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    26/06/2024

    « Opposant à l’IVG et adorateur de l’ex-président américain, ça fait beaucoup ! »

    Nicolas Conquer, candidat investi par Éric Ciotti et fervent supporter de Trump

    Par Nathalie Gathié

    Dans la Manche, Éric Ciotti a parachuté Nicolas Conquer, l’ancien porte-voix trumpiste en France. Adepte des théories conspi et des saillies à l’emporte-pièce, le Franco-américain veut sauver le pays du chaos.

    « Make Normandie great again ! » Le slogan sonnerait curieusement s’il résonnait sur les marchés de Cherbourg (50) mais il ferait pourtant écho à la dernière trouvaille d’Éric Ciotti. Décidément plein de ressources lorsqu’il s’agit de consolider ses noces avec le Rassemblement national, l’encore président de LR vient d’enrôler un Trumpiste, un vrai, dans la glorieuse écurie de l’Union de l’extrême droite. Nicolas Conquer, c’est son nom, a appris le 15 juin qu’il serait parachuté dans la 4e circonscription de la Manche. En cette année du 80e anniversaire du débarquement sur les plages normandes, on a connu meilleur clin d’œil de l’Histoire

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    Un fanatique de Trump et Bannon

    Car la nouvelle « pépite » ciottiste, qui a papillonné au RN et à Reconquête sans y être encarté, n’est pas un « mister Nobody ». Cadre sup’ chez l’Oréal à la ville, ce trentenaire blond et gominé officiait jusqu’à ces derniers jours comme porte-parole des Republicans Overseas en France. Traduction, le Franco-américain roulait plein pot pour l’idole des relégués de la bannière étiolée, Donald Trump. Et pas qu’un peu ! Familier des chaînes d’info en continue, friandes de la logorrhée de cet apôtre de la post-vérité, le « Donaldophile » n’a pas laissé que de bons souvenirs à ses camarades de plateau. « Débattre avec lui relève de l’impossible », note la politologue franco-américaine Nicole Bacharan :

    « Il déroule jusqu’à l’absurde les éléments de langage de Trump et de Bannon. »

    Agent d’influence des droites européennes et tête (mal) pensante de la campagne de Trump en 2016, Steve Bannon, qui continue selon le New York Times à distiller son fiel dans les cercles de l’alt-right américaine, s’était autoproclamé spin doctor de Marine Le Pen et l’avait soutenue lors des européennes de 2019. Rien d’étonnant donc à ce qu’il figure en bonne place dans le panthéon du radical Nicolas Conquer.

    Un complotiste

    Le 9 juin, avant même son recrutement par Ciotti, le Franco-américain se réjouit sur X des 31,37% raflés par Bardella et provoque les foules sur l’air « Brown votes matter » (le vote brun compte, ndlr) en référence au « Black lives matter », martelé par la communauté afro-américaine engagée contre le racisme et les violences policières. Mais c’est face caméra que ce joyeux luron donne la pleine mesure de ses moyens : le 5 mars dernier dans la foulée de la razzia de son mentor sur les primaires républicaines, il célèbre sur la bolloréenne CNews « le come-back historique » de son héros et se félicite, toutes bacchantes déployées, d’« un appel massif à revenir l’ère Trump ».

    À peine plus gêné aux entournures de son exaltation, le 15 avril, au premier jour de la comparution au pénal de Trump dans l’affaire de falsification de comptes l’opposant à l’ex-actrice porno Stormy Daniels, il flingue sur BFM le procureur de New York, le qualifie d’« activiste » et dénonce une « justice utilisée comme bras armé de la politique ». Le 30 mai, jour de la condamnation de l’ex-président US candidat à sa réélection, Nicolas Conquer s’époumone, sur BFM encore, où il crie sans rire au « simulacre de justice » et scande que « le vrai verdict tombera le 5 novembre », date de la présidentielle américaine.

    À l’image des Republicans Overseas, le néo-bateleur de la fanfare LR-RN dans la Manche, mène une croisade sans relâche contre l’état profond, une théorie conspirationniste en vogue dans les rangs trumpistes. Il exècre aussi les médias mainstream qui, tweete-t-il, « riront moins » une fois Trump réélu. Dans un gazouillis de soutien à Matt Gaetz, représentant hyperactif du Freedom caucus qui aimante au Congrès la frange la plus ultra du Parti Républicain, il promettait en avril 2021 « de ne pas se laisser intimider par le deep state ».

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    Un soutien aux pires anti-avortements

    Sur Facebook, l’institution dont Conquer portait ardemment la voix s’honore de l’organisation le 10 novembre 2023 à Paris du World Wide Freedom. Soucieuse de fédérer « des patriotes du monde entier pour échanger sur des enjeux communs : la liberté d’expression, le wokisme, l’économie, l’immigration… », cette « initiative mondiale pour la liberté » a fait très fort.

