J’étais à la cantine en train de manger avec mes potes quand mon ami Akram s’est mis à courir vers nous. Comme c’est un élève assez turbulent, on n’a pas compris avec les autres. On a cru que c’était une blague. En fait il s’est pris un coup de feu dans la main, il était blessé.
Je ne savais pas trop quoi faire. Soudain je vois Kilian, le tireur qui arrive. Il était à trois mètres de nous, je le connaissais de vue. Le mec il était armé, il a couru dans la cantine et a tiré trois coups de feu.
Au début on s’est caché sous les tables
En fait quand on a entendu les tirs, le premier réflexe a été de se mettre en sécurité sous les tables au cas où il tirerait, comme on nous l’a appris. L’école nous a fait faire plusieurs exercices de sécurité et d’évacuation. Clairement quand c’est arrivé on n’a pas pensé à l’efficacité des entraînements mais on s’est juste planqué.
Tout autour de moi c’était la grosse panique, je n’y croyais pas, je pensais que c’était un film. Je me disais : ce n’est pas possible ! ça peut pas arriver à Tocqueville… pas ici ! Ça se passe qu’à la télé… on ne réalise pas que ça peut se passer dans son propre lycée !
Il faut sauver sa peau
Quand j’étais caché, je ne pensais pas à mes proches. Concrètement là j’étais en mode survie. J’ai surtout pensé à moi.
Mais après on a tous eu le même réflexe. J’étais avec trois camarades et c’est ensemble que l’on s’est dit : « faut pas rester ici, faut qu’on trouve un moyen de sortir ».
Puis tout d’un coup il y a tout le monde qui se met à courir en suivant tout le monde.
Avec l’adrénaline je n’ai fait que courir et au bout d’un moment je me suis dit : mais il y avait des gens avec moi ! Où est-ce qu’ils sont ? Qu’est-ce qu’ils font ? Je me suis retourné et j’ai vu qu’ils n’étaient pas loin… L’un de mes potes était tellement perturbé, qu’il a laissé son téléphone sur la table de la cantine. Tellement il était en panique !
Kilian était harcelé à l’école
Je pense que Kilian a fait ça parce qu’il était harcelé au lycée. Des gens se sont moqués de lui. Ce n’était pas très gentil. Il a pété un plomb au bout d’un moment. Vous savez, on peut être méchants entre nous.
« Je pense que Kilian a fait ça parce qu’il était harcelé au lycée. Il a pété un plomb au bout d’un moment. »
Hraf, lycéen à Grasse
Je ne le connaissais pas personnellement, c’était pas un de mes potes. Je ne sais pas si on aurait pu l’empêcher de passer à l’acte. Je ne pense pas que les profs auraient pu l’en empêcher non plus.
Kilian n’a pas visé le proviseur mais des élèves avec qui il avait un différend
Quand il a tiré, le proviseur était dans les escaliers, il s’est retourné et parce qu’il a cherché à s’interposer, il lui a mis une balle. A l’origine ce n’était pas lui qui était visé mais des personnes qui le faisaient chier, des élèves de sa classe.
Il y a des gens qui m’ont dit que son arme s’était enrayée. C’est pour ça qu’il n’y pas eu plus de blessés. On n’aurait rien pu faire de toute façon. Ni nous ni les profs.
Je n’ai pas envie de voir un psy, j’ai pas envie de rester là-bas…
On nous a emmené au gymnase du lycée pour nous regrouper. On nous a proposé des trucs à manger, à boire. Ils ont mis en place des cellules de crise et on m’a proposé de parler à des psychologues. Mais moi je n’ai pas envie de voir un psy et encore moins de rester dans l’établissement. Je ne fais que marcher depuis que ça a eu lieu. On ne sait même pas quand on va pouvoir reprendre les cours.
Propos recueillis par Victoire Chevreul, à GrasseCet article est en accès libre, pour toutes et tous.
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