Tribunal Administratif de Paris – « Avouez que ce n’est pas tous les jours que vous avez devant vous une étudiante de Sciences Po », ironise Maître Stambouli devant le Tribunal. A sa gauche, Mariam 23 ans, sa cliente, se tient droit comme un « i » dans son chemisier imprimé oiseaux.
Depuis 2 ans, cette jeune réfugiée géorgienne est inscrite à l’IEP de Paris en filière internationale. 2 ans de galère : alors que le préfet a refusé sa demande de visa, l’administration de Sciences Po ne cesse de lui mettre des bâtons dans les roues. En cause ? Sa situation irrégulière. Pour son avocate, il y a urgence :
« Il faut réexaminer sa situation. Ce n’est quand même pas idéal pour des études comme les siennes. »
De Tbilissi à Paris
Dans un troquet à 2 pas du tribunal administratif, Mariam, lunettes sur le nez et dégaine d’étudiante bien dans ses boots, nous raconte son parcours du combattant. Il y a 4 ans et demi, la jeune fille débarque en France avec une partie de sa famille, persécutée par le régime Géorgien. « On a demandé l’asile politique », raconte-t-elle en buvant son petit noir.
En 2 ans, la jeune fille apprend le français, prépare le concours de Sciences Po tout en suivant déjà les cours rue Saint Guillaume en auditeur libre. Le 16 juin 2014, c’est champagne ! Mariam apprend qu’elle est admise à l’Institut d’études politiques de Paris en filière internationale. Le seul hic, c’est que 3 jours auparavant, la préf’ a refusé sa demande de visa au motif que Mariam ne serait qu’« auditrice libre ». « C’est là que tout a commencé » souffle-t-elle, accoudée au comptoir.
Pour l’aider, Sciences Po propose de l’exclure
Sciences Po Paris n’est pas tendre avec l’étudiante : les coups de pression et les convocations intempestives se multiplient, selon Mariam. L’administration serait même allée jusqu’à supprimer son accès à l’espace numérique de travail et a rayer son nom des listes, nous explique un enseignant de l’IEP, contacté par StreetPress.
En septembre 2015, après une première année redoublée malgré sa motivation, constatée par tous, la directrice des études finit par convoquer Mariam dans son bureau. « Elle m’annonce qu’elle veut me désinscrire parce que mon inscription est contraire à la loi française », raconte Mariam :
« Ils m’ont aussi dit que cette décision, c’était pour m’aider. Que je serai mieux dans une autre fac. »
Mariam se justifie, invoque son sérieux et son investissement dans la vie associative de Sciences Po mais rien n’y fait. En sortant, elle écrit un mail à l’administration. La réponse de la direction vaut son pesant de cacahuètes :
« Une nouvelle chance peut s’offrir à vous en dehors de notre établissement. »
Sciences Po fait machine arrière
A Sciences Po, le cas de Mariam émeut. Depuis septembre, les syndicats étudiants font front pour faire pression sur la direction. « Mariam nous a contactés en début d’année. L’administration disait que ce n’était pas légal de la réinscrire », explique une représentante de l’Unef :
« Ce n’est pas à l’administration de se mêler de la régularité de ses papiers. »
Mardi dernier, syndicats et profs arrachent finalement le soutien de l’établissement en vue de l’audience au tribunal administratif qui doit statuer sur l’annulation de l’obligation de quitter le territoire français. Le président consent à rédiger une lettre faisant état de son sérieux dans l’école. Rétropédalage de l’administration ? « Ils ont vu qu’il y avait de la mobilisation », décrypte cette étudiante syndiquée :
« Ce qui les gène à Sciences Po, c’est la mauvaise pub. »
Contacté par StreetPress, l’Institut d’études politiques de Paris n’a pas donné suite à nos demandes d’interview.
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