    Sur fond de banderoles appelant à « Drain the swamp », comprendre « vider le marais » des bureaucrates et de l’establishment qui le polluent, la crème de l’extrême s’est succédée au pupitre : David Bossie, ex-directeur de campagne de Trump, Nigel Farage, radical artisan du brexit, Balázs Orbán, ministre et conseiller politique de l’illibéral premier ministre Hongrois, Laurence Trochu, figure de la manif pour Tous puis de Sens commun convertie au « marion-maréchalisme » et bien sûr, Éric Zemmour auquel est revenu l’insigne honneur d’ouvrir les festivités.

    Séduit par Reconquête où il a un temps butiné, toujours prompt à retweeter les posts racistes de Marion Maréchal invitant à « rendre les Algériens à l’Algérie », Conquer n’a pas particulièrement imprimé les rétines zemmouristes. Président de Génération Z, Stanislas Rigault n’en garde qu’une image très floue : « À ma connaissance, il n’a joué aucun rôle dans les tractations préalables au médiatique coup de fil de soutien passé par Trump à Éric Zemmour en février 2022 ». La jeune groupie du chantre du grand remplacement se souvient en revanche l’avoir croisé dans les locaux de l’Institut de formation politique (IFP) qu’il fréquentait en qualité d’auditeur. Labo de l’union des droites et pouponnière des talents rances, l’IFP entend former la relève dont la France a besoin sous peine d’effondrement.

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    Cet Institut cher à Conquer jouit de la reconnaissance éternelle du milliardaire Pierre-Edouard Stérin : pieux mécène de l’extrême droite française sur le point de racheter le magazine Marianne, ce libertarien décomplexé finance via le Fonds du Bien Commun, son organe de charité, l’Institut Libre de Journalisme hébergé par l’IFP et supposé armer idéologiquement de jeunes confrères afin qu’il mènent la « bataille culturelle » contre le progressisme dans les rédactions. Co-fondé en 2004 par Alexandre Pesey, ancien de l’Union nationale inter-universitaire (UNI), du Renouveau Étudiant, de la musclée Corpo de droit d’Assas et, n’en jetez plus, proche du site catho tradi Salon Beige, l’IFP a tout pour plaire au « ciotto-mariniste ».

    Rejeton d’une famille aussi nombreuse que chrétienne, frère de Guillaume qui a servi comme prêtre à Monaco, le novice en politique affiche sa foi et celle des siens sur Facebook. Il ne fait pas davantage mystère de ses convictions pro-vie. Hostile à l’euthanasie et pas mécontent que la dissolution ait enterré le projet de loi sur le droit de mourir dans la dignité, il assume son adhésion à la Fondation Jérôme Lejeune, violemment hostile à l’avortement et connue pour entraver à grands coups d’action en justice les recherches médicales sur l’embryon. De « nobles causes », selon ce père de plusieurs enfants qui se plaît à récolter des fonds pour la Fondation en participant à des marathons tel celui de Paris en 2023.

    Un parachuté sans connaissances locales

    Du côté de Cherbourg, les états de service de ce drôle de paroissien interrogent. « Ici, on bénéficie d’un climat plutôt tempéré à tous les sens du terme », sourit un observateur de la vie politique locale. « Lors des législatives de 2022, le RN a fait moins de 17%, c’est trop mais on n’est pas dans l’excès incarné par ce monsieur qui semble complètement hors-sol. » Déboussolé sous les embruns du Nord-Cotentin, l’homme de la réconciliation des droites est fâché avec la géographie normande : sa propension à confondre les noms des plages tout comme son incapacité à égrainer cinq noms de communes de sa circo sans se tromper font déjà glousser sous les cirés.

    Députée sortante PS et candidate sous la bannière du Nouveau Front populaire, Anna Pic se désole de l’immixtion « pour le moins saugrenue » d’un profil pareil dans la campagne. « En tant que femme républicaine, je suis doublement heurtée », développe-t-elle. « Opposant à l’IVG et adorateur d’un président américain qui se glorifie de piétiner les institutions, ça fait beaucoup ! » Persuadé que sa bi-nationalité convaincra les Normands libérés par les Yankees de voter pour sa pomme, « il a manifestement oublié que le RN a un temps envisagé de supprimer la double nationalité et que Sébastien Chenu a très récemment plaidé pour le retrait de cette disposition », raille Estelle Loret, collaboratrice de la candidate du Front populaire.

    Prolixe sur les réseaux sociaux, bon client cathodique et urbain avec la presse locale où il récite son catéchisme sur « les dérives idéologiques de l’extrême gauche » et la nécessité d’un « sursaut national » pour éviter « le chaos », Nicolas Conquer n’a pas répondu aux sollicitations de Streetpress. Dommage car on aurait volontiers demandé au Trumpiste si, en cas de défaite, il envisageait de donner l’assaut à la permanence de l’actuelle députée Anna Pic.

    Illustration de Une de Timothée Moreau.

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