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    23/11/2016

    À 20 ans, il prépare sa première collection de haute couture

    Sami, réfugié afghan et protégé de Jean Paul Gaultier

    Par Clémentine Labrosse

    En Afghanistan, puis en Iran, Sami rêvait déjà de l’Europe où les filles portent « des jupes et pas de voiles ». Arrivé en France sans papiers ni toit, il a fait son trou dans la maison de couture de Jean Paul Gaultier.

    Paris, 2e – Sami sort tout sourire des ateliers Jean Paul Gaultier et fait la bise à ses collègues. Bon look, il a les cheveux soignés et le regard charmeur en cette fin de journée. « Mon style, c’est plutôt chic décontracté, tu vois », explique-t-il dans un français un poil hésitant.

    Accoudé à une table d’un bistrot parisien, le jeune homme retrace son parcours semé d’embuches. A 5 ans, Sami quitte l’Afghanistan pour l’Iran. En 2010, alors qu’il a 14 ans, il traverse l’Asie pour rejoindre la France. Il débarque à Tours, seul, sans parler un mot de français. Six ans plus tard, le voilà étudiant en stylisme dans une école réputée et employé dans l’une des plus prestigieuses maisons. A la fin de l’année, il présentera sa première collection de haute couture :

    « Bien sûr que je suis un peu stressé, mais tout est question de volonté, je ne veux jamais baisser les bras. »

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    Le Swag de Sami. / Crédits : Clémentine Labrosse

    Coupe Iranienne

    C’est en Iran que Sami découvre la couture aux côtés de son père :

    « Je crois que la première chose que j’ai cousu était un oreiller que j’avais bourré de chutes de tissus. »

    A l’époque, la famille galère dans le petit appart’ qu’il occupe à Téhéran. La couture, c’est avant tout un moyen de gagner de l’argent :

    « On travaillait de chez nous pour une marque iranienne. Elle nous envoyait les pièces que l’on devait coudre par taxi. »

    Là-bas, sa vie n’est pas rose. Devant une bière, Sami se livre :

    « Comme on n’avait pas de papiers, je ne suis pas allé à l’école. J’ai juste appris à coudre avec mon père. »

    Ado, Sami rêve d’Europe. Là-bas, les femmes sont libres de porter les vêtements qui leur plaisent. La vie semble plus douce :

    « L’Europe dans ma tête c’est la liberté. Des filles classes, en jupe et sans voile. »

    De la rue aux bureaux de Gaultier

    Sami est le premier membre de sa famille à émigrer en France. C’était en 2010. Son atterrissage est plutôt sévère. A peine arrivé à Tours, son passeur s’évapore. Il laisse Sami dans la mouise et sans toit. « Je dormais dans la rue sans savoir où j’étais – sans parler français ni anglais. » Un beau jour, deux policiers viennent à sa rencontre. Émus par l’histoire de Sami, ils se démènent pour lui venir en aide. D’abord placé en foyer, Sami est ensuite accueilli par une famille. Il est rapidement scolarisé dans un lycée de Tours. Au bahut, il bosse dur mais rêve de podiums et de défilés :

    « J’ai eu l’idée d’organiser un petit défilé dans mon école avec l’accord de la directrice. J’ai cousu environ trente robes de soirée grâce à la machine à coudre que les femmes de ménage m’avaient prêtées. »

    Après ce coup d’éclat, sa famille d’accueil et son lycée suggèrent à Sami de tenter sa chance dans la mode. Il décroche un premier stage chez Jean Paul Gaultier. Avant de poursuivre ses études en alternance à l’école de la chambre syndicale de la couture parisienne.

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    C’est en Iran que Sami découvre la couture aux côtés de son père. / Crédits : Clémentine Labrosse

    Au concert de Kylie Minogue

    Aujourd’hui, Sami est de tous les défilés : Galliano, Gaultier, Margiela. Il arpente les mêmes pavés parisiens que les modeux de la capitale et découvre le monde de la haute couture. « Avant, je ne savais même pas que des gens pouvaient être célèbres pour la couture », lâche-t-il non sans émotion. En quelques années, il s’est fait un sérieux carnet d’adresses :

    « Avec Jean Paul Gaultier on n’est pas vraiment potes, mais je le connais un peu. Je suis allé au concert de Kylie Minogue avec lui parce que j’avais travaillé sur une création pour elle. »
    Il prépare en ce moment sa première collection, qu’il devrait présenter à la fin de l’année. Ses inspirations ? McQueen, Dior, « parce que c’est classe ». Et Jean Paul Gaultier bien sûr :

    « Il fait des choses originales même si elles ne sont pas toujours portables. »

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