En ce moment

    31/05/2011

    Le bâtiment qui vaut 60 millions d'euros aura accueilli des artistes pendant 7 mois

    Le squat du Château Pirate, vidé à la cool par Groupama

    Par Françoise Ortie

    Et un squat de moins! Le squat d'artistes de la rue René Boulanger (Paris) a fermé mardi, muré à chaque étage par les ouvriers de l'assureur Groupama, propriétaire du bâtiment. «Clochards, SDF et routards», tous ont donc quitté le Château.

    Paris 10e – 31 mai. Sur la place entourée de marronniers qui donne sur le boulevard Saint-Martin, un père et son fils à vélo s’enthousiasment: « Regarde, ils tournent un film ». Lit d’hôpital, vieille télé cathodique, fauteuils usés bibelots divers le décor est strange, style brocante du dimanche. Les caméras ont été remplacées par des gros camions remplis de briques. Des jeunes fument des roulées. Des ouvriers en salopette bleue avec des brouettes pleines de béton font des va-et-vient à l’intérieur du bâtiment, orchestrés par deux hommes en costard et cravate violette. Mais c’est quoi ce film?

    2 squats en un Mardi à 12h pétantes, au 40 rue René Boulanger, à quelques mètres de la place de la République: Les artistes du squat du Château Pirate viennent de rendre les clefs de ce bâtiment de 1.200 m2 à leur propriétaire : la mutuelle d’assurance Groupama. « On est arrivé à la date butoir de la procédure qui aura duré 7 mois quand même » raconte fièrement Lauris, un jeune tatoueur squatteur. « Ce squat était gigantesque : du dernier étage on voyait tout Paris. J’avais installé un salon de tatouage entier dedans. Mais y avait tout : atelier sculpture, gravure, sérigraphie, couture, théâtre, concerts, vernissages, teufs ». Le Château Pirate, un immense immeuble moderne aux vitres en forme de hublot, a été squatté dès novembre 2010 par « Brahim Chaouche et sa bande. » rejoints ensuite par les « mecs de la petite Roquette », un autre squat du 11e arrondissement. « Il y avait deux squats en un » précise Lauris.

    Stratégie boîte aux lettres Des jeunes passants du quartier s’arrêtent : « Ah merde vous partez », « Ah bah c’était cool quand même que vous soyez restés si longtemps ». Après 7 mois de procédures, Groupama a réussi à faire expulser les habitants incommodants. « On a un avocat, on en a plusieurs même » explique Lauris. « La stratégie est simple, ils peuvent pas expulser des gens qui sont depuis plus de sept jours dans un lieu avec une boîte aux lettres ». Cette fois ci, on ne l’y reprendra plus: le groupe d’assureurs a pris toutes ses précautions pour éviter que de nouveaux squatteurs s’installent en murant chaque étage un par un.

    Trésor caché Devant l’entrée, entre deux bétonneuses, Bachir, la quarantaine, en polo violet style décontract’, lâche : « Le bâtiment vaut 60 millions d’euros. Ils ont fait des fêtes, y avait des clochards, des SDF, tout et n’importe quoi, au départ c’étaient des artistes, des beaux gosses et puis à la fin c’était n’importe quoi, ils ont tout démoli ». Devant l’immeuble les camionnettes des assureurs côtoient celles des artistes. « Je me suis mis à peindre des vitraux trois jours avant l’expulsion. L’inspiration a jailli d’un coup. C’est un trésor qui restera à jamais caché dans le château » me lance Vincent Demeaux, artiste peintre, en me montrant des fresques sur son appareil photo. Impossible de rentrer voir, le béton est déjà sec.

    Cravates violettes Et maintenant? « Quand tu sais que tu arrives au dernier mois [du squat], tu te bouges le cul. J’ai trouvé un truc vers les Lilas mais je peux pas te dire où exactement parce que y a pas encore de procédure » Comme Lauris et Vincent, visiblement chacun a son plan de secours. Mais le mystère plane quant au devenir du bâtiment. « C’est clair je m’installerais bien là moi avec ma famille, dans ce quartier populaire central » avoue Bachir. Apparemment, l’acte de vente a été signé le jour où les squatteurs se sont installés. La vente aurait pu être annulée? Personne ne veut répondre chez Groupama, les mecs aux cravates violettes préfèrent discuter entre eux « Vérifiez bien qu’il ne reste pas une seule issue possible » lancent-ils aux maçons.

    Combien de temps le building restera-t-il inhabité ? Bonne question. En attendant, le Château Pirate garde un souvenir de ses moussaillons gravé sur ses vitres : des peintures d’hommes africains sur chaque fenêtre réalisées par Kouka. Ce sont les derniers habitants de l’immeuble. Discrets et pas bruyants eux.

    « Ah bah c’était cool quand même que vous soyez restés si longtemps »


    Depuis chaque fenêtre, gravé dans le verre, un homme africain te regarde. C’était le Château Pirate

    Cet article est en accès libre, pour toutes et tous.

    Mais sans les dons de ses lecteurs, StreetPress devra s’arrêter.

    Je fais un don à partir de 1€
    Sans vos dons, nous mourrons.

    Si vous voulez que StreetPress soit encore là l’an prochain, nous avons besoin de votre soutien.

    Nous avons, en presque 15 ans, démontré notre utilité. StreetPress se bat pour construire un monde un peu plus juste. Nos articles ont de l’impact. Vous êtes des centaines de milliers à suivre chaque mois notre travail et à partager nos valeurs.

    Aujourd’hui nous avons vraiment besoin de vous. Si vous n’êtes pas 6.000 à nous faire un don mensuel ou annuel, nous ne pourrons pas continuer.

    Chaque don à partir de 1€ donne droit à une réduction fiscale de 66%. Vous pouvez stopper votre don à tout moment.

    Je donne

    NE MANQUEZ RIEN DE STREETPRESS,
    ABONNEZ-VOUS À NOTRE NEWSLETTER