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    21/06/2024

    « Au lieu d’essayer de convaincre les décideurs, prenons leur place »

    Adel Amara, le candidat du Front populaire qui a mis fin à la guerre entre deux cités

    Par Inès Belgacem , Louisa Ben

    À Villiers-sur-Marne (94), la FI a investi un candidat de la société civile : Adel Amara, 37 ans, voudrait vaincre le fatalisme et continuer de s’engager pour la jeunesse. Une voix qui donne de l’espoir dans sa ville.

    Villiers-sur-Marne (94) – « Pourquoi dans les quartiers on parle d’ “émeutes”, quand les agriculteurs, eux, se “révoltent” ? » « Pourquoi Nahel ne compte que pour nous ? » « Comment peut-on changer les choses ? » Adel Amara, 37 ans, écoute avec gravité les interrogations de la dizaine de jeunes venus pour le rencontrer. « On a tous la rage. Et sans les émeutes, personne n’aurait parlé de Nahel, c’est sûr. » Ils ont entre 19 et 25 ans, comptent le soutenir dans sa campagne pour les législatives, à la fois fiers de cette candidature de la société civile et remplis de frustration envers la classe politique. « Mais celui qui se fait choper prend pour tout le monde, c’est l’abattoir ! », continue le représentant du Nouveau Front populaire, qui voudrait proposer d’autres modes de mobilisation :

    « Alors que 50 jeunes devant la mairie, qui ont des revendications et disent “sinon on ne vote plus pour vous”, ça marche beaucoup mieux. »

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    À Villiers-sur-Marne (94), La France insoumise a investi un candidat de la société civile. / Crédits : Louisa Ben

    L’homme au béret de titi parisien, chemise blanche et col retroussé, sait de quoi il parle. Il a décidé de se lancer en politique en 2020, après des années d’engagement associatif, en présentant sa liste aux municipales. Devenu conseiller municipal d’opposition pugnace – « C’est mon rôle, je suis là pour les secouer », sourit l’intéressé – il s’est engagé bec et ongles contre l’islamophobie et les discriminations, sur la question palestinienne et pour la jeunesse. C’est lui qui a proposé – pour la seconde fois – sa candidature à La France insoumise (LFI). Investi jeudi dans la nuit en urgence, il s’est entouré d’une équipe tout aussi jeune et, comme lui, investi dans l’associatif local. Ensemble, ils voudraient mener une « campagne pour » : « Pour la démocratie, pour le climat, pour la justice sociale, pour la paix. » En partie, toutefois, contre le fatalisme de certains électeurs de la 4ème circonscription du Val-de-Marne. Aux jeunes assis autour de lui, il assure :

    « Au lieu de perdre notre temps à convaincre les décideurs, prenons leur place et décidons. »

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    À Villiers-sur-Marne, Adel Amara, candidat pour le Nouveau Front populaire, voudrait vaincre le fatalisme et continuer de s’engager pour la jeunesse. / Crédits : Louisa Ben

    « On est fier ! »

    « C’est génial qu’il se présente », assure tout sourire Bamba, 22 ans, qui connaît le candidat depuis longtemps. Son acolyte Mara, 23 ans, ne mâche pas non plus ses mots. « On est fier ! Ce n’est pas assez applaudit d’ailleurs d’arriver à faire de la politique en venant d’un quartier. » Bamba embraie :

    « Il est allé chercher des choses que je ne pensais pas faites pour nous. Je ne me suis jamais dit que je pouvais écrire un programme, porter mes idées et me présenter comme maire. Maintenant, je sais que c’est possible et je ne ferme plus de porte. »

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    Adel Amara, 37 ans, s’est entouré d’une équipe tout aussi jeune et, comme lui, investi dans l’associatif local. / Crédits : Louisa Ben

    En 2020, Adel Amara tente de briguer la mairie de Villiers-sur-Marne au Républicain (LR) Jacques Alain Benisti, briscard de la politique de 72 ans. Un vent de jeunesse qui divise la gauche dans une triangulaire houleuse, que les socialistes ne lui ont pas pardonné en local. Toujours utile, le nouveau sur la scène politique réunit 16,92% et 980 voix, avec d’excellents scores dans les quartiers de la ville.

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    Adel Amara représente une voix qui donne de l’espoir dans sa ville de Villiers-sur-Marne. / Crédits : Louisa Ben

    Adel Amara s’y est beaucoup engagé. « Je suis un enfant de l’éducation populaire. J’ai à cœur de redonner ce que j’ai reçu. » Il gère un temps le club de futsal, participe aux actions d’asso’ citoyennes, et s’engage pour la jeunesse. Avec une poignée d’amis, il a notamment réussi à mettre fin à la guerre entre les cités des Hautes-Noues à Villiers et du Bois l’Abbé à Champigny-sur-Marne (94). Une situation hors normes que StreetPress a racontée en juillet 2021. Le candidat a lui aussi participé à ces rixes. Il a vu ces rivalités se transmettre de génération en génération. « On a mis les jeunes dans cette merde, il fallait les en sortir », explique-t-il à l’époque. Bamba a fait partie des jeunes sauvés. Il organise maintenant des matchs de foot avec ses anciens rivaux. « C’est un justicier de l’ombre », commente Mara.

