Raqqa, capitale de l’Etat Islamique – « J’ai découvert les attentats de Paris sur Facebook », raconte Mohammed, 27 piges. Le bouche-à-oreille se met en marche et « l’information circule très rapidement », témoigne le jeune commerçant. Quelques jours après les tragiques événements qui ont touché Paname, il décrit à StreetPress l’ambiance de cette ville, otage de Daesh. La terreur permanente des « civils » et les fanfaronnades des troupes armées promettant d’autres « opérations plus larges en Europe ».
Les hommes de Daesh paradent dans Raqqa. - (Photo prise avant les attentats de Paris). / Crédits : CC.
C’est par l’intermédiaire du Raqqa Post, un site d’info proche de l’armée syrienne libre, que StreetPress est entré en contact avec Mohammed. L’un de ses journalistes, basé en Turquie, lui a filé nos questions. C’est aussi par son intermédiaire que nous parviennent les réponses. Pour ce simple témoignage, tous les 2 risquent leur peau. Nous ne publions donc ni leur nom, ni les différents éléments qui nous ont permis de confirmer la présence de Mohammed sur place. L’ensemble des photos illustrant cet article nous a également été envoyé par ces deux sources.
Message à la France
« Je voudrais dire au peuple français que nous ne sommes pas des terroristes, nous sommes les habitants de Raqqa, de simples civils comme vous. Des gens cultivés. Nous condamnons les attentats de Paris, nous compatissons à votre douleur mais nous sommes impuissants. Notre ville est aux mains de Daesh et nous n’avons pas le pouvoir de les chasser. Mais, nous nous levons avec vous contre le terrorisme. »
Des « civils » fuient une zone bombardée.
Mohammed, comme tous les autres « civils », est prisonnier de Raqqa :
« Daesh nous empêche de quitter la ville. Nous sommes des boucliers humains face aux frappes aériennes internationales. J’ai peur des avions russes et français. Ils frappent à l’intérieur de la ville remplie de civils. »
Depuis les attentats, les frappes se sont intensifiées. Daesh organise l’évacuation de ses troupes d’origines étrangères et de leurs familles direction Mossul. Ceux qui restent « se mêlent aux civils et se déplacent quotidiennement » pour se protéger :
« Les bombes touchent le centre-ville. De nombreux civils meurent, bien plus que les éléments de Daesh. Il faut arrêter de bombarder le cœur de la ville. »
La terreur au quotidien
Manuel scolaire édité par Daesh
Dans ce récit de deux pages, il nous raconte aussi le quotidien « d’un million de civils habitués aux injustices quotidiennes » des islamistes. « Pour survivre tu dois totalement obéir à Daesh, respecter leur loi ». Ceux qui s’y opposent « risquent une décapitation, l’emprisonnement ou disparaissent ». Chaque parcelle de vie est contrôlée. Les écoles sont aux mains de Daesh. « Les enseignants doivent suivre des cours de charia pendant un mois » et se conformer aux programmes scolaires rédigés par les islamistes.
« Beaucoup de parents ne mettent pas leurs enfants à l’école, de peur qu’ils subissent un lavage de cerveau et soient poussés au jihad. »
Les rues sont totalement sous le contrôle de la police islamique, chargée de faire respecter la « charia » par la violence :
« Il y a même une brigade féminine qui se charge de faire la même chose avec les femmes. Elle emprisonne celles qui ne respectent pas les codes vestimentaires imposés. »
Les hommes de Daesh mettent en scène un enfant brûlant son doudou. « Ils considèrent que les peluches pour enfant sont des idoles donc impurs. » / Crédits : CC.
La loi du silence
A Raqqa, le silence règne dans les rues. Les cinq prières quotidiennes, désormais obligatoires, rythment les journées :
« Chacun doit rejoindre une mosquée ou une place publique pour prier de façon collective. »
Des soldats de Daesh s’apprêtent à couper la main d’un homme.
Raqqa est une ville silencieuse. « Il n’y a aucune vie », les loisirs ont presque totalement disparu. Mohammed ne quitte son domicile que pour rejoindre son commerce. Au taff, assis sur une chaise, il garde le silence par peur de déclencher les foudres d’un homme de Daesh :
« J’ai très peur. Un simple mot peut entraîner ma décapitation. »
La ville de Raqqa est connectée à internet :
« Mais même sur la toile, je ne peux pas parler de Daesh, ni même discuter avec des gens en dehors de Raqqa. J’ai peur qu’ils fouillent mon ordinateur, espionnent mes conversations sur les réseaux sociaux. »
Traduction : Yasmina Bennani
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