a dit à qui envoyer mon CV. Après je ne suis pas encore sorti avec des filles Roumaines, alors je ne peux pas comparer avec les Françaises !
Parce qu’au delà des grands concepts (le chômage des jeunes ou la question des Roms), il y a des réalités complexes à découvrir et surtout… des vrais gens, qui vivent ces situations de manières diverses, avec chacun leurs personnalités.
Chaque jeudi sur StreetPress, on vous présente un(e) jeune Rom. Si vous regardez trop TF1, vous risquez d’être surpris.
Qu’est-ce qui a été le plus dur pour toi dans ton évolution ? Franchement c’était d’apprendre le français. C’était vraiment dur. Là-bas dans le camp où je vivais, personne ne parlait le français. Du coup quand je suis arrivé au foyer, je savais juste dire bonjour et au revoir. Là-bas, j’ai eu des cours de français accélérés, parce qu’il fallait que j’apprenne rapidement pour aller au collège de Montfermeil. Et au collège, ouais c’était bien. J’avais beaucoup d’amis. Le foyer aussi j’aimais bien ! Il y avait beaucoup d’action. Des bagarres, des embrouilles ! C’était une ambiance ! J’avais une très bonne relation avec les éducateurs. Un des éducateurs Mohammed, je le vois encore, c’est devenu un ami.
Pourquoi tu vis encore au village d’insertion ? Parce que le loyer est moins cher. Par mois, ça me coûte 50 euros et je gagne 1.300 euros et des brouettes. C’est bien mieux que les camps : il y a l’eau, l’électricité, un gardien. Mais mon objectif, c’est qu’on déménage de là-bas d’ici à 6 mois. Du moment qu’on sort de Saint-Denis, je suis content ! Quand je dis on, c’est moi et ma famille. Il y a ma mère, femme au foyer, et mon père, qui travaille dans une société de nettoyage. Ils ne parlent pas le français. Et il y a mes 3 soeurs. Ils sont venus me rejoindre 1 an et demi après mon arrivée.
Pardalian | Bio Express
> 1990 : Naissance en Roumanie> 2004 : Arrivée en France au camp du Hanul
> 2005 – 2008 : Effectue sa scolarité à Montfermeil
> 2007 : Devient Français
> 2009 : Obtient un CDI de chauffeur de poids-lourds
Y a-t-il une habitude que tu as prise en France et dont tu ne pourrais plus te défaire ? Manger du saucisson je le faisais déjà en Roumanie. Mais ce que j’aime, c’est toutes ces sortes de fromages que vous avez. Vous avez tellement de fromages ! Je trouve ça bien d’avoir beaucoup de fromage. Surtout le camembert.
Le dernier bon film que tu as vu au ciné ? Là, il n’y a pas très longtemps… Je ne sais plus comment il s’appelle ! C’est un film super connu. Avec l’acteur Johnny Depp … Un film d’horreur, un peu comédie aussi. Même qu’il est maquillé et tout ! Le titre est en anglais. Mac quelque chose… Sincèrement je ne me rappelle plus du titre !
Au moment de se quitter, Pardalian insiste pour payer la dernière tournée et nous raccompagner en voiture. Une attitude de bonhomme pour un jeune garçon d’à peine 22 ans. Quand on lui demande si de part sa réussite, il pense avoir un rôle à jouer auprès de sa communauté, Pardalian se fait tranchant :
« J’aimerais bien les aider mais eux ne veulent pas comprendre. Je ne vais pas te mentir, quand je leur parle de l’école, ils me disent qu’ils préfèrent faire la manche. »
Alors le jeune homme préfère ne pas trop y penser :
« Aider les Roms, c’est vraiment vraiment difficile. Avec moi ça a été vraiment difficile, alors avec eux ? »
Ce que j’aime, c’est toutes ces sortes de fromages que vous avez
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