Constance (Allemagne) – 2 heures du mat’, dans la nuit de vendredi 13, Davide Martello, 34 piges, monte dans sa caisse. A l’arrière de sa vieille Mercedes « Guizmo » (c’est le nom qu’il lui a donné), une remorque dénommée elle « Jessy », dans laquelle se trouve son piano baptisé « Lutz ». Une dizaine d’heures et 750 kilomètres plus tard, il débarque à Paname. « Les rues de Paris étaient désertes » au lendemain des attentats, se souvient Davide, qui « trouve tout de suite une super place pour Guizmo et Jessy, juste à côté du Bataclan » :
« Je gare ma voiture, je prends le piano, je vois le sang sur le trottoir. Je roule avec mon vélo sur le sang, car je n’ai pas le choix. Je joue “Imagine”, cela dure 3 minutes. Après, je suis parti, je suis retourné directement en Allemagne. Je ne pouvais pas rester plus, j’étais bouleversé. »
Mais parce qu’il veut jouer « sur tous les lieux où des gens ont été tués », Davide revient à Paris. C’est comme ça qu’on retrouve le street pianist, et qu’on on passe la soirée avec lui avec notre caméra. Retrouvez le sujet vidéo :
(S’ils ne s’affichent pas, cliquez sur le bouton sous-titres pour afficher la VOSTFR)
Piano do-it-yourself
C’est Davide qui a construit son street piano, avec ses enceintes, ses batteries, ses LED et même le petit chauffage au gaz qui se déplie sous le clavier pour réchauffer les doigts quand il fait froid. Mi-Géo Trouvetou, mi-casque bleu, il nous explique pourquoi poser son piano dans les zones de tensions, ça va de soi:
« Quand j’étais petit, écouter du piano me calmait. En fait, la musique du piano calme les gens… C’est un peu comme allumer la télé et passer un dessin animé à deux gamins qui se chamaillent. »
Illustration place Taksim, à Istanbul, où des centaines de milliers de jeunes Turcs manifestent contre le pouvoir en juin 2013, Martello y joue 12 heures non-stop : « J’avais mis le volume du piano très très fort, pour que tout le monde et même la police puisse m’entendre ». Rebelote l’année suivante place Maïdan, puis à Donetsk en Ukraine, en pleine guerre civile. Ou encore pendant des émeutes de hooligans à Cologne en octobre de l’année dernière, qu’il veut essayer de calmer. Et puis déjà à Paris en janvier, après l’attaque de Charlie Hebdo.
Cette fois, Davide a beaucoup hésité avant de venir jouer devant le Bataclan. « Mes amis ne voulaient pas que j’y aille, ils étaient effrayés par le décompte des morts, par l’Etat Islamique », se souvient-il, « et moi aussi je ne savais pas si je devais y aller ». Mais le comportement du patron du pub irlandais où il était venu mater le match France-Allemagne vendredi est une des raisons qui ont contribué à lui faire prendre sa décision de se rendre à Paname :
« Quand les bandeaux qui signalaient les attentats sont apparus sur l’écran qui diffusait le match, le patron du pub a fait éteindre la télé, pour que les gens puissent continuer à boire et à dépenser de l’argent dans le bar. Des gens meurent et le mec éteint la télé, pour gagner plus de fric ! »
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