En ce moment

    23/05/2016

    Animateur sur OKLM Radio, intervieweur pour l’Abcdr du son et défricheur pour France 4

    Mehdi Maizi, nouveau visage du journalisme rap

    Par Matthieu Bidan

    C’est la figure montante du journalisme rap. Mehdi Maizi anime La Sauce sur OKLM Radio et une émission sur France 4. Une histoire débutée sur le web il y a 8 ans avec l’Abcdr du son. Portrait d’un bousillé de rap « en embrouille avec personne ».

    Père-Lachaise, Paris 20e – « Une photo ? Ah je n’ai pas mis ma meilleure veste ! » Il râle en souriant mais sait déjà qu’il va se prêter au petit jeu du sourire forcé. Sa veste Adidas grise – il est vrai un peu large – est remontée jusqu’aux coudes. Pendant l’interview, à force de parler musique, il tombe les trois bandes. Mehdi Maizi, 30 ans, est journaliste rap et plutôt du genre conciliant. « Je ne suis en embrouille avec personne », lâche-t-il. Un garde suisse dans le rap game.

    Depuis moins d’un mois, il anime La Sauce, une émission quotidienne de 2 heures sur OKLM Radio, l’appli de Booba. En parallèle, il est toujours la tête de gondole de l’Abcdr du son, un site dédié au rap. Sa dernière prise ? Will.i.am, une interview en anglais mais « avec un accent foireux ». Mehdi apparaît aussi dans Monte le son, une quotidienne de France 4 qui « déniche aujourd’hui ce qu’il faudra écouter demain ». Evidemment, il parle rap. Il y a aussi plusieurs podcasts et même un livre : Rap français une exploration en 100 albums. Bref, le bonhomme est partout.

    « Heureusement, je n’ai pas besoin de dormir beaucoup. 4 ou 5 heures ça me suffit. »

    De l’Abcdr du son à Oklm

    Sa dernière aventure, c’est donc Oklm Radio, le dernier joujou de Booba. Mehdi précise d’emblée :

    « Ce n’est pas Booba qui m’a embauché. »

    https://backend.streetpress.com/sites/default/files/mehdi_mouse.jpg

    Mehdi et ses amis. / Crédits : IG

    Le journaliste tient à sa liberté de ton. Malgré le clash entre son boss et Rohff, il a déjà prévu de passer le dernier son du rappeur du 94 dans l’émission du jour. Un vrai boulot d’équilibriste puisque c’est Booba lui-même qui était l’invité de la première. Et l’émission marche fort : elle se place régulièrement dans les sujets les plus discutés sur Twitter. Mehdi ne s’enflamme pas pour autant :

    « Les réseaux sociaux ce n’est pas la vraie vie. Ma meuf n’a même pas Twitter ! »

    Entre deux gorgées de Coca zéro, il explique avoir eu un peu peur d’OKLM et de son public large. Lui est un pur produit de l’Abcdr du son, un site de nerds du rap lancé au début des années 2000, à mille lieux du tout frais OKLM et de sa ligne éditoriale plus fourre-tout. Mehdi est venu avec sa petite équipe, des membres de l’Abcdr ou Driver, rappeur de Sarcelles, pour une émission qui se veut entre « The Breakfast Club et Touche pas à mon poste ».

    « Je suis payé pour parler rap »

    Mehdi a un temps vécu en HLM mais il n’en a pas de souvenirs tenaces. Il se définit plutôt « classe moyenne » bringuebalé dans des petits bleds français à partir de 4 ans. Sa mère, infirmière, et son père, présentateur du 20h, ont fui l’Algérie et sa décennie noire. A l’époque, le pays est miné par le terrorisme et les intellectuels sont menacés. En France, la petite famille déménage beaucoup, entre la Picardie, l’Oise et le Val d’Oise. Son père, porté sur la bouteille, déserte le foyer. « Déjà en Algérie, ma mère m’a dit que je chialais quand je le voyais à la télé parce qu’il n’était pas avec nous. »

    https://backend.streetpress.com/sites/default/files/mehdi_2_2.jpg

    Snow Beach. / Crédits : Matthieu Bidan

    Son parcours est un miroir déformé de celui du paternel. « Inconsciemment, je crois que j’ai cherché à m’éloigner de son modèle. » Car Mehdi n’a pas le parcours classique du journaliste. Bac S, prépa HEC, école de commerce et boulot dans l’audit, s’il a fait tout ça, c’est « pour faire plaisir à (sa) mère, une grande anxieuse ». Sa passion finit par le rattraper à coup de chroniques d’albums. « Il y a deux ans et demi, j’avais un boulot qui ne me plaisait pas, aujourd’hui je suis payé pour parler rap toute la journée ! »

    Le Michel Drucker du rap français ?

    Mehdi n’aime rien de plus que parler rap. Il précise toujours combien d’heures il a discuté avec tel ou tel rappeur. Lui raconte ses nuits à débattre sur des forums, ses crises de boulimie rapologique au lycée, son apprentissage de l’anglais grâce aux lyrics des rappeurs qu’il avait pris l’habitude d’imprimer. Damien, son coloc, le connaît depuis le collège. « Il fallait voir sa chambre, il y avait des CD partout. Par contre, il n’y avait pas un CD de Tupac dans une boîte de Biggie. Un grand bordel organisé. »

    Clip Kaaris tout sourire

    Mehdi joue la fibre du passionné dans ses interviews. Pas un album qu’il n’ait pas en tête au moment d’interviewer Rohff ou Kaaris. Il cite Zane Lowe, ancien animateur de la BBC, comme modèle. A l’image du néo-zélandais, il aime mettre à l’aise ses invités. Son ambition : faire de La Sauce, « un lieu de passage ». On lui reproche parfois d’être trop tendre sur l’assaisonnement. Pas assez épicé Mehdi ?

    « J’interviewe des artistes, pas des politiques. Ils n’ont pas de compte à me rendre. On me dit souvent ‘Mehdi, t’es trop bienveillant’. Je pense que tu peux l’être et faire de bonnes interviews. »

    Il préfère ne pas définir son style, dit que ça serait « comme renifler ses pets ». Reste que son visage est en passe de devenir incontournable dans le petit milieu du journalisme rap. On lui parle souvent de Mouloud Achour ou d’Olivier Cachin, les deux titulaires au poste de couteau suisse du rap français. A son tour, il est invité à s’exprimer dans les studios de France Inter ou sur le plateau de BFM. Mais il se méfie :

    « Je n’ai pas envie d’être ce journaliste qu’on appelle partout pour parler de sujets que je ne maîtrise pas forcément. »

    On le quitte après 2 heures, une bonne moyenne, même pour lui. Il tombe toujours une pluie d’été sur la route du métro. Mehdi presse le pas vers les locaux d’OKLM radio, du côté d’Alésia. Avant de filer, il a quand même une question :

    « On n’a pas eu le temps de parler de toi, comment ça va ? »

    Le journalisme de qualité coûte cher. Nous avons besoin de vous.

    Nous pensons que l’information doit être accessible à chacun, quel que soient ses moyens. C’est pourquoi StreetPress est et restera gratuit. Mais produire une information de qualité prend du temps et coûte cher. StreetPress, c'est une équipe de 13 journalistes permanents, auxquels s'ajoute plusieurs dizaines de pigistes, photographes et illustrateurs.
    Soutenez StreetPress, faites un don à partir de 1 euro 💪🙏

    Je soutiens StreetPress  
    mode payements

    NE MANQUEZ RIEN DE STREETPRESS,
    ABONNEZ-VOUS À NOTRE NEWSLETTER