    L’opposant politique

    Le Bondy Blog, mais aussi les caméras de Reuters, Mediapart et même d’un média allemand passent d’un jeune à l’autre. Le candidat de la société civile investi par la LFI intrigue. Sera-t-il à la hauteur de la circonscription morcelée entre quartiers, classe moyenne minée par le sentiment de déclassement, et les coins plus bourgeois ? Les journalistes connaissent aussi le caractère du candidat, élu d’opposition offensif depuis 2020. Sur sa chaîne YouTube, il publie des comptes rendus des conseils, alpague le maire et, s’il le faut, participe à sortir les infos dans la presse :

    « Au conseil municipal, le maire est tout puissant. Alors je sors les problèmes de sa bulle, pour qu’ils ne puissent pas être tus. »

    Lorsque la mairie tente d’annuler une rencontre publique avec Rima Hassan – l’insoumise fraîchement élue eurodéputé, engagée contre le génocide en cours à Gaza – Adel organise une manifestation en face de l’Hôtel de ville. Le maire plie quelques heures avant, et le rassemblement n’a pas besoin d’avoir lieu.

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    Le candidat de la société civile investi par la LFI intrigue les médias. / Crédits : Louisa Ben

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    Une dizaine de jeunes sont venus pour rencontrer Adel Amara. Ils ont entre 19 et 25 ans, et comptent le soutenir dans sa campagne pour les législatives. / Crédits : Louisa Ben

    Le candidat est aussi fonctionnaire municipal à Champigny-sur-Marne, ville voisine où il est à la tête d’une structure jeunesse. Le maire de droite, Laurent Jeanne, n’a pas apprécié l’engagement de son animateur pour un candidat – de gauche – aux élections départementales. Adel Amara n’aurait pas respecté son obligation de réserve. Menacé de révocation, il dénonce une « chasse aux sorcières ». 320 élus signent une tribune pour le soutenir. Un coup de pression qui rabote la sanction à trois jours d’exclusion.

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    Les journalistes connaissent aussi le caractère du candidat, qui s’est révélé être un élu d’opposition offensif depuis 2020. / Crédits : Louisa Ben

    « Je n’irai pas voter »

    Adel Amara fonce sur Adama, carrure de golgoth et peigne agencé dans la barbe. Chaude accolade, les deux hommes sont amis de longue date. « On te soutient Adel, tu sais, mais on n’ira pas voter », lance-t-il jovial et droit dans ses bottes :

    « Depuis Hollande, je me suis promis de ne plus voter. J’ai envie d’y aller pour Adel, mais je n’ai pas envie de revenir sur ma parole. »

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    Adel Amara fonce sur Adama. Chaude accolade, les deux hommes sont amis de longue date. / Crédits : Louisa Ben

    Comme un blocage psychologique, compris par Mahamadou, un proche d’Adel, acteur de la vie asso’ de la ville. S’il s’engage au quotidien, il assure rester loin des politiques qui l’ont déçu.

    « Aujourd’hui, je vois une voisine mettre de l’essence dans sa voiture pour aller travailler, mais qui fouille dans les poubelles à la fin du mois. Qui s’en soucie ? »

    Il répond présent quand Adel l’appelle et ira voter, parce qu’il connaît ses convictions et ses combats, tout en doutant des leviers d’action dont il disposerait une fois à l’assemblée.

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    « On te soutient Adel, tu sais, mais on ira pas voter ». / Crédits : Louisa Ben

    « On a mis fin aux rixes, on tient tête à la mairie, on est au-delà du fatalisme », soutient en aparté le candidat, persuadé de son mode d’action. Mais il n’est pas le candidat des quartiers, tient-il à préciser :

    « Les jeunes et les quartiers sont ma force. Mais on va aller chercher tout le monde. Certains n’arrivent pas à parler aux quartiers. Nous, on a les clés pour parler au plus grand nombre. »

    Il se dit prêt à débarquer à l’Assemblée. Grâce au Nouveau Front populaire, il est la seule voix de gauche pour l’énorme circonscription qui regroupe sept villes du Val-de-Marne. Positif, il conclut :

    « Je suis fier de notre programme et je sais qu’on peut convaincre. Notre ennemi, c’est le temps. »

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    Adel Amara se dit prêt à débarquer à l’Assemblée. / Crédits : Louisa Ben

    Article de Inès Belgacem, avec les photos de Louisa Ben.

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