C’est la rentrée. Ce jeudi 15 septembre, lycéens, syndicats et militants ont rendez-vous à 14h, place de la Bastille, pour un défilé contre « la loi travail et son monde ». StreetPress a suivi la France qui se lève tôt, celle des lycéens parisiens partis en manif sauvage dès 6h30. Au programme de la matinée : cache-cache, mini-échauffourées avec la police, feux de poubelles et destruction de caméras de surveillance.
Il n’y a pas âme qui vive à Voltaire
7h. Seul un amas de poubelles témoigne du passage des lycéens de Voltaire qui ont tenté de bloquer l’accès de l’établissement au petit matin. « Vous ne les avez pas vu ? Ils tournent autour du lycée depuis 6h30 », s’étonne la proviseure-adjointe.
L’année dernière, le bahut du 11e a été bloqué pendant trois semaines. Pas question de recommencer cette année. « C’est un coup du MILI [collectif militant très actif à Paris, ndlr] », opine la proviseure-adjointe :
« On a vu que sur les réseaux sociaux le mot d’ordre était de bloquer Voltaire. »
A deux pas, au croisement de l’avenue de la République et du boulevard de Ménilmontant, une vingtaine de lycéens se dirigent vers le sud.
Enjoy Coca-Cola / Crédits : Tomas Statius
Bataille de poubelles à Dorian
8h. La pluie redouble. Sur fond de hard tech, diffusée par des petites enceintes portatives, les lycéens de Voltaire et ceux de Dorian (11e) tentent mollement de bloquer la porte du lycée. Pas de chance, les surveillants veillent au grain. « Les gens ne sont pas prêts à se battre pour leurs droits », se désole Sam, élève au Lycée autogéré de Paris en première :
« L’état va tout faire pour que le mouvement ne reparte pas. »
Alors que lycéens et pions chahutent sur les larges trottoirs de l’avenue Phillippe-Auguste, la police entre en scène. La petite troupe se disperse. Les plus motivés tentent quand même, en prévision du blocage, d’embarquer les poubelles qui entravaient l’entrée du lycée avant l’arrivée de la maréchaussée. « Si vous faîtes ça, on colle à tout le monde des amendes pour vol de poubelle », menace un policier, talkie à la main.
Il danse le Mia devant Bergson / Crédits : Tomas Statius
Feu de Poubelle à Bergson
9h. Cinq stations de métro plus loin, voilà les 50 lycéens à Bergson. L’établissement n’est pas bloqué mais une trentaine d’élèves stagnent devant les grilles. Quelques poubelles sont placées devant l’entrée principale. Rapidement l’ambiance se réchauffe. Blocage de la rue, feux de poubelles, jets d’œufs… Le bahut du 19e arrondissement, devant lequel un lycéen avait été violemment frappé par un policier le 24 mars dernier, devient le point de ralliement des insurgés de l’est parisien.
Devant Bergson, une baignoire bloque la rue / Crédits : Tomas Statius
Finalement, la cohorte décolle regonflée par les élèves de Bergson. Dans l’avenue Secrétan, ils sont une grosse centaine à entonner le classique « tout le monde déteste la police » puis :
« Paris, debout, soulève toi. »
Salamèche est passé par là / Crédits : Tomas Statius
Retour à Voltaire pour un décrochage de caméra
10h. Le cortège ne squatte pas très longtemps devant le lycée du 11e. Tout juste le temps de “mettre KO une caméra de surveillance”:https://twitter.com/TomasStatius/status/776333312751173636, de forcer l’une des quatre entrées de l’établissement et de contraindre la police à montrer le bout de son casque.
(img) Dîtes cheese !
Même tarif à Dorian. Rapidement, la décision est prise de rejoindre le lycée Hélène Boucher (20e). Le groupe est bien escorté par des CRS, présents en masse sur le chemin et autour de la place de la Nation. C’est là que l’on subit notre premier contrôle d’identité de l’année. On est tombé sur un policier plutôt soucieux de son image. Après avoir examiné notre carte de presse, il lâche :
« Sur votre appareil photo, j’espère que vous avez de bons clichés. »
Escale à Hélène Boucher avant de rejoindre la Gare de Lyon
11h30. Ambiance kermesse devant Hélène Boucher. Il n’est plus question de blocus. Après avoir débrayé quatre lycées de l’est parisien, la question que tout le monde se pose est la suivante : mais qu’est-ce qu’on fait après ? De l’autre côté du boulevard, deux colonnes de CRS sont prêtes à charger. « On est au coin de la rue. Si vous bougez, vous nous prévenez », annonce un policier goguenard, qui vient à la rencontre des manifestants :
« Parce si vous partez en courant, on vous défonce. »
Il y a un poète dans le cortége / Crédits : Tomas Statius
On lève le camp. Dans les couloirs du métro, plusieurs caméras en prennent pour leur grade. Comme toujours, le cortège est bariolé, hormis pour une poignée de militants tout de noir vêtus. On descend à gare de Lyon. Rue Van Gogh, les CRS chargent après qu’un abribus ait explosé sous les coups de boutoir d’un manifestant. Deux lycéens de Bergson sont interpellés.
13h. « Cécile la casseuse ! »
13h. On approche de la place de la Bastille. Le barrage de police annoncé par le Ministère est en vue. La consigne : ne laissez passer aucun manifestant qui se présenterait avec du matériel de protection. « J’ai des protège-tibias sur les avants-bras », observe Sam :
« Avec ça, ils ne vont jamais me laisser passer. »
Pas faciles à escalader ces barrières... / Crédits : Tomas Statius
Boulevard Henri IV, deux jeunes mecs distribuent les numéros d’avocats de la Defcol, un collectif qui portent assistance juridique à ceux qui se font arrêter. C’est le moment que choisit Cécile Duflot pour fendre la foule. Elle aussi rejoint la manif… mais sans lunette de protection. « Cécile avec nous », lancent plusieurs manifestants. D’autres ironisent :
« C’est Cécile la casseuse. »
Plusieurs lycéens essaient de se greffer à l’aréopage d’élus EELV qui franchit sans encombre le barrage de police. Sans succès. Une dizaine de manifestants s’écartent du cortège, à la recherche d’un moyen d’esquiver les contrôles de police. Les CRS répondent par un tir de lacrymo. La manif’ a déjà commencé.
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