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    05/02/2016

    « On voulait créer un contrepoint idéologique à Soral »

    Le petit buzz d’Osons Causer, la chaîne youtube qui parle politique

    Par Lucas Chedeville , Vassili Feodoroff

    Assis dans son salon, mais pas sur un canapé rouge, Ludo tente d’expliquer le monde. Réalisées avec 2 acolytes, ses vidéos où se mêlent socio, politique et même philosophie cartonnent sur le web. Et en plus c’est intelligent.

    Le rendez-vous est pris avec les trois compères dans un café de Belleville, à Paris. « Bienvenue dans le quartier les gars ! » rigole Ludo, grosse touffe de cheveux et barbe épaisse. Ils habitent en coloc à quelques encablures de là et sont des habitués des cafés Bellevillois.

    Les 3 presque trentenaires sont à l’origine de la chaîne Youtube Osons Causer. Dans leurs vidéos, de 5 à 20 minutes selon les sujets, Ludo parle face-caméra de sociologie, de droit, de politique, de philo… Et ça cartonne : leur chaîne lancée en juin 2015, cumule près de 750.000 vues.


    Vidéo – Pourquoi les arabes sont des voleurs ?

    Leur première vidéo sort en juin dernier. Elle est intitulée « Pourquoi les arabes sont des voleurs ? ». Ils assument parfaitement avoir fait leur « pute à clics » comme certains médias qu’ils dénigrent.

    Les gugus ont un parcours d’universitaires classiques, « d’intellos ». Ludo et Xavier bossent maintenant à plein temps sur le projet mais ont une formation de philosophie et de sciences sociales. Quant à Stéphane, seul des trois à être toujours dans le giron de l’Éducation Nationale, il poursuit sa thèse en science cognitive.

    Leur truc, c’est les bouquins. D’ailleurs, dans leurs vidéos, on repère toujours un livre en rapport avec la thématique, à l’image du youtubeur Bonjour Tristesse. Pour StreetPress, ils rembobinent l’histoire de leur projet.

    Pourquoi avoir lancé ce projet ?

    Stéphane : Souvent, on a l’impression que parler de politique est réservé à une minorité. Mais nous, on pense sincèrement que n’importe qui est capable de comprendre l’actualité et d’avoir un avis. Et les gens ont envie de ça. Pour cela, il faut créer un dialogue avec les abonnés, discuter de manière bienveillante et constructive.

    Quand est-ce que l’idée a germé ?

    Xavier : Quand Ludo est venu squatter chez Steph et moi en novembre 2014. On se connaissait déjà un peu, on avait déjà évoqué l’idée de monter quelque chose ensemble. On a quasiment les mêmes opinions, les mêmes parcours, etc. Mais il a fallu apprendre à se connaitre, comprendre comment chacun bosse.

    Ludo : Moi j’étais plus branché politique, Xav plutôt porté sur la vulgarisation sociologique. Il y a eu plein de micro-débuts de projets. Au début, c’était très peu préparé et beaucoup trop ambitieux. Je pense qu’on a dans nos archives des rushs abjects de moi en train d’établir des grandes fresques du capitalisme financier. [Rires]

    On s’est progressivement rendu compte qu’il fallait mieux sourcer, davantage écrire, bosser à plusieurs. Mais on est toujours en train d’évoluer. Au début, c’était des plans séquences en relative impro. Maintenant on cut davantage pour gagner en concision.

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    Ludo dans une de ses vidéos / Crédits : Page Facebook Osons Causer

    Qui vous a inspiré ?

    Stéphane : C’est un peu un mélange de Soral et de web ricain. Nous on voulait établir un vrai lien avec les internautes, à la différence des vidéos humoristiques qui sont hyper montées, avec des changements de plans, des personnages, de la musique.

    C’est aussi parti du succès de Soral. Sur la forme, ses vidéos sont très intéressantes. On voulait créer un contrepoint idéologique, le contrer. J’ai commencé à tanner Ludo pour monter un truc cool.

    Ludo : La mise en forme des vidéos de Soral est très simple, très horizontale. T’as vraiment l’impression de parler à un pote, d’être lié à celui qui te parle. On sentait bien le charisme qui va bien, le lien affectif, la facilité d’enchaînement de pensées… Sur la forme toujours, c’est sexy et attirant.

    Quelles idées vous cherchez à transmettre ?

    Ludo : On a tous les trois une sensibilité de gauche, c’est indéniable. On a des valeurs humanistes, émancipatrices et tout ce que tu veux. On cherche à être honnêtes. Ça va avec l’économie du don, ce type de modèle éco où tu horizontalises, t’es transparent, t’as presque une relation intime avec ton lectorat.

    Xavier : On essaye de donner aux gens l’envie d’aller plus loin, de développer leur esprit critique.

    Stéphane : Plus que des idées, on veut créer un débat. On cherche à s’adresser aux gens qui se sentent dépossédés de la parole politique. Ceux qui vont sur le site Egalité et Réconciliation, dans la grande majorité, ne sont pas des horribles antisémites. C’est beaucoup de types qui ne se reconnaissent plus dans le traitement de l’actualité fait par les médias. Après, à l’inverse d’E & R, on développe un discours cohérent et sourcé. Nous, on ne désigne pas des bouc-émissaires, on essaye d’expliquer les problèmes.


    Vidéo – Quel est le piège que nous tend Daesh ?

    Comment vous choisissez vos sujets ?

    Ludo : Au début, c’était plus des sujets de fond que d’actu. Et puis, en avançant, on s’est dit qu’on ne pouvait pas passer à côté. Par exemple, c’était indéniable qu’il fallait faire un truc sur les attentats qui soit différent du traitement médiatique. En parallèle, on continue à bosser sur des sujets de fond, comme la vidéo sur les sondages qu’on a sorti récemment.

    Vous vous partagez le taff de quelle manière ?

    Xavier : Ludo et moi, on bosse à plein temps dessus et Stéphane nous aide énormément. Il faut qu’on soit irréprochables dans les informations qu’on amène. Pour ça on lit beaucoup, Le Monde Diplomatique, Mediapart, Bastamag, Politis… Le plus gros du travail est de sourcer les infos.

    Pour faire une vidéo, on met environ trois jours à temps plein : entre le choix du sujet, les recherches, l’écriture et le tournage final. C’est une moyenne : ça peut aller plus vite sur des formats plus courts où on parle d’actu chaude.

    C’est quoi la suite ?

    Ludo : On est en train de mettre en place notre modèle économique, pour pouvoir faire plus de vidéos, investir dans du matos, et pour bouffer tout simplement. A terme, ça doit devenir notre seule source de revenus. On a gagné quelques centaines d’euros avec la monétisation sur Youtube, mais bon.

    On veut vraiment que ça marche. Alors si des gens avec un peu le même parcours universitaire que nous sont motivés pour nous rejoindre, c’est avec plaisir.